FùGù Mango, mangue religieuse

FùGù Mango © Olivier Donnet
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

L’afro-pop enchanteresse du trio bruxellois FùGù Mango se concrétise dans son premier album, Alien Love, autel dance universel servi par des voix talentueuses. Décryptage d’un indé à potentiel.

Le rendez-vous, donné à Matongé ne doit pas grand-chose au hasard. Ce quartier d’Ixelles où vit la plus importante communauté congolaise de Belgique est lié à la musique de FùGù Mango comme à ses gènes. La première est parsemée de sensations afro-beat, distillées dans Alien Love, et les seconds plongent dans l’ADN familial des frères Vince et Jean-Yves Lontie: « Notre mère est née au Congo à Kolwezi et n’est revenue en Belgique qu’à l’indépendance. On a des oncles très chauds de la fête. Notre père, qui nous suit toujours, vient de Binche mais on est imprégnés de l’Afrique et des percussions, des instruments collectionnés au gré de nos voyages au Maroc au Cap-Vert ou au Rwanda.« 

Le cadet Vince (claviers, percus), 35 ans, ajoute un atout supplémentaire aux habiles guitares mandingues de l’aîné Jean-Yves, formé au violon: une voix « aiguë et nasillarde » qui glisse vers l’infini onirique. L’impressionnant timbre est accouplé sur plusieurs morceaux à l’autre chant, « assez chaud et bas« , d’Anne Fidalgo, bassiste trentenaire sensible aux émanations du Sud. Moins lointaines celles-là, puisque ancrées au Portugal et dans une jeunesse passée près de Dinant. Formée aux chorales et harmonies wallonnes, Anne a également suivi des cours de basse chez le Jaco Pastorius belge, Michel Hatzigeorgiou d’AKA Moon: « Hatzi donnait des cours pas chers du tout dans une sorte d’académie libre à Bockstael, une maison de la création où l’on amenait les chansons pop qu’on aimait, Bowie, Blur, Police. » Comme une large fraction des musiciens belges, Anne collectionne les boulots alimentaires avant de trouver un filon plus marrant via le DJing sous le nom de Captain Connass (sic), qui ramène à chaque soirée un contingent de fans féminines extraverties. Celles-ci rameutant à leur tour les troupes de mâles sous testostérone. Anne a beaucoup travaillé à Matongé, « qui, il y a dix-quinze ans, était beaucoup plus sauvage et sale le soir« . À sa manière, FùGù Mango suit aussi l’histoire de Bruxelles, ville chaotique et fractionnée, mais supposée attachante.

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L’africanisme global des trois musiciens s’incarne dans le premier EP de 2016, Mango Chicks, orchestré autour d’une belle vidéo d’animation (ci-dessus) qui, sur le mode du groove, traite la question noueuse des migrations vers le soi-disant Eden européen. Le fameux dancefloor pensant est par ailleurs compris dans une reprise du Golden Brown des Stranglers visible sur YouTube. C’est là qu’on décrypte le coup de rein particulier de FùGù Mango: le groupe, au nom inspiré par le fameux poisson japonais tueur, a beau multiplier les plugins de synthés, triturer le commun Juno-60 et tous ces sons javellisés 2.0, rien n’en élimine vraiment l’inspiration organique. Celle aussi de pouvoir s’échapper de l’étroitesse du marché francophone belge. On parle des éternels problèmes de fric, de statut d’artiste -« difficile à choper mais une fois que tu l’as, compliqué à perdre« – et, surtout, de la gestion financière basique d’un groupe. Vince, qui, comme frère Jean-Yves, a mené des études d’ingénieur -civil pour le premier, agronome pour le second-, raconte comment une année passée à Leeds a éduqué ses perspectives professionnelles: « J’étais au College of Music, une académie assez réputée et j’habitais un immeuble partagé avec tous ces jeunes musiciens qui était un peu un truc comme au ski: t’as un étage avec différentes chambres mais une seule cuisine et une salle-à-manger communes où s’étalaient un ampli, une batterie et une PlayStation. Tu passes douze mois à écouter la musique de manière intense, à en faire, à croiser la soul-fusion ou les musiciens de Massive Attack un soir dans un café, à écouter ce qui se passe dans les strip-bars et, surtout, à considérer que c’est un métier. D’où notre idée de développer un home studio et nos propres choix. »

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Party Hermès

FùGù Mango fait donc écouter les maquettes du futur album à Luuk Cox, producteur hollandais de Bruxelles remarqué pour son travail avec Girls in Hawaii, Stromae ou… Loïc Nottet. Le mec, enthousiaste, les emmène douze jours au studio ICP ixellois sur budget propre assumé par le groupe -30.000 euros au total investis dans l’album- mais conserve l’énergie des démos initialement bouclées au studio des frères. Désormais déménagé en Brabant Flamand où Vince, père de deux jeunes enfants, s’est installé, un peu fatigué par l’urbain bruxellois. Parmi les références obliques assumées par le trio -sur scène accompagné d’un batteur-, on trouve Peter Gabriel, Japan et Fleetwood Mac. Des influences audibles qui flirtent avec une musique naturellement internationale. Vince et les deux autres racontent, encore bluffés, comment FùGù se retrouve à jouer depuis sa formation début 2014 dans toutes sortes de plans a priori improbables: sur scène avec Binti, six soeurs gantoises d’origine égyptienne, dans un festival à Venise, en Croatie ou à une soirée Hermès au Danemark. En particulier, le marché de langue allemande semble accrocher à cette pop scintillante ne faisant aucun mystère de ses plaisirs: les territoires de Cologne à Vienne en passant par Zurich pourraient d’ailleurs constituer le tremplin naturel d’un prochain succès européen.

Lancement de l’album le 8 septembre à la Place Julien Dillens à Saint-Gilles et tournée belge à l’automne, plus Ancienne Belgique le 28 février.

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FùGù Mango – Alien Love

Distribué par Pias. ****

Le travail sur les voix de FùGù est leur signature angélique. Elles transmettent des émotions caressées qui ne cachent rien de la destination finale: l’extase. Passant par les sonorités aigrelettes d’une guitare, instrument ici aussi africain que les percussions acoustiques ou non. Et ces claviers qui achèvent de dessiner une façon de rythmer les corps. La chimie ne prendrait pas si elle n’était basée sur de lumineuses mélodies candides, aux incontestables vertus oniriques. Reste alors à se laisser aller aux morceaux qui fondent si facilement dans l’oreille: Blue Sunrise, le premier single, le tube potentiel Katsuni ou ce Gone With the Sea au chant à nouveau parfait.

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