Il y a 60 ans, la voix d’une des plus grandes chanteuses de jazz s’est tue

Billie Holiday se produit dans un club de Manhattan en février 1947 © Getty

Le 17 juillet 1959, Billie Holiday s’éteignait au Metropolitan Hospital de Harlem. Il y a 60 ans aujourd’hui que la mythique chanteuse de jazz a disparu à force de brûler la vie par les deux bouts. Retour sur la carrière de celle qu’on appelait Lady Day.

Cirrhose, insuffisance rénale et congestion cérébrale, c’est en très mauvais état qu’on trouve Billie Holiday en ce matin du 17 juillet 1959. À 44 ans, la légende du jazz subit les conséquences de trente ans de consommation de drogues et d’alcool.

Les débuts de Billie Holiday

Billie Holiday, de son vrai nom Eleanora Fagan, n’a pas eu une enfance facile, sa vie a été parsemée d’embuches. Née à Philadelphie de parents adolescents en 1915, elle a rapidement été confiée à ses tantes et à sa grand-mère. Elle subit des violences pendant cette période. Vers 11 ans, elle se rend à New York avec sa mère où elle fait des petits ménages mais finit par se prostituer, ce qui lui vaudra un bref passage en prison. C’est après cet épisode qu’elle commence à fréquenter les clubs de jazz où elle est engagée à chanter au pourboire. Cela la rapproche de Clarence Holiday, son père qui ne l’a pas reconnue, et qui est considéré, à l’époque, comme un musicien de jazz de talent. Elle commence à avoir un peu de succès et décide de changer de nom. Elle prend celui de son père et choisit comme prénom, Billie, en hommage à son actrice préférée Billie Dove.

Billie Holiday et ses musiciens (Ben Webster et Johnny Russell) en 1935 à Harlem
Billie Holiday et ses musiciens (Ben Webster et Johnny Russell) en 1935 à Harlem© Getty

Sa carrière va vraiment démarrer lorsqu’en 1933, elle fait la rencontre de John Hammond, dénicheur de talents et producteur pour Columbia. Il est très vite convaincu par son talent et l’associe avec les meilleurs musiciens, notamment le clarinettiste et chef d’orchestre Benny Goodman. C’est à cette période qu’elle enregistre pour la première fois les chansons Your Mother’s Son-in-Law et Riffin’ the Scotch. Billie Holiday continue sa route et commence à chanter avec les plus grands musiciens de jazz. Elle rencontre notamment le saxophoniste Lester Young avec qui elle entretiendra une relation. C’est lui qui l’appelle pour la première fois Lady Day.

Le succès et la confrontation au racisme

En 1935, John Hammond programme un enregistrement. Billie Holiday accompagnée notamment du pianiste Teddy Wilson et enregistre What a Little Moonlight Can Do et Miss Brown to You.

Billie Holiday chante avec plusieurs musiciens, notamment Duke Ellington ou le groupe d’Artie Shaw avec lequel elle part en tournée. Bien souvent, elle est la seule femme noire entourée de musiciens blancs. Lors de la tournée dans le sud des États-Unis, sa couleur de peau lui a valu des comportements racistes et l’interdiction de chanter ou d’entrer dans les hôtels ou restaurants avec les autres musiciens. Elle coupe court à la tournée et rentre à New York. Plus tard, elle décide de quitter les musiciens et de continuer sa carrière seule.

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Son engagement et Strange Fruit

Strange Fruit est devenu une des chansons les plus emblématiques chantées par Billie Holiday à cause de sa profondeur et de son interprétation. À l’origine, il s’agissait d’un poème d’Abe Meerpool, Bitter Fruit, mais ce texte est arrivé aux oreilles de Barney Josephson qui vient d’ouvrir le Café Society où se produit Billie Holiday. Lorsqu’on lui présente le projet, elle hésite avant d’accepter de l’interpréter puisqu’il ne correspond pas tout à fait au reste de ses titres. Finalement en 1939, Holiday est, avec cette chanson, l’une des premières artistes à s’engager explicitement pour la cause des Noirs.

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La chanson évoque le lynchage des Noirs américains, encore courant surtout dans le Sud, et remporte un large succès. Elle est considérée en 1999 comme la plus grande chanson du XXe siècle par le Time Magazine. Paradoxalement, le morceau est très rarement repris ou interprété postérieurement tant la version de Billie Holiday reste dans les mémoires.

Une fin tragique

À partir des années 1940, Billie Holiday est au zénith de sa carrière mais sa vie personnelle n’est pas au beau fixe. Les hommes qu’elle fréquente lui fournissent à tour de rôle de l’opium et de la cocaïne ou de l’héroïne. Elle a quitté Columbia pour un contrat plus attractif avec Decca. Suite à la mort de sa mère, elle plonge de plus belle dans l’alcool et la drogue et se fait remarquer pour son comportement violent.

En 1947, elle est arrêtée pour possession de stupéfiants et est condamnée à un an de prison. Elle en sort en mars 1948 pour bonne conduite mais ruinée. Les années 1950 sont plus positives artistiquement mais la chanteuse est physiquement de plus en plus fatiguée.

Billie Holidays dans les coulisses d'un de ces derniers grands concerts avant de tomber malade
Billie Holidays dans les coulisses d’un de ces derniers grands concerts avant de tomber malade© Getty

Elle donne un dernier concert à New York le 25 mai 1959. Peu de temps après, elle est internée à l’hôpital pour ses problèmes de foie et de coeur. Elle est dépendante à l’héroïne et est arrêtée au sein même de l’hôpital pour possession de drogues. Elle décède le 17 juillet 1959 à Harlem.

Aujourd’hui, toujours d’actualité

Billie Holiday est encore aujourd’hui au coeur des conversations. L’année dernière, Lee Daniels (Le Majordome, Empire) annonçait vouloir travailler sur un biopic de la chanteuse. Plus récemment, il parlait à nouveau de son projet dans une interview à The Root. Le film mettrait en scène Billie Holiday contre le gouvernement dans une histoire d’espionnage et d’amour autour de son titre Stranger Fruit.

En mars de cette année, le New York Times annonçait que la ville de New York se parerait de nouvelles statues de femmes. En effet, seulement cinq des 150 statues placées dans la ville représentent des femmes. La mairie a donc décidé d’ajouter quatre statues de pionnières. Parmi elles, on trouve Billie Holiday.

Sophie Decaestecker

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