George Michael, itinéraire d’une idole

George Michael, ici en Hongrie en 2007. © EPA/Peter Kollany
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Après Bowie, Cohen, Prince, etc., 2016 a de nouveau frappé: George Michael est mort, chez lui, le jour de Noël, à l’âge de 53 ans. Retour sur le parcours d’une idole pop, icône LBGT, en quête constante de liberté.

Tout chanteur pop court derrière. Non pas tant le succès en soi, mais bien la mélodie qui fait mouche, la chanson qui tue. Ou pour le dire autrement, le hit. En la matière, il existe une catégorie reine, une classe à part: celle du tube de Noël. L’exercice est difficile, casse-gueule. Mais qui le réussit, est assuré de l’éternité. George Michael, l’auteur de Last Christmas, scie incontournable de Wham!, est mort à son domicile, semble-t-il d’une crise cardiaque, le jour même de Noël. Ultime sarcasme d’une année 2016-hécatombe qui n’aura cessé de cultiver un sens de l’ironie morbide, démarrant avec la disparition de Bowie, deux jours après la sortie d’un ultime album lui-même hanté par la mort…

Comparaison n’est évidemment pas raison. L’oeuvre de Bowie fut si importante pour la planète rock et pop, qu’elle la fit dévier plus d’une fois de son axe. Celle de George Michael fut d’un tout autre registre. Plus modeste? Certes. Il n’en aura pas moins marqué plusieurs générations de hitmakers, de Justin Timberlake à Mark Ronson, en passant par Adele. Bowie prenait un malin plaisir à ramener les arts les plus nobles, les plus expérimentaux, dans la pop? D’une certaine manière, George Michael a, de son côté, contribué à faire de la pop une discipline admirable en soi. Souvent, le genre sert de marchepied: un premier crush musical teenager, qui amènera plus tard vers d’autres amours plus mûres, plus adultes. Avec Michael, le tube avait beau parfois être honteux, il se suffisait à lui-même. Parfois bubblegum, toujours durable – même planqué sous des atours qui ont parfois mal vieilli (le saxo coupable de Careless Whisper).

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Wham! Bam!

Il faut dire que George Michael a débuté sa carrière dans un créneau qui a toujours été considéré comme suspect: le boys band. Né le 26 juin 1963 à Bushey, d’un père chypriote restaurateur et d’une mère juive anglaise danseuse, Georgios Kyriacos Panayiotou de son vrai nom fait la connaissance d’Andrew Ridgeley au lycée, à Londres. Les gamins ont beau avoir grandi en écoutant Joy Division, c’est l’efficacité pop de Roxy Music ou The Human League qui les fascine… Après un premier projet vaguement ska (The Executive), le duo forme Wham!, au tout début des années 80. Projet post-disco, Wham! est tout sauf la création artificielle d’un manager vénal. Au sein du binôme, c’est George Michael qui prend en particulier les choses en main, composant seul la plupart des morceaux. L’image est celle d’un duo hédoniste, n’hésitant jamais cela dit à glisser l’une ou l’autre ironie (Club Tropicana) derrière le sucre des mélodies. Rapidement, les premiers tubes tombent: Young Guns (Go For It), ou Wham Rap! (Enjoy What You Do), qui sous ses allures de blague hip hop, se retrouve à vanter, en plein thatchérisme (!), les mérites de la glande et du chômedu – « I may not have a job/But I have a good time ».

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Le premier album, Fantastic, sort en juillet 1983. Les deux garçons ont à peine vingt ans. Ancien gros, George Michael a considérablement fondu et avec son comparse, ils affolent les adolescentes. Quand ils embarquent pour leur première grosse tournée, les premiers rangs sont hystériques. Sur scène, ils se dandinent en sweat fluo et short flashy. La légende veut même qu’ils rembourrent leur slip avec un volant de badminton… qu’ils lancent dans le public à la fin du concert…

La presse musicale ne donne pas cher de leur peau. Wham! va pourtant continuer à enchaîner les tubes lors d’une décennie où on a pris le pli de les fabriquer à la chaîne. Le succès est planétaire: Wake Me Up Before You Go-Go, Everything She Wants, Careless Whisper, I’m Your Man… La machine s’emballe toujours plus. Et épuise. Rincés, Michael et Ridgeley décident de stopper les frais en pleine gloire, lors d’un dernier grand concert d’adieu à Wembley, le 28 juin 1986. C’est aussi un premier indice du rapport ambigu que George Michael entretiendra en permanence avec la célébrité. Très rapidement, il limitera ainsi ses interviews à la presse – où il se montre pourtant toujours drôle et spirituel -, et ne partira plus qu’épisodiquement en tournée.

Échappée solo

D’autant que le succès de Wham! ne restera pas sans lendemain. Dès 1987, George Michael sort un premier album solo, intitulé Faith. Toujours pop, il entend donner une nouvelle crédibilité à son auteur, las de jouer les stars pour midinettes. Dans le clip du morceau-titre, on le voit ainsi troquer les shorty en mousse pour les boots en cuir et le perfecto (« revenge », inscrit sur le dos). Un morceau comme Kissing A Fool le voit encore enfiler le costume du crooner jazz. Aux amourettes teenage, succède le plus frontal I Want Your Sex. L’entreprise est culottée, mais cela marche. Au-delà de toutes les espérances: Faith se vend à quelque 25 millions d’exemplaires dans le monde. Il reste encore aujourd’hui un classique, mélangeant vista mélodique, voix de velours, et allégeance aux musiques noires (r’n’b, funk, soul). En montrant qu’il y avait une vie après le boys band, George Michael s’installe ainsi au sommet de la pop mondiale, à côté de Madonna, Michael Jackson ou Prince.

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George Michael, itinéraire d'une idole

En 90, il accélère encore sa quête de légitimité et de liberté (Freedom! 90) en publiant Listen Without Prejudice Vol. 1. Il décline désormais toute promo et n’apparaît plus dans ses clips. Sur la pochette de l’album, son visage a été remplacé par une photo de foule new-yorkaise sur la plage de Coney Island, signée Weegee (ci-contre). Il y signe l’un de ses plus beaux morceaux, Praying for Time. L’un de ses plus grinçants aussi (« This is the year of the guilty man/Your television takes a stand »). Voire l’un de ses plus désabusés: « It’s hard to love there’s so much to hate/Hanging on to hope when there is no hope to speak of/And the wounded skies above say it’s much too late/So maybe we should all be praying for time ». Il y a du John Lennon là-dessous, période post-Beatles, quand il chantait par exemple God: « The dream is over »… Quelques années plus tard, George Michael fera d’ailleurs l’acquisition du piano sur lequel fut composé Imagine

Coming out

Avec les nineties, les choses vont cependant commencer à se compliquer pour le chanteur. Têtu, il part à l’affrontement avec sa maison de disques qu’il accuse d’avoir bradé ses nouveaux albums plus mûrs. Le bras de fer n’est cependant rien comparé à la tempête médiatique qu’il va endurer en 98. Il est alors arrêté dans des toilettes publiques à Beverly Hills, alors qu’il s’est lancé dans des ébats sexuels avec un policier sous couverture… Un coming out forcé qui aurait pu ruiner sa carrière. Au lieu de ça, la star va en prendre son parti et en profiter pour assumer ce qui relevait du secret de polichinelle. Dans le clip d’Outside, il en rira, déguisé en flic, dansant dans des toilettes transformées en piste de danse disco.

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En assumant enfin complètement sa sexualité, débridée, George Michael va aussi laisser tomber les derniers fards de la star pop proprette qu’il n’a de toute façon jamais vraiment été. Militant, il aura toujours échappé au rôle de chanteur-marionnette. En 2002, par exemple, bien avant les grandes manifestations contre l’invasion de l’Irak, il fut l’une des premières stars à charger la paire va-t-en-guerre constituée par Bush et Blair. Dans le clip de Shoot the Dog, le Premier ministre britannique est ainsi dépeint comme le cabot du président des États-Unis…

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Avec les années, il se retrouvera toutefois plus souvent en Une des tabloïds anglais que dans les charts. Piégé par la célébrité, aussi sensible à la dépression qu’aux drogues, il peinera à retrouver l’inspiration. En 2011, il frôlera une première fois la mort, foudroyé par une pneumonie qui le plongera dans le coma. Malgré cela, il remontera encore sur scène (il passera une dernière fois par Forest en 2012). Ceux qui ont encore pu le voir lors de cette dernière tournée symphonique, ont pu noter qu’il n’avait rien perdu, ou presque, de sa voix. À 53 ans, George Michael préparait un nouvel album. Un documentaire devait également suivre. Son titre était tout choisi: Freedom

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