Ghinzu est de retour sur scène! Avant l’album?
Disparu de la circulation, les Bruxellois de Ghinzu refont surface, pour fêter les 20 ans de Blow sur scène. Avant un nouvel album? Explications avec John Stargasm, lider maximo de l’un des groupes phares de la fameuse vague Sacrés Belges.
Il n’a pas changé. Même sourire facétieux, même tempo speedé. John Stargasm est tel qu’on l’a laissé. C’était il y a pourtant un bail: quinze ans! Ghinzu sortait alors Mirror Mirror. Troisième album rock pétaradant, qui permettra au groupe bruxellois d’enquiller un Forest National et un Zénith parisien.
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Depuis, Ghinzu s’était toutefois fait discret. Hormis une mini-tournée en 2016, censée déjà annoncer un nouvel album, il avait même fini par complètement disparaître de la circulation. Pfff, évaporé. L’été dernier, tout de même, on apercevait la silhouette de John Stargasm traversant la plaine de Dour, au milieu de la nuit. Histoire de humer le terrain, de retrouver ses repères? « J’étais venu voir les Psychotic Monks! » Quelques mois plus tard, le groupe annonçait pourtant bel et bien son retour, avec une série de concerts -dont trois à l’Ancienne Belgique, un à l’OM liégeois, et même une date parisienne à l’Olympia (auxquels il faut ajouter, cet été, le Ronquières festival et les Escales du Cargo, à Arles).
Le prétexte? Les 20 ans de Blow, carton critique et commercial aux 100 000 exemplaires vendus (dont 80 000 en France). À l’époque, le succès du deuxième album de Ghinzu avait également participé à valider l’idée, jusque-là très hypothétique, qu’une scène rock belge issue de la partie francophone du pays pouvait tenir la route. De quoi justifier de le revisiter sur scène. Avant d’enchaîner avec un nouveau disque? Explications.
Pourquoi revenir aujourd’hui?
On est remontés sur scène en octobre dernier, pour une soirée privée d’un ami à moi. Et le fait est qu’on a passé un excellent moment. Il y avait non seulement le plaisir de se retrouver. Mais surtout on trouvait qu’on jouait… (il chuchote) très très bien (rires). Même mieux qu’avant. Donc on a voulu prolonger ça. Et comme c’est les 20 ans de Blow cette année, on s’est dit que ça pouvait être pas mal de fêter ça avec une tournée anniversaire. Et achever le nouveau disque dans la foulée, en enregistrant cet été. En tout cas, c’est l’objectif.
Comment se sont passées les retrouvailles après tout ce temps?
En fait, on n’a jamais cessé de se voir et de répéter. Ce sont des amis, comme des frères pour moi. Donc même si chacun a ses trucs sur le côté, on se retrouve régulièrement. Le monde de la musique est quand même très particulier. C’est un peu un sanctuaire, une sorte de monde parallèle où se créent des liens particuliers, des relations très fortes et très honnêtes.
Mais, le temps passant, et en ne voyant rien se concrétiser, vous ne vous êtes jamais dit que le groupe était arrivé au bout du parcours?
Déjà, il va falloir m’expliquer le concept d’ »échéance ». À partir du moment où tu es libre de sortir un album quand tu en as envie, je ne vois pas l’intérêt de dire « on continue » ou « on s’arrête ». À part pour le marketing. En ce qui nous concerne, on s’est toujours donné pour ligne de conduite de sortir un disque quand on aura des bons morceaux. C’est ce qui prime. Après, ce n’est sans doute pas la même chose pour tout le monde. J’imagine bien qu’il y a plein d’autres groupes qui enchaînent les sorties, pour pouvoir tourner, payer leurs factures, remplir leur frigo, etc. Mais pour nous, ce n’est pas le cas. C’est un privilège. Ça ne veut pas dire que la musique est un hobby. Mais si on sort un album, il faut que ce soit pour de bonnes raisons. Même si cela prend du temps.
Votre label vous appelle souvent?
En tout cas, ils ont toujours été très patients et compréhensifs… C’est une musique qui demande quand même une certaine forme d’attention. C’est compliqué d’écouter du Ghinzu pendant que tu cuisines ou en bruit de fond dans ton salon. Quand on compose, notre moteur, ce sont les goosebumps. Tant qu’on n’a pas les frissons, on continue. Ça peut durer une éternité, comme c’est le cas maintenant. Et j’en suis désolé. Mais cette émotion-là est la condition sine qua non. Même si on tombe sur trois accords très cool, s’ils ne donnent pas la chair de poule, ça ne vaut pas le coup.
Mirror Mirror, votre dernier album en date, est sorti en 2009. Autant dire dans un autre monde. Ne serait-ce que musical…
C’est vrai. D’ailleurs, quand on a sorti Blow et Electronic Jacuzzi, on était sur Myspace. Si ça se trouve, la page existe toujours, on doit encore avoir les mots de passe quelque part (sourire). Mais ça n’avait pas grand-chose à voir avec la manière dont un artiste doit pouvoir aujourd’hui se déployer et s’exprimer sur les réseaux sociaux. On n’a jamais vraiment fait partie de cette génération-là. Pour ce qui est de la musique même, c’est devenu très éclectique. Tout dépend un peu de la filière dans laquelle tu as envie de t’inscrire. Je vois encore énormément de groupes émerger avec des guitares. On croise souvent des personnes qui nous demandent des conseils sur des amplis ou telle ou telle pédale d’effets. Après qu’un gars rentre dans un magasin de musique pour acheter une guitare, simplement parce qu’il a vu une vidéo d’un solo un peu spectaculaire sur TikTok, pourquoi pas? Chacun vient comme il veut à la musique. Donc si la question est: est-ce que le rock est mort? Non, pas du tout. C’est juste une question de cycle. Cela étant dit, je pense que la musique que l’on fait nous est assez ouverte, et qu’elle repose plus sur un certain type d’émotion que sur un genre en particulier.
Est-ce que vous vous attendiez à voir les concerts se remplir aussi vite?
Honnêtement, je ne me suis jamais projeté. Je ne suis quasi jamais sur les réseaux sociaux. Mais c’est vrai qu’on m’avait souvent dit qu’il y avait une demande. Je crois que ce sont les tourneurs qui nous avaient dit de prévoir au minimum deux soirs à l’AB. OK… Ça ne représente pas un Sportpaleis. Mais ça reste une chance de jouer devant autant de monde, que les gens répondent présents à un rendez-vous qui est important pour nous.
En même temps que l’anniversaire de Blow, ce sont aussi les 20 ans de la fameuse triple affiche Ginzhu-Girls In Hawaii-Sharko, à l’Ancienne Belgique, qui avait en quelque sorte consacré la fameuse vague Sacrés Belges. Tu gardes un bon souvenir de cette période?
J’ai une personnalité très défaillante à ce niveau-là: tout ce qui s’est passé avant, j’adore! Je n’ai pas de mauvais goût amer qui reste éventuellement dans la bouche. C’est presque un principe d’immunité. Je dois transformer les choses de manière à ce que je ne retienne que les côtés chouettes.
Mais quel rapport entretiens-tu avec la nostalgie? Auparavant, l’idée de revisiter un album sur scène était quasi inconcevable. Aujourd’hui, l’exercice est devenu quasi obligatoire pour n’importe quel groupe avec une carrière…
Honnêtement, je ne joue jamais en pensant au passé. Ça peut paraître curieux ou même paradoxal. Mais ce qui est important, ce sont les morceaux, ce qu’ils veulent dire maintenant, comment on les joue aujourd’hui. Je ne suis pas en train d’inviter les gens à… monter à bord de l’histronef de Jacques Martin (l’émission Les Voyageurs de l’Histoire, diffusé dans les années 80 sur Antenne 2, NDLR)! (rires) L’idée n’est pas de retourner dans le passé, mais de jouer aujourd’hui. Certes, des morceaux d’hier, mais avec un son et une énergie de maintenant. C’est aussi toute la beauté du live: peu importe que tu interprètes des anciens ou des nouveaux morceaux, c’est ce qui se passe sur le moment qui compte. ●
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