Earl Sweatshirt à l’AB: le bon enfant
Earl Sweatshirt a 20 ans et est déjà considéré comme un petit génie de la branche hip-hop. Dernier de la meute Odd Future, le môme qui partait en centre disciplinaire sur l’île de Samoa n’en est plus un: son live à l’AB le confirme.
Il y a peu d’artistes aussi jeunes qui traitent de sujets aussi noirs. L’excellent album Doris de Earl Sweatshirt, sorti en aout dernier, est une bombe souterraine qui explose d’envies de meurtres. Le macabre est parfois délicieux, surtout quand Earl y met les formes, n’ayons pas peur de l’avouer. « Truffé de références culturelles, varié dans le son, personnel dans les textes, à commencer par celui de Chum, Doris est à ce jour malgré quelques titres dispensables l’un des albums les plus consistants d’Odd Future », écrivait Julien Broquet en septembre dernier. Et le crew Odd Future l’a bien compris.
Earl, tout seul
Loin de la rugosité de Doris, Earl Sweatshirt donne un show beaucoup plus « à la cool » en complicité avec le public. Good kid, Earl. Mais le côté bon enfant a ses revers. La scène ne grouille plus de rappeurs surchauffés de la team Odd Future, s’envoyant des mots à la face comme une décharge d’AK 47. Earl lancera plutôt entre deux morceaux quelques blagues aux kids qui se font tourner les joints devant la scène, tentera des incitations (timides) au bordel et les « I’ll fuck the freckles off your face, bitch » seront repris par tous. Le rappeur est devenu une sorte d’entertainer à l’américaine, qui sait où il va et s’en amuse. Le gosse de L.A repéré grâce à Myspace par Tyler, The Creator est devenu grand, a pris de la maturité et a clairement du talent. Mais il est tout seul. Et rien ne vaut un gang de rappeurs surdoués, comme l’on peut parfois y assister durant ces shows délirant du crew, qui déversent leurs sauvageries de texte sur des beats bien lancés.
Et parlons-en, des beats. Le DJ que l’on reconnaît de la fameuse pochette Odd Future Tape Volume 2 sorti en mars 2012 soutient Earl quelque fois d’un « yeaah » avant de retourner hocher sa tête blonde derrière ses boutons. Le « White Guy in Odd Future », l’unique, qui traîne avec toute la team et qui gère avant tout leur pop-up store à L.A. « Je fais vraiment partie de la bande, ne me confondez pas avec l’un de ces kids qui veulent juste un autographe de Tyler, The Creator. » Lucas était de ces garçons sans ami, un peu bizarre et qui ne savait pas faire 100 mètres en courant avant de cracher ses poumons. « Qui aurait pu penser qu’après avoir vécu avec des « nul en sport », « a un petit pénis de blanc » et être juste une sale petite tête de turque payerait un jour? » confesse le White Guy sur le site Hipster Runoff. Qui l’eut cru, on se le demande bien.
Teasing
Earl a donc du talent et c’est bien pour ça qu’on regrette la précipitation du show. Les morceaux arrivent et éclaboussent de leur génie mais s’arrêtent bien trop vite. Le rappeur semble donner un trailer de ses titres et passe au suivant quand bon lui chante. Effet teasing. Ce même effet qu’il avait commencé en février dernier à Brooklyn avec son ami Californien Vince Staples.
Mais le rappeur ne fait pas partie du crew Odd Future pour rien: ses talents sont d’autant plus révélés quand celui-ci chante, entre autre, en a cappella sur Chum. La salle devient presque silencieuse et écoute la voix du nouveau petit messie… « I storm that whole bottle, I’ll show you a role model. »
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