Hamza, entre Bruxelles et l’Amérique

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

En concert à l’AB ce samedi, Hamza n’est pas qu’un copycat inspiré, ou une version yéyé des superstars américaines. Portrait d’un rappeur au talent mélodique inné.

Un premier rendez-vous a été fixé à l’Ancienne Belgique: c’est là qu’Hamza donnera l’un de ses premiers vrais concerts à Bruxelles, ce 24 février, quelques jours avant une Cigale parisienne sold out (un Olympia est prévu en octobre). Finalement, changement de programme, on le retrouve dans un café trendy, près de la Toison d’Or. Le rappeur arrive en streetwear, casquette blanche et lunettes noires, dégaine midget à la Lionel Messi. « Pour moi, c’est le meilleur joueur du monde. Mais c’est Ronaldo que j’admire le plus. Il est parti de rien et est arrivé au sommet à force de boulot. » Une version Fifa 18 de l’American Dream, en quelque sorte.

On a souvent tenté de cerner ce qui faisait la particularité de la vague rap belge du moment: son second degré, le côté décalé, etc. Le rap d’Hamza n’a rien de tout ça. Au contraire. Il n’esquive pas les codes. Il les assume, les embrasse, les adosse même, toujours à l’affût de la dernière tendance US. Cru et vulgaire, Hamza fantasme guns & bitches, en faisant pleuvoir les dollars sous autotune. Dans le genre, c’est souvent (toujours) too much. Mais c’est aussi régulièrement irrésistible, tant Hamza semble poser comme il respire, flow à la musicalité bluffante. « Je suis fasciné par sa facilité mélodique, sa manière qu’il a d’intégrer à la fois Jodeci, R Kelly et Drake », nous expliquait l’an dernier Disiz la Peste, l’un des nombreux rappeurs français à avoir invité Hamza sur un morceau. C’est que le Bruxellois occupe aujourd’hui une place unique dans le paysage francophone, pont improbable entre Atlanta, Toronto et les rues de Laeken.

Hamza, entre Bruxelles et l'Amérique
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Car c’est bien de là que vient Hamza Al Farassi. Né en 1994 à Berchem-Sainte-Agathe -une mère originaire de Tetouan et un père avec des racines dans le Rif-, il a grandi du côté de Bockstael… À la maison, la musique est quasi absente. Par contre, quand son père l’emmène en voiture à l’école ou au sport, il se mange de grosses séquences r’n’b américain: Keith Sweat, Jodeci, Blackstreet… Un jour, cependant, le gamin tombe sur le Get Rich or Die Tryin’ de 50 Cent: « C’est ce qui m’a donné envie de rapper, et d’écrire. » Il commence par se faire le flow sur des instrumentaux de rappeurs connus, avant de se mettre à pondre ses propres morceaux, à l’aide du logiciel (belge) Fruity Loops. Le premier morceau? « Il devait s’intituler Laeken City Gang . Je racontais des conneries sur le quartier (rires). Honnêtement, j’ai bien fait des petites bêtises, mais je n’ai jamais été un mauvais garçon. »

Avec deux potes, MK et Triton, il forme Kilogrammes Gang. « On préparait nos sons à l’avance et on fonçait en studio, où l’on payait nos sessions 20 euros de l’heure ». C’est là par exemple qu’Hamza croise pour la première fois le groupe OPG et un certain Damso… Une première mixtape arrive, Gotham City, en 2012. Il continue seul l’année suivante avec Recto/Verso. Et puis, plus rien. Un grand vide de deux ans. « J’avais ni argent, ni studio. J’ai continué à écrire dans mon coin, mais je n’ai jamais rien fait. De cette période, j’ai tout jeté ».

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L’enfer sur le boulevard

Il finit par retomber sur celui qui deviendra un temps son manager, Dakose, qui lui prête un studio. « J’y étais tout le temps. En un mois, j’avais 100, 150 morceaux. » En 2015, il sort H-24, mixtape copieuse au milieu de laquelle on trouve notamment le tube La Sauce. Depuis, Hamza n’a plus arrêté. En 2016, il sort Zombie Life, l’EP New Casanova et Santa Sauce. Alors que la hype belge gonfle, Hamza est en première ligne. La France s’emballe. Même le webzine américain Pitchfork en parle, évoquant une version francophone de la superstar Young Thug. Notamment pour sa manière de rapper/chanter en séquences courtes, jonglant avec les ad lib (« He gets to the essence of words, creating something stylish and evocative »). Mais aussi de brasser les clichés caillera macho. « Au final, c’est juste de la musique, du divertissement. On n’est pas là pour tenir des grands discours ou jouer aux éducateurs. » Le succès n’amène-t-il pas malgré tout d’autres responsabilités? « Non, je ne pense pas. Chacun reste maître de ses choix. Mais pour le prochain album, peut-être que je devrais faire signer une décharge aux gens avant qu’ils ne l’écoutent (rires). « 

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L’automne dernier, Hamza sortait une nouvelle mixtape intitulée 1994, qui nuançait toutefois un peu le personnage. Distribué désormais par Warner France, le « SauceGod » a commencé à proposer des rimes plus personnelles. Sur Juste une minute, il glisse par exemple un sample de Yah Rayah, clin d’oeil à ses racines maghrébines (morceau qu’il a chanté en duo avec Rachid Taha, sur le plateau de Canal +). Toujours un peu kéké chelou (Vibes), il laisse également poindre le désenchantement ici et là (« J’aimerais avoir plus de temps pour savoir ce qui m’intoxique », sur l’irrésistible Life). En toute fin d’album, sur le morceau-titre produit par Ponko, il se laisse presque même aller à la confession: « Je me rappelle quand c’était fucked up/Je vivais la misère au jour le jour ». « Je ne vais pas dire que j’ai grandi dans les favelas. Mais j’ai pu vivre des moments difficiles, quand mes parents ont divorcé. Ma mère avait pas mal de dettes et tout son salaire y passait. Certains mois, on devait faire sans électricité. Aujourd’hui tout s’est arrangé. »

Hamza, entre Bruxelles et l'Amérique

Plus loin, il rappe encore: « Contrôle de police chaque soir/Pas loin de l’enfer sur le boulevard. » « Cela m’est arrivé tellement de fois…. À la longue, vous ne vous formalisez même plus. On occupait toujours le même coin et tous les soirs, la police venait nous contrôler. On ne prenait même plus la peine d’aller ailleurs. Après, c’était aussi un endroit où il y avait pas mal de dealers. Mais pendant le Ramadan, ils venaient par exemple systématiquement dix minutes avant l’heure du repas et nous tenaient une demi-heure, trois quarts d’heure… C’est comme ça, ça devient une routine. » Il n’est pas interdit d’y voir une certaine résignation générationnelle. À moins qu’il ne s’agisse de ce fatalisme typiquement bruxellois. Finalement, Hamza « l’Américain » est peut-être plus belge qu’on ne le pense…

Hamza, 1994, distr. Warner.

En concert ce 24/02, à l’AB, Bruxelles.

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