Héritage princier

Prince, ici aux Billboard Music Awards en 2013. © REUTERS/Steve Marcus
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Musicien génial, Prince aura dominé les années 80, en déniaisant la pop à coup de funk vicieux. Il aura à ce point chamboulé le paysage musical, que même les sorties plus anecdotiques de ces dernières années n’auront pas réussi à faire tomber sa couronne.

Jusqu’ici, à chaque fois que la vidéo réapparaissait sur le Net, elle se voyait systématiquement retirée. Filmé en 83, au fameux First Avenue de Minneapolis, le bootleg montre Prince en train d’interpréter pour la première fois sur scène l’un de ses titres-culte: Purple Rain. Jeudi soir, quelques heures après l’annonce du décès de la star, il était cependant de nouveau possible de remettre la main dessus. La revoir reste un choc. Dans cette version, longue de plus de 13 minutes, on voit le tube naître, littéralement, en direct. Si d’aucuns doutaient encore du génie de Prince, il s’étale là, fulgurant, éclatant.

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A cette époque-là, Prince a 25 ans, et a déjà posé les principales balises de son culte musical. Une légende qui se nourrit d’autres – de Jimi Hendrix à James Brown, en passant par Sly & The Family Stone, Funkadelic, etc -, prolongeant en cela une tradition afro-américaine pour mieux l’amener vers la pop – années 80 oblige.

Car Prince, c’est bien sûr le funk moite, hypersexué, bourré de boîte à rythmes chelou (la fameuse LinnDrum). Mais c’est aussi le rock, la soul, la disco, le blues, le jazz (il a enregistré avec Miles Davis), et une capacité à dénicher le gimmick pop qui fait mouche. Roger Nelson est vorace: guitariste incroyable (un journaliste demande un jour à Clapton ce que cela fait d’être le plus grand guitariste au monde, ce à quoi Clapton répond: « je ne sais pas, il faut demander à Prince »), le nain de Mineapolis touche à tout ce qui produit du son. Sur son premier album, For You, sorti en 78, il a tout fait: écrit, réalisé, composé, enregistré, joué de tous les instruments. Pareil avec Dirty Mind, deux ans plus tard. Avec sa pochette culte (slip noir et veste aristo), le disque pose Prince en nouveau héros funk déviant, annonçant sa domination sur la décennie naissante. Controversy, 1999, Purple Rain, Around The World In A Day… En quelques années, Prince enchaîne les pépites et les tubes: Rasperry Beret, When Doves Cry, Let’s Go Crazy, Kiss… Pour lui, comme pour d’autres d’ailleurs – dont de nombreuses femmes, de Sheila E. à Appolonia.

Son chef-d’oeuvre? L’histoire retiendra probablement Sign O’ The Times, double album daté de 1987. Une oeuvre foisonnante, résumant bien la boulimie musicale du patron. Ce sera aussi son dernier grand disque. Par la suite, Prince sortira encore une série d’albums bien achalandés. Mais dès la moitié des nineties, accaparé par ses problèmes contractuels, il commence à sérieusement marquer le pas. Lors de la dizaine suivante, il perd carrément le fil, entre instrumentaux, passade jazz,…. Soyons honnêtes: qui se souvient d’un disque de Prince sorti dans le courant des années 2000? Un beau gâchis.

Malgré cela, bizarrement, Prince gardera toujours son aura intacte. A force d’accumuler les semi-déceptions discographiques, d’autres auraient vu leur étoile pâlir depuis longtemps. Roger Nelson, lui, a toujours brillé. Notamment sur scène. Ces dernières années, chacune de ses tournées a fait courir les foules – pour des shows parfois longs de trois heures, souvent prolongés par des after, improvisée dans des petits clubs. Là, Prince déroulait à nouveau toute sa science, génie doté d’une musicalité folle, capable de mêler la virtuosité et l’émotion pure.

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