Dix ans de Gondwana: « L’idée, c’était simplement de documenter la scène jazz en train d’émerger »

GoGo Penguin
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Précurseur du renouveau jazz britannique, le label mancunien fête ses dix ans en fanfare, avec un mini-festival, organisé ce 27 avril à l’Ancienne Belgique.

En musique, certaines villes comptent plus que d’autres. Manchester, par exemple. Personne ne lui contestera un patrimoine musical conséquent, au moins aussi important que son palmarès footballistique. La new wave de Joy Division, le label Factory, la pop d’Oasis, les fulgurances des Smiths, le dance-rock des Stone Roses, l’électropop de New Order, la folie acid house de l’Haçienda, etc. Quasi autant de monuments de l’Histoire du rock. Côté jazz, par contre, la ville n’a jamais pesé très lourd. Du moins jusqu’à l’arrivée du label Gondwana. Cela fait (un peu plus de) dix ans maintenant que le trompettiste Matthew Halsall a lancé l’enseigne. Aujourd’hui, elle est devenue l’une des maisons jazz les plus en vue du Royaume-Uni.

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Au départ, raconte Kerstan Mackness, manager du label, l’ambition ne dépassait pourtant pas les limites de Manchester. « L’idée de Matthew était simplement de documenter la scène jazz qui était alors en train d’émerger dans la ville. Notamment dans un club comme le Matt & Phreds, un endroit où les musiciens pouvaient jouer très librement. Ça tranchait avec ce qui existait ailleurs. à l’époque, il y avait bien des projets comme The Cinematic Orchestra, qui frayait avec l’électronique, ou encore le Portico Quartet, qui faisait une musique qui ressemblait au jazz sans en être vraiment. Mais partout ailleurs, à Londres ou Leeds par exemple, la scène était encore très « jazz jazz ». Avec des musiciens super intéressants mais qui avaient du mal à parler au-delà des convaincus. » À Manchester, on vénère évidemment des maîtres comme John Coltrane, mais en tentant d’y glisser un feeling plus britannique. « Matthew cherchait à créer et promouvoir un jazz qui aurait peut-être plus de coeur, moins intéressé par la dextérité technique que par le fait de créer un nouveau lien avec le public. »

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L’un des premiers groupes à rejoindre l’écurie Gondwana se nomme Gogo Penguin. Un trio qui voit large, revendiquant autant l’influence du jazz que de la musique classique, du minimalisme ou même de la musique électronique. Chez Gogo Penguin, on écoute aussi bien Philip Glass qu’Aphex Twin. Après Fanfares en 2012, leur album v2.0 se retrouve ainsi nominé pour le Mercury Prize 2014, aux côtés de Damon Albarn et des Young Fathers… Dans la foulée, c’est Mammal Hands qui rejoint Gondwana, y amenant son amour pour les musiques du monde. Il marque un tournant pour le label: pour la première fois, il signe un groupe qui ne vient pas de Manchester (mais de Norwich). « Ce qui change évidemment la perspective. Le but du label n’est alors plus seulement de documenter une scène locale, il est aussi de servir de facilitateur pour certains projets, qui partagent une même vision, un même questionnement. » En l’occurrence: comment faire vivre le jazz au XXIe siècle? Comment cette musique peut-elle parler à un public qui a grandi avec Squarepusher ou Massive Attack? Vaste programme, auquel Gondwana s’est astreint, en signant des projets aussi divers que le quartet neosoul Noya Rao, la chanteuse australienne Allysha Joy, ou encore les… Belges de STUFF. « Chaque fois, on essaie d’arriver au début. C’est important pour nous de pouvoir compter sur une énergie encore naïve. »

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L’union fait la force

Aujourd’hui, Gondwana est donc devenu une valeur sûre. Et en même temps toujours un peu à la marge. A fortiori depuis que la scène londonienne a littéralement explosé avec des noms comme Shabaka Hutchings, Binker and Moses, Nubya Garcia, Sons of Kemet ou encore The Comet Is Coming. Kerstan Mackness est bien placé pour le savoir: à côté de ses activités chez Gondwana, il est également le manager des derniers cités… « Clairement, Gondwana ne fait pas partie de cette vague-là. On pourrait éventuellement faire notre « shopping » à Londres. Mais d’autres labels, comme Brownswood ou Gearbox, le font déjà, et très bien en plus: ils incarnent ce renouveau. Honnêtement, c’est très excitant d’assister à ça, même de l’extérieur. Manchester a ceci qu’elle se suffit facilement à elle-même: elle est assez confiante et autonome que pour ne pas être jalouse les autres. Au fond, il y a de la place pour tout le monde. Les questions que posent tous ces groupes sont les mêmes. Ce sont juste les réponses qui sont différentes. »

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Pas question donc d’alimenter une quelconque rivalité entre Londres et Manchester. D’autant moins quand on connaît la signification du nom du label: Gondwana fait référence au supercontinent formé « à la fin du Néoprotérozoïque », il y a quelque 600 millions d’années. « C’est évidemment une manière d’insister sur le caractère rassembleur, unitaire de la musique qu’on veut proposer. » Un manifeste qui prend évidemment une coloration toute particulière au moment où le Royaume-Uni et l’Union européenne se retrouvent embourbées dans le Brexit… « C’est certain, soupire Kerstan Mackness. C’est difficile de comprendre comment on en est arrivés là… Quand Matthew a choisi ce nom-là, c’était moins un manifeste politique que l’idée spirituelle de privilégier l’esprit de famille, de communauté, la solidarité. Je ne le vois pas monter sur scène par exemple, et se lancer dans de grandes déclarations, comme The Comet Is Coming l’a fait l’autre soir à Paris, déclarant qu’ils feraient tout pour que le Brexit n’arrive pas. Vous savez, on est à Manchester, je vis la plupart du temps à Londres, et nous avons un bureau à Berlin. Dans les faits, nous sommes un label européen. Même si ça risque de devenir plus compliqué, la seule chose que nous pouvons faire, la seule réponse que nous pouvons donner, c’est continuer de tourner, d’aller un peu partout. »

Gondwana 10: le 27/04, à l’Ancienne Belgique, Bruxelles. Avec entre autres Portico Quartet, Matthew Halsall & The Gondwana Orchestra, STUFF., Hania Rani. www.abconcerts.be

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