Des festivals d’été en équilibre instable: les gagnants et les perdant de 2025

Couleur Café a joué sold out, avec une ambiance et une affiche vue nulle part ailleurs. © BELGA
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Alors que l’été des festivals tire ses dernières grosses cartouches, que retenir de la saison écoulée? Qui en ressort gagnant, quels sont les perdants? Hypothèses, tendances et premier bilan à l’image de la météo, contrasté.

La rengaine est désormais connue: des cachets d’artistes (en réalité, ceux des plus grosses stars) qui explosent, des coûts en perpétuelle augmentation, des risques météo de plus en plus compliqués à gérer. La vie d’un festival tient plus souvent de la galère que de la croisière pépère… Demandez par exemple à Tomorrowland, qui a vu sa scène principale partir en fumée deux jours avant l’ouverture. Le plus grand festival dance au monde allait-il pouvoir fonctionner sans son théâtre principal? Tout à coup, le roi se retrouvait nu. Il ne l’est toutefois pas resté longtemps, se débrouillant pour dégoter un écran géant en un temps record. De quoi confirmer l’adage selon lequel on ne prête qu’aux riches. De fait, les plus gros mastodontes de l’été ont à nouveau rempli leur jauge, sans trop de souci. Rock Werchter en tête, qui, comme le Pukkelpop, a joué quasi sold out. Du côté des Ardentes, le bilan est aussi plutôt positif –245.000 spectateurs au total, un rebond de 25.000 par rapport à 2024. Idem à Dour qui stabilise ses chiffres –un peu plus de 226.000 festivaliers en cinq jours (contre 222.000 l’an dernier).

Ce fut plus compliqué à Spa et Ronquières. Le premier a vu sa billetterie fondre (- 30% pour les pass quatre jours), le second a enregistré une baisse de 15% de son affluence, terminant «pour la première fois dans le rouge». L’explication? Difficile à dire. Les Francos ont probablement une image à rajeunir, tandis qu’à Ronquières, le côté fourre-tout de l’affiche peut semer la confusion. Il y a sans doute aussi la difficulté à trouver des exclusivités sur le marché francophone (Julien Doré ou Philippe Katerine, présents dans les deux événements; Ben Mazué à Spa et au Lasemo; Zaho de Sagazan et Helena à Ronquières et aux Solidarités, etc.). Mais aussi une frilosité à piocher dans la manne rap-R&B? La meilleure journée à Spa étant celle où se produisaient des artistes comme Luidji ou Dadju.

Les deux festivals ont promis de revoir leur copie. En attendant, voici à quoi a ressemblé l’été musical 2025, avec quelques tendances de plus en plus claires…

Difficile équilibre entre générations

Comment combler le fossé entre générations? Un festival comme Les Ardentes a tranché: depuis son arrivée à Rocourt, il s’adresse en priorité à la Gen Z –même si on a vu des familles s’ambiancer sur Gims ou David Guetta. Mais les autres? Pour fêter ses 50 ans, Rock Werchter a osé le grand écart. Il a ainsi ouvert avec les revenants de Linkin Park et terminé avec Olivia Rodrigo, pas née lorsque les précités ont sorti leur premier album, en 2000. Le même jour que ses héros eighties Simple Minds, le père quinqua pouvait également aller tendre une oreille à Lola Young, la nouvelle idole de son ado. Pareil au Pukkelpop qui a accueilli à la fois Chappell Roan et les Queens of the Stone Age. Ou encore à Ronquières où les Staracadémiciens Helena et Pierre Garnier ont côtoyé The Libertines

Une identité claire pour faire la différence

Ce n’est sans doute pas une recette définitive. Mais pour se faire une place dans le calendrier surchargé des festivals, mieux vaut tout de même cultiver ses spécificités. C’est l’exemple notamment de Couleur Café, qui a joué sold out, avec une ambiance et une affiche vues nulle part ailleurs –de l’Argentine Nathy Peluso au Nigérian Davido en passant par la rappeuse anglaise Little Simz. Dans un autre genre, c’est aussi le cas du Micro festival à Liège. Certes, les échelles ne sont pas les mêmes –2.500 personnes maximum par jour à Liège, 24.000 du côté du Heysel. Mais l’idée derrière chacun des deux événements est d’avoir défini une ligne de conduite et de s’y tenir. Sans grosses têtes d’affiche (Deerhoof quand même, ou Suuns), le Micro a réussi à nouveau à tenir sa barque indie-rock-électro et marquer les esprits.  

La vie d’un festival tient plus souvent de la galère que de la croisière pépère…

Les dieux du stade

Les festivals ne manquent pas. A quoi il faut ajouter désormais les concerts en «salle». Ou plutôt en stade et autres gigantesques arenas, avec les tournées de superstars. En 2024, l’Eras Tour de Taylor Swift s’arrêtait en Europe, tandis qu’Adèle s’offrait une résidence à Munich. La tendance s’est encore accentuée cet été. Ce dernier a démarré avec les trois concerts complets de Dua Lipa au Sportpaleis d’Anvers en juin. Il a continué avec la reformation d’Oasis ou les tournées de stades européens de Beyoncé, Kendrick Lamar & SZA  –qui ont, certes, snobé la Belgique, mais se sont arrêtées pas loin (Allemagne, Pays-Bas, France, Royaume-Uni). Pareil au mois d’août: Anvers a accueilli pour deux soirs Ed Sheeran, tandis que le Sportpaleis recevait la visite de Drake. Autant de tentations pour des amateurs de musique aux portefeuilles non extensibles?  

La pression du last minute

C’est l’un des paradoxes de ces dernières années. Les festivals ouvrent leur billetterie de plus en plus tôt –moins d’un mois après avoir bouclé leur édition 2025, Les Ardentes ont déjà commencé à écouler les premiers pass (very) early bird pour l’été prochain. Mais les festivaliers se décident souvent de plus en plus tard. A Ronquières, ils ont été près de 2.000 à acheter leur ticket le jour même pour voir Will Smith. De quoi faire suer les organisateurs, les yeux plus que jamais fixés sur les bulletins météo. Un mois avant sa sixième édition, prévue les 22 et 23 août, La Carrière festival se posait des questions sur Instagram. Malgré une affiche indie hyperqualitative, la jauge de l’événement organisé à Bioul, près de Namur, n’était remplie qu’à 20%. Entre-temps, les ventes se sont accélérées. On croise les doigts pour l’un des minifestivals les plus attachants du calendrier.

Un été engagé

Si l’urgence écologique a quasiment disparu de l’agenda, la question de Gaza a, elle, monopolisé les débats. Jusqu’à s’inviter aux pourtant très familiales Francos de Spa, avec le concert contesté du chanteur franco-israélien Amir. Ou encore à Tomorrowland, là aussi avec la remise en cause de la participation du DJ israélien Skazi (qui finira par annuler lui-même sa venue). Mais aussi l’interpellation de deux festivaliers-soldats israéliens accusés de crimes de guerre. Qui a dit que la culture n’était pas politique?

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