Fallait pas m’inviter, semaine 3: In Wodek we trust

Revenu de ses chroniques nocturnes, Guillermo Guiz plonge cette année dans le monde du spectacle et de l’art. Pour y découvrir des formes que sa grossière inculture lui avait cachées jusqu’ici. Fallait pas m’inviter, ça se poursuit ce vendredi. Avec une expo sympa.

J’étais vierge, niveau Pologne. Jusqu’à mercredi. Comme disait Michel Polnareff, avant son exil étasunien, le hasard fait parfois bien les choses: c’est par hasard qu’un après-midi d’automne couleur Schtroumpf-Banane, je m’engage dans les travées alarmantes du Nord bruxellois. Entre Jette et Ganshoren. Le parking y est aisé. Normal, avec une densité frôlant les 7 habitants/km², l’encombrement fait exception. Sur Internet, comme les jeunes d’aujourd’hui, j’avais croisé l’affiche qui se dresse là, face à moi, derrière une vitre, à l’orée d’un jardin hirsute où aboutit une cabane de tôle enchâssée dans un bâtiment à la tête de fermette. Tête de fermette, terrible insulte! Mais bref, sur l’affiche, un homme à puissante moustache blanche porte des lunettes John Lennon, une perruque qu’on dirait mes cheveux, un bustier noir, des bas-résilles et une petite culotte tatouée d’un coq Communauté française. Hum. L’expo, c’est ça, Culture relaxative. Et ça prend tout son sens sur l’affiche d’à côté: un type nu, de dos, (le même?) s’y voit, pour faire court, introduire une mignonne sonde anale. Avec un joli texte attenant: « La Ministre Laanan administre un laxatif à l’Atelier 340 Muzeum en lui enlevant toute subvention et en voulant nationaliser cette structure culturelle indépendante. » Sans le savoir, j’avais, pour cette troisième édition de « Fallait pas m’inviter », choisi un champ de mines politico-culture à la bruxelloise. Cool!

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Parvenu à l’aubette de tôle, je croise un visage familier: le trav’ à stache de l’affiche m’accueille, sans perruque ni bas-résilles. Tant mieux. « Vous permettez, j’ai un truc à faire et puis je suis à vous. » Le mec, c’est Wodek, pas uniquement parce que ça rime, mais aussi parce qu’il gère l’Atelier 340 Muzeum depuis des plombes, plus de trois décennies apparemment. Faudrait que j’ouvre un journal, à l’occase. Wodek, Polonais d’origine, a l’accent sauce archiduc et la bonhomie aussi communicative qu’ursidée. Vu de l’extérieur, son boui-boui ne paye pas de mine. D’instinct, on dirait qu’il ne paye pas de loyer non plus. Quelques mioches excités s’occupent de la bande sonore et Wodek revient à moi: « L’expo est un peu dérangée, à cause des réunions de MSF, mais allez où vous pouvez. Après, je vous paye un verre pour vous dédommager. » Je venais de sortir les liasses, faut dire. 7 euros. Mais sur la feuille des visiteurs, ma barre de présence s’ajoute, me semble-t-il, au seul trait griffonné ce jour-là. Je ne suis pas un monstre! Et je pénètre. Ca commence par une série de cartes postales dans une pièce un peu famélique. Sympa. Mais trop d’inconnues tue l’inconnue: j’ignore toujours ce qu’évoque exactement le présent parcours. Alors j’agrippe le premier être humain venu. « En fait, en hommage à Fadila Laanan, Wodek a demandé à tous ses amis artistes de lui prêter une oeuvre pour monter cet expo », me glisse une jeune femme de l’équipe. En clair, bienvenue dans un joyeux fourre-tout où ma sinistre inexpérience devra se frotter à l’ART avec un grand ART.

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L’art… D’emblée, je trouve que cet expo, c’est du chouette art. Parce que je comprends les intentions d’une oeuvre sur deux. Ce qui, sur le plan de sa crédibilité, n’est pas exactement bon signe l’expo: d’expérience, si une oeuvre me touche ou qu’elle me semble appréhendable intellectuellement, c’est qu’elle craint des bulles. Ou qu’elle est considérée comme telle par les gens qui savent. Mais au fond, qu’est-ce que l’Art? Non, je déconne, rien à battre, je n’ai aucune légitimité, aucune expertise, aucune théorie prédéfinie: tout ce que je sais, c’est que Culture relaxative, c’est du chouette art. Avec des fumisteries manifestes et des pièces de génie. J’ignore pourtant qui est quoi, quoi est qui. Y’a de tout, des peintures, des installations, des monochromes, des photos stylisées, un petit crucifix plein de poil, un lézard géant, une chaise tenue par un fil, des machins et plein d’autres machins qu’on aurait pu ou sûrement pas faire nous-mêmes, si on s’était mis en tête de faire des machins. Dans cet expo, par exemple, y’a un drapeau belge où le rouge et le jaune sont séparés par une tirette. La tirette est baissée. Et le tissu rouge affaissé ressemble à un mouchoir. Je comprends le message, enfin je pense, c’est lié à la BelgicaGrosBart et ça doit pas être des masses évolué mais j’aime bien. J’aime bien aussi les hilarantes correspondances affichées d’avec l’échevin Hermanus, celui qui rit quand. Il rit quand? Peut-être en voyant l’Atelier souffrir, mais je ne connais pas leur histoire, à ces deux-là, et c’est pas le propos.

La bonne nouvelle, avant que tu quittes ce texte, s’annonce ce soir, vers 19h: un post-vernissage est organisé par Wodek et les siens. Pour une expo qui s’achève le 30 octobre. Wodek est un homme de parole. Il m’offre un jus de cerises polonais, trois affiches bien délireuses et m’explique la situation avec Hermanus, celui qui rit quand. Et la situation avec Laanan, celle qui rit quand. Wodek, c’est celui qui rit quand on l’encule à sec, c’est qu’il me dit ou presque, parce qu’à l’Est, vaut mieux en rire qu’en mourir. Et avec tout le chouette art stocké dans cette souple après-midi d’automne, je n’aurai pas perdu ma semaine. Je reviendrai. Même si on ne m’invite pas.

Guillermo Guiz

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