Dominique A: seul au sommet

© Frederic Pauwels

Pour sa toute première prestation aux Francofolies de Spa, le quasi vétéran Dominique A a fait parler la foudre. Un concert abrasif qui confirme, si besoin en était, sa position sur la scène musicale française contemporaine: seul au sommet.

Ainsi donc Dominique A n’avait jamais joué à Spa. La grande affaire. A voir, mercredi soir dans le village francofou, le public spadois achever de frapper grassement des mains au rythme des niaiseries du mal nommé Yodelice, à entendre surtout ce présentateur braillard introduire le chanteur nantais comme on annonce un tour d’auto-scooter supplémentaire à la fête foraine du coin, on se demande à vrai dire, l’espace d’un instant, si le festival a bien mérité sa présence. Soit.

La setlist du jour s’articule essentiellement autour des disques sortis l’an dernier: le diptyque La Musique/La Matière (via Le Sens, Les Garçons perdus ou un Hasta que el cuerpo aguante furibard) mais aussi l’EP 4 titres Kick Peplum (un Manset conviant le grand Gérard à un  » slow endiablé « ). Avant que Le Métier de faussaire ne marque la première incursion, survoltée, dans son répertoire plus ancien (La Mémoire Neuve, 1995). Suivent, dans un torrent de tension dévorante, Immortels, écrit pour Bashung, et Le Bruit blanc de l’été, inspiré par l’ambiance cacophonique des festivals, lui-même directement enchaîné sur un déchirant En secret, seconde machine à remonter le temps (Auguri, 2001) d’un concert qui en sera chiche. Frissons.

Bel Animal et Je suis parti un matin dévalent les mêmes cascades de rock à la fois humide, tellurique et abrasif, avant que La Fin d’un monde ne sonne la première -et pour tout dire la seule- accalmie de la soirée. Mais même là, le calme est relatif, car au loin l’orage gronde toujours. Belle ironie pour celui qui, atteint d’astraphobie (peur phobique des orages), saisit sans doute à bras le corps la chance de soigner le mal par le mal. Sur Pour la peau (Auguri, 2001), immense, et Nanortalik, Dominique A fait encore parler la foudre, déversant en français des flots de mots crève-coeurs dans un maelstrom musical éminemment anglo-saxon. Le temps de quelques saisissants éclairs, on croirait même sentir frémir, au bout de son manche de guitare, sa passion jamais démentie pour les années bénies du label Sarah Records, ses Field Mice, Orchids et autres Sea Urchins.

Pendant ce temps, non loin de là, les playmobils permanentés du rock belge -Ghinzu, donc- s’apprêtent à investir, l’esprit résolument conquérant, la grande scène du Parc de Sept Heures. Tant pis pour leurs ouailles impatientes, agglutinées devant le podium-autel comme en attente d’une communion béate: ce soir, la messe a déjà été dite. Par un Dominique A enfonçant définitivement le clou en un Twenty-Two Bar (La Mémoire Neuve, 1995) sous haute tension électrique puis, surtout, un aussi hallucinant que tubesque Courage des oiseaux de  » vingt ans d’âge « , comme se plaît à le rappeler, le sourire en coin, le Nantais.

En 2012, en effet, La Fossette, chef-d’oeuvre séminal, manifeste inoxydable de ce qu’on appela alors la  » nouvelle chanson française « , fêtera ses 20 ans. L’occasion, immanquable, pour beaucoup d’évaluer enfin à sa juste valeur une carrière dense, unique, essentielle. Le roi Bashung n’est plus, et dans son ombre se dresse aujourd’hui un Dominique A plus passionnant que jamais. Autour de lui: soudain, le vide.

Nicolas Clément, à Spa

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