Glauque, en concert au Bota: « On ne veut pas se faire chier sur scène »

Glauque. Plus qu’un état d’esprit sordide une couleur (un vert qui tend vers le bleu), synonyme de contraste et d’ambivalence. © jorre janssens
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Cinq ans après s’être distingué lors du Concours Circuit, Glauque se produit sur la scène du Botanique vendredi soir. En septembre, le groupe a sorti son premier album. Un disque sombre et poétique à la croisée du rap et des musiques électroniques.

Gare de Namur. Un dimanche. À l’heure de l’apéro mais devant des cafés et un jus de fruit. Lucas Lemage et Aadriejan Montens viennent raconter le premier album de Glauque avant d’aller glisser leurs disques dans des colis. Respectivement venus de Charleroi, éghezée et Malmedy, Baptiste Lo Manto, Lucas et Aadriejan se sont rencontrés à Namur lors de leurs études à l’Imep, l’Institut royal supérieur de musique et de pédagogie. Les deux premiers y ont étudié le piano classique, le troisième y a suivi une formation d’informatique musicale et appris le rapport du son à l’image… Ça fait sens. Glauque a récemment composé la musique d’une série documentaire de la RTBF, portraits de chercheurs wallons dans le domaine des biotechnologies. Le groupe avait déjà bossé sur un autre projet du même réalisateur autour des questions de genre et de sexualité.

Glauque a vu le jour il y a environ cinq ans. “Aadriejan nous a dit qu’il était intéressé par le fait de créer des prods pour un rappeur. Je venais d’apprendre, à mon grand dam, que mon frère Louis faisait du rap en français, se souvient et sourit Lucas. Ils ont donc commencé à deux de leur côté.” Le groupe s’est formé quand ils ont eu leur première opportunité de concert. Le tandem n’avait pas envie de se présenter sous la formule éculée et forcément limitée du rappeur et du DJ. “Ados, on avait joué dans toutes sortes de projets plutôt rock. J’écoutais du rap anglophone aussi. Mais, quand on a lancé le groupe, la France dansait au rythme de la trap. C’est surtout musicalement que ça coinçait… On ne se retrouvait pas du tout dans ces codes musicaux. C’était pas tant l’écriture ou le flow… Avec Baptiste, on a rejoint le projet parce qu’on le trouvait cool et qu’on était agréablement surpris. Moi le premier. J’avais peu d’attente.

Lucas est né en 1990. Louis, le frangin rappeur, a sept ans de moins. Langues germaniques, cuisine, sciences politiques… Il a eu un parcours scolaire éclectique, a beaucoup cherché sa voie et s’est même retrouvé à l’Imep pendant un mois. “Au début, il était très influencé par Orelsan et le Klub des Loosers”, explique Aadriejan. “Il a aussi eu une période Nekfeu. Une période Damso, ponctue Lucas. Globalement, il est assez curieux. Comme on l’est tous. Peut-être pas vis-à-vis du rap français mais au moins de la musique.

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La conversation dévie sur Odezenne et Veence Hanao… Puis sur le gros mot Fauve pour mieux tacler tout raccourci douteux. “On n’a jamais été à l’aise avec le mot collectif. Même si le terme sonne cool, il te donne l’image qu’on est tous dans un hangar, que des gens arrivent de temps en temps et qu’on ne sait pas trop qui c’est. Nous, on est un groupe. Mon frère ne connaissait même pas Fauve. Et c’est loin de nous. On était un peu plus rock avant mais on s’est vite rapprochés des musiques électroniques. C’est une volonté depuis le début, qu’on a apprivoisée au fur et à mesure, en fonction de nos compétences respectives et du matériel à notre disposition. On a toujours voulu faire fonctionner de la musique électronique avec des textes rap. On n’y est juste pas toujours arrivés.”

L’électro, j’ai commencé très jeune avec Boys Noize, Digitalism et compagnie, explique Aadriejan. Puis aussi Justice et Daft Punk évidemment. Je suis né en 1995. Ça m’a beaucoup influencé en même temps que le rock alternatif. Radiohead aussi se retrouve dans nos influences. Dès le début dans mes prods avec Louis, j’ai cherché une interaction entre tout ça et le hip-hop old school anglo-saxon que j’écoutais: NWA, Snoop Dogg.” Ils parlent aussi de Kendrick Lamar, de Ghostpoet. Des collaborations entre Thom Yorke et Modeselektor.

Introspection

Si le rap a clairement une tendance à la karaokéisation, Glauque nage à contre-courant avec ses instruments. “J’ai l’impression que deux tendances extrêmes se forment, analyse Lucas. Des très gros comme Kendrick Lamar tablent sur une mise en scène avec un seul personnage. Et donc pas de musiciens. Tandis que d’autres essaient de s’éloigner du rap, de ramener d’autres influences et se présentent avec un groupe. Pour nous, c’est uniquement une question de plaisir et d’envie. On a tous des formations de musiciens et on ne veut pas se faire chier sur scène. On a toujours cherché à jouer un maximum pour ne pas glander pendant les concerts. Ça apporte une autre dynamique. Puis, au début, pour Louis, c’était confortable de pas avoir tous les regards braqués sur lui.L’idée est de toutes façons d’être perçu comme un band. Ce qui n’est pas forcément gagné dans le rap, avec ses figures très fortes et ses projets très personnalisés. “Certains pensent encore que Glauque est un pseudonyme et qu’on est ses accompagnateurs. Les codes sont tellement forts.

Glauque, qui se distingue autant par sa dimension musicale que par la profondeur, la noirceur et la poésie de ses textes, a intitulé son premier album Les gens passent, le temps reste. Est-ce qu’il fait vraiment noir dans leurs têtes comme le chante Louis? “Pas tant que ça, rétorque Lucas. Il y a beaucoup d’introspection, je pense, dans notre musique et nos textes. Je ne dis pas qu’on choisit la facilité mais ça reste plus évident d’être sombre et crédible que d’écrire un morceau heureux qui tient la route. Pour mon frère en tout cas, c’est dans les moments d’introspection, et pas dans les moments les plus joyeux, que la nécessité d’écrire se fait sentir. C’est le côté cathartique du truc. Puis, il y a aussi ce qu’on lui amène comme musique. Ce qu’on lui propose est assez mélancolique ou, du moins, pas super réjouissant à la base.

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Louis ne se revendique pas trop de rappeurs dans l’écriture. Mais à côté des références à Bon Iver et Monsieur Manatane, il glisse dans ses textes pas mal de clins d’œil à la littérature (il a notamment un faible pour Kundera et Murakami). Autour de certains morceaux s’est dégagée la thématique des deuils. “Du coup, on n’embarquait pas non plus dans le truc le plus festif qui soit. Même si on ne considère pas l’album comme sans espoir. Loin de là. Quasiment tout le disque a été conçu pendant le confinement. “L’ambiance globale n’était pas des plus réjouissantes avec ce qu’on voyait de l’humanité et de la société. Tout l’album ne découle pas de ça, mais ça a sans doute joué.”

Les gens passent, le temps reste ***(*), distribué par Ecluse/Auguri Labels. En concert le 12/10 à la Cave aux Poètes (Roubaix), le 01/12 au Botanique…

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