Dour J1: curation, mode d’emploi

Dour Festival, mercredi 10 juillet 2019
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Mercredi, Roméo Elvis, Amelie Lens, Bonobo et Salut c’est cool avaient pris les commandes du festival de Dour. Rap, électro, curation et lisibilité.

De la Boombox où l’amoureux des crocodiles Roméo Elvis s’est fait plaisir à l’Elektropedia dans laquelle Amelie Lens a ramené sa clique en passant par la salle polyvalente et son ambiance de ducasse façon Salut c’est cool, c’est le même engouement. La même fiesta, la même ambiance débridée de retrouvailles. Dour avait déjà par le passé fait appel à des curateurs. Confié les rênes d’une scène à un Lefto. Mais ce mercredi, pour le coup d’envoi sur quatre scènes de son édition 2019, ce sont les artistes qui ont établi toute la prog. Et vu le nombre de festivaliers de sortie pour cette séance d’échauffement, ça a l’air de parler aux premiers arrivés. « Le mercredi, on a toujours changé la formule, explique le programmateur Alex Stevens. On le fait exprès. C’est un peu la journée expérimentation. Au début, elle n’existait pas. Elle est née avec Mons 2015, capitale européenne de la culture. De manière générale, depuis des années, les festivaliers sont déjà là le mercredi. Et ce n’est pas pour des têtes d’affiche. Donc, quitte à ajouter une journée, autant jouer avec son concept. Tester des choses. En 2016, on a invité le concert en quadriphonie de La Colonie de vacances. Ca implique une installation, un soundcheck particulier. On ne peut pas le faire sur une journée normale de festival. »

Cette fois, l’événement hennuyer a décidé de partir sur un phénomène relativement en vogue (du Guess Who? à Utrecht au Sonic City courtraisien): celui de la curation. Comprenez qu’il a délégué le temps d’une soirée la programmation de toutes ses scènes à des artistes. Des artistes avec lesquels il entretient une relation toute particulière. « On s’est dit que notre affiche manquait parfois un peu de lisibilité, reprend Alex Stevens. Le programme est trop dense. Or, c’est important aujourd’hui. Les gens ne s’informent plus beaucoup. Ils prennent très peu le temps de regarder un programme en détail. Ils sont sollicités pour tellement d’événements. Se font bombarder sur les réseaux sociaux. Les pages culturelles des médias, des journaux s’affaiblissent. Ce sont les algorithmes qui envoient le plus de propositions et c’est compliqué de rendre lisible une affiche comme la nôtre. On s’est dit: quoi de plus lisible que de monter une soirée programmée par quatre artistes qu’on suit depuis longtemps. »

Du francophone, du hip hop, du belge, de l’électro… Avec Salut c’est cool, Roméo Elvis, Bonobo et Amelie Lens, les organisateurs ont trouvé un quarté gagnant. « Ensemble, ils représentent vraiment la diversité de Dour. On parle beaucoup aujourd’hui de la standardisation des festivals. Du fait que tout le monde a les mêmes têtes d’affiche. Ce mercredi, nous n’en avons pas mais on affirme notre identité à travers les choix de quatre artistes qui ont fait notre histoire et qui sont tous très typés. Les gens ont besoin de repères de manière globale. Et établir le programme avec Roméo, Amelie, ça donne un certain cachet. »

Moha la Squale
Moha la Squale© Olivier Donnet

Les quatre programmations de la soirée ont chacune leur histoire. « Bonobo a envoyé une liste dans laquelle on a pioché et on a ensuite validé l’ordre des concerts avec lui. Amelie Lens présente son label et vient avec ses poulains. Des artistes qu’elle défend. Ca a été facile de trouver une cohérence et de raconter une histoire. Quant aux Salut c’est cool, ils nous ont envoyé une liste de 30 noms. Des mecs qui ont quatorze écoutes sur Soundcloud. Des potes à eux. Ca a été un peu plus compliqué. Ils ne comprenaient pas trop le processus de confection d’un programme. On a échangé 600 mails mais on y est arrivés. C’est une espèce de création. Comme ils parlaient d’une tendance moyenâgeuse, on a appelé ça Salut c’est cool Medieval Madness. »

Roméo Elvis, Alex Stevens est parti à sa rencontre dans son studio alors qu’il enregistrait son album. « On a rédigé un brouillon ensemble. On a appelé les artistes. Ils ont tous confirmé. Ca a été hyper simple. Il voulait un gros nom rap francophone. C’est Moha La Squale. Un rappeur anglophone. On est parti sur Sheck Wes avec qui on était en négociation et dont il était fan. Puis terminer avec de la drum’n’bass. On a proposé des noms qui tournaient et il a choisi Shy FX. »

Entre l’électro métissée avec deux percussionnistes de Dengue Dengue Dengue et la DJette coréo-new yorkaise Yaeji, c’est le rap qui a déjà tout retourné. En 2019, les ados s’en vont à un concert de hip hop pour pogoter comme leurs parents allaient jadis voir du punk ou du grunge. Moha La Squale et Roméo Elvis (passé se joindre à Vladimir Cauchemar et Todiefor sur la scène qu’il gérait) ont mis la grosse ambiance. « Le travail du programmateur dans l’avenir est d’aider à la lisibilité. On a 20 têtes d’affiche. Il y a 40-50 projets installés. Puis, il y a 180 noms. C’est quoi ces trucs-là? Toutes ces petites choses. Il faut savoir mettre en valeur. Si Dour veut rester Dour avec toute sa diversité et pas devenir un festival de niche métal, reggae, hip hop ou peu importe, il doit communiquer et rendre claire son affiche. Que ce soit via de la curation ou que sais-je. Il y a d’autres formules à trouver et on y travaille déjà. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content