Hide and Seek Festival: trois lieux, trois histoires

Benoit Poelvoorde, Monsieur Manatane © Canal+

Du 20 au 26 août prochain, le festival Hide and Seek investira Bruxelles. Sa marque de fabrique? Les lieux inattendus. Derrière ces espaces cachés, des histoires. On en a sélectionné trois. Quand Benoit Poelvoorde s’électrocute à l’ULB ou que la Belgique manque la guerre civile à cause d’un enterrement…

Parmi les lieux où planter le décor d’un concert, il y en a à la vue de tous, ceux qui se montrent, ceux qui assument. Ils sont fiers, frôlant l’exhibitionnisme en gonflant la poitrine. Dans l’ombre de leur vacarme, il y a des secrets. Les endroits que l’on murmure. Des lieux inattendus, des espaces qui surprennent. Des briques qui impriment les souvenirs.

Sans indication sur la carte, même en plein soleil, rien n’y fait. Impossible. Au hasard, une rencontre. Ou, un destin que l’on provoque. Ça, c’est le rôle du Hide and Seek Festival. Sept jours de musique, dix concerts, autant d’endroits inconnus.

Avec un secret: les promenades dans la ville. Un travail de repérage de longue haleine. « On va d’abord chercher les lieux pour ensuite leur associer une programmation. On réfléchit à un lien et en général, ça s’accorde bien », précise Anaëlle Cavillon de Muziekpublique, l’asbl organise le festival. Où l’intime des salles côtoie les musiques du monde.

Et pour ces lieux existe l’insolite dans l’insolite, le détail qui tue. Pleins feux sur trois espaces et autant d’histoires: on parle Grand Départ, Monsieur Manatane et querelle des cimetières.

Clarinet Factory – Manatane Project

Jeudi 23/8, High Voltage Lab

Le laboratoire de haute tension, ULB
Le laboratoire de haute tension, ULB© Adrien Lebrun

Une tour en béton d’une quinzaine d’étages. Du gris des années soixante. Des étudiants. Ils entrent, ils sortent. L’insoupçonné se cache au rez-de-chaussée. Un laboratoire haute tension, le lieu de l’expérimentation électrique. Plus d’un million de volt. Ici, on reproduisait la force de l’éclair pour tester l’isolation des matériaux. Une recherche de pointe qui s’est délocalisée en Hollande, remplacée par un autre phénomène.

« Il était déguisé en savant fou, un peu comme Einstein, se rappelle Jean-Claude Maun. On a encore des photos dans le labo« . Le « il » dont parle le directeur du BEAMS, c’est Benoît Poelvoorde. En pleine pente montante, cinq ans après C’est arrivé près de chez vous. Nous sommes en 1997 et l’équipe de tournage de Canal + débarque à l’Université Libre de Bruxelles. Ce sont Les carnets de Monsieur Manatane, saison 2, un programme court d’une poignée de minutes incorporé à Nulle part ailleurs. Poelvoorde incarne un gros cerveau qui joue avec des transformateurs et des grandes résistances. C’est drôle, l’accent est pincé.

Pour le Hide and Seek, c’est le Clarinet Factory qui s’amusera au laboratoire. Un quartet de clarinettes tchèque et de la musique minimaliste. Pour des déphasages sinueux entre les instruments sphériques qui pendent au plafond.

Justin Vali Trio – Au Grand Départ

Jeudi 23/8, Brussels Royal Yacht Club

Et en 2006, il y avait Albert II au Yacht Club
Et en 2006, il y avait Albert II au Yacht Club© BELGA Benoit Doppagne

En plongée dans les années 30. Un ponton, quelques bateaux, de bouées de sauvetage. Un bâtiment aux accents art déco observe le canal. C’est le Bruxelles Royal Yacht Club. Dissimulé derrière des arbres, on n’en distingue que les drapeaux qui flottent à son sommet. En face, un incinérateur de déchets. Moins sexy qu’un tête-à-tête avec la mer, le port de plaisance de la capitale.

À l’intérieur par contre, se tromper est impossible. Tout y rappelle la marine. Le plancher, hérité du yacht d’un lord anglais. Les meubles, récupérés des malles qui traversaient la manche. Le restaurant se targue de quatre étoiles sur Trip Advisor. « Le club nautique le plus « up » de Bruxelles« , d’après Francis, un internaute. L’anglais est approximatif.

Manger, c’est bien. Mais l’objectif premier du Yacht Club reste la navigation. C’est un port d’hivernage. Les bateaux y coulent de doux hivers à l’abris de la fougue marine. Chaque printemps, c’est la même histoire. Une étrange procession, le Grand Départ.

Tous ensemble, les navires quittent le port. Une armada plutôt intime, loin des débuts de Vendée Globe. Ils remontent le canal pour Zeebrugge, les Pays-Bas. Et c’est là que le voyage commence.

Ceux qui font le chemin inverse, c’est le Justin Vali Trio. Pour le Hide and Seek, ils joueront les mélodies de Madagascar. On entend le Valiha, la cithare en bambou. Ça sonne comme une bande originale de Wes Anderson. Une traversée marine avec Steve Zissou à la barre.

Egschliglen – la guerre des morts

Mercredi 22/8, Grave Gallery

Les galeries funéraires du cimetière de Molenbeek-Saint-Jean
Les galeries funéraires du cimetière de Molenbeek-Saint-Jean© Georges De Kinder

Après la mer, le repos. Ici, le cimetière est moins marin que celui de Paul Valéry. Du canal, il y a un peu de route. Direction Molenbeek-Saint-Jean et le 19e siècle. La Belgique adolescente est déjà pleine de conflits.

C’est la querelle des cimetières. Ou quand catholiques et libéraux s’attaquaient par journaux interposés. Les mots étaient durs, la violence de circonstance. Avant 1864, le cimetière est un monopole du clergé. Chaque sépulture est bénie, le tout est considéré comme une terre sainte. Les enterrements laïcs sont réservés à un espace plein de dédain, la « fosse aux loups« .

Ça ne pouvait plus durer. Commence alors une véritable guerre de l’inhumation. Pas de morts, beaucoup d’encre. Finalement, la Cour de Cassation se penche sur la question. On décide de séculariser les cimetières. Le conflit durera jusque les années 1870. Et on construira à Molenbeek l’un des premiers lieux d’inhumation laïcs.

Le concert de Egschiglen se tiendra dans les galeries funéraires. « Dans ces galeries, on voulait absolument de la musique chamanique. C’est ce que l’ambiance du lieu inspire« , raconte Peter Van Rompaey, programmateur du Hide and Seek. Fin du 19e, plus de place dans le cimetière. Sous l’impulsion d’Emile Bockstael, on décide de sortir les gens du sol. Des cimetières comme dans le sud. En attendant, le groupe originaire de Mongolie jouera entre les morts. Amener la vie dans une salle qui dort.

Hide and Seek, du 20 au 26 août à Bruxelles. Infos: www.muziekpublique.be

Victor Huon

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