Couleur Café a démarré sur les chapeaux de roue, vendredi soir, avec le concert quatre étoiles de la rappeuse anglaise Little Simz.
Va falloir changer les éphémérides, prévenir l’IRM : l’été ne commence pas le 21 juin. Une bonne fois pour toutes, il démarre avec Couleur Café. Lancé vendredi, le vénérable événement bruxellois – 35 ans, cette année – a ouvert officiellement la saison des festivals. A sa manière : joyeuse, colorée, sans chichis et feelgood, la session d’examens dans le dos, un doux parfum de vacances dans l’air. Vendredi, Couleur Café n’a même pas pris le temps d’un round d’observation. Quand on débarque dans le Parc d’Osseghem, en fin d’après-midi, les allées sont déjà bondées, les concerts s’enchaînant sur les cinq scènes. Température idéale, foule enthousiaste – le plus beau public de l’été est ici. Ne manquait plus qu’à convertir cela en festin musical.
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Pour cela, Couleur Café comptait notamment vendredi sur Simbi Ajikawo, plus connue sous le nom de Little Simz, programmée sur la scène principale. Il y a quelques semaines, la rappeuse londonienne sortait Lotus. Un sixième album prenant pour emblème la plante capable de fleurir dans les eaux les plus boueuses. Une métaphore pour la période compliquée que Little Simz vient de traverser. Début d’année, elle déposait plainte contre Inflo, son ancien producteur, pour n’avoir jamais revu la couleur de l’argent qu’elle lui avait prêté – notamment pour financer l’unique concert de son collectif, Sault.
Au voleur!
Quand elle débarque sur la Red Stage sur le coup de 22h, elle entame ainsi les hostilités (…) avec le morceau Thief, directement adressée à son ancien ami. Sous les lumières blanches tranchantes, elle règle ses comptes en direct : « Thief ! Selling lies, selling dreams », ponctuant son harangue de la la la, à la manière d’une comptine lugubre. A ses côté, le groupe – basse-batterie-guitare-clavier – appuie un peu plus la charge, claque rock quasi metal. Appelez ça une entrée en fanfare ! « How dare you ? », insiste encore Little Simz, lunettes noires, bonnet rasta, laissant éclater sa rage sur Flood. Il n’est jamais bon de retenir ses colères. On ne s’attendait toutefois pas à ce que soit l’émotion dominante, balancée d’entrée de jeu, telle un uppercut.
Ce n’est évidemment pas la seule. La rage expurgée, celle qui a intitulé l’un de ses albums Sometimes I Might Be Introvert dévoile même un grand sourire. Elle ne va pas le quitter de tout le concert. La rappeuse est manifestement ravie d’être là, arpentant la scène de gauche à droite, sautant, dansant. « I’m your friend from London ! », assure-t-elle, enchaînant le groove laidback de Free et le grinçant Young, riff de guitare twangy compris.
Grande Little Simz
Arrivée à mi-concert, Little Simz se retrouve seule et s’assied sur le rebord de la scène. Sous les cordes angoissantes, elle entame Venom, puis va piocher dans son EP Drop 7, paru l’an dernier, pour virer vers les sonorités électro-bailefunk-club. Ses musiciens finissent par la rejoindre pour danser avec elle sur scène, avant de reprendre leurs instruments et glisser vers le groove carioca de Only. Une transition à l’image d’un concert d’une fluidité bluffante, porté par un band jouant particulièrement juste, à l’instar de sa bassiste Marla Kether. Taille midget, charisme XXL, Simz est capable de baisser la garde – « I think love is all we need in this world » sur le touchant Free -, enchaîner avec le funk festif sur Selfish, ou s’offrir une excursion afrobeats sur Lion. « Bet you never seen a young black woman so fly », et c’est clair que Little Simz survole son sujet.
Pour l’emblématique Woman, l’Anglaise fait monter une fan sur scène. Le genre de manœuvre délicate, qui peut facilement devenir embarrassante. Pas avec Little Simz, qui ne feinte pas, étreignant la dénommée Zoey pendant de longues secondes, lui tendant un micro, pour un moment vraiment touchant. Avant de partir, elle balance encore les cuivres triomphants de Gorilla. « I’m cut with a different scissor », glisse-t-elle. L’étoffe des héros.