Serge Coosemans

Crash Test, fin de saison: quelques plaisirs d’été avant la fermeture annuelle

Serge Coosemans Chroniqueur

C’est le dernier Crash Test de la saison. Retour en septembre, à moins d’une chute d’astéroïdes sur Bruxelles ou d’une refonte complète de la politique Web de notre vénéré éditeur. On se quitte en douceur plutôt qu’en scandale avec les « summer picks » de Serge Coosemans, autrement dit ses emballements de saison. Abus policiers, psyché revivaliste turque et webradio de Nouvelle-Zélande, c’est le Crash Test S02E40.

Turkish delights

Tout ce mois de juillet, j’ai écouté à peu près douze fois par jour le morceau Nem Kaldi de Derya Yildirim & Grup Simsek. Ce truc turc me rend dingue, me donne envie de rencontrer l’amour ou la mort, peu importe, en Anatolie, de manger de l’ail à l’agneau, de me mettre au raki par litrons. Si je devais me justifier, je dirais qu’il y a là-dedans pas mal de choses que la pop occidentale n’est plus capable de nous fournir. Autrement dit, que c’est beaucoup plus psychédélique qu’un énième revivalisme psychédélique pop-rock comme celui de Dope Lemon ou de Babe Rainbow, pourtant tous les deux pas mal du tout dans leur genre. Évidemment, je dis ça parce que je n’y connais rien en pop turque. DJ Sofa, qui a quant à lui pas mal d’expertise dans le domaine, m’a d’ailleurs appris que Nem Kaldi est en fait un vieux classique de la pop psychédélique turque et qu’il existe de cette chanson des dizaines et des dizaines de versions. Et celle du Grup Simsek n’en est même pas la meilleure. En fait, Derya Yildirim & Grup Simsek m’ont carrément tout l’air d’être à la pop psychédélique turque ce que Dope Lemon et Babe Rainbow sont aux grands allumés américains des sixties. De proprets revivalistes, donc. Ce qui ne m’empêchera pas d’aller malgré tout les voir prester le 23 août au parc Royal. Si tu pouvais amener le raki, merci.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Bobby Jameson Superstar

Dedicated to Bobby Jameson, le nouvel album d’Ariel Pink ne sort que le 15 septembre mais évidemment tout le monde l’a déjà sur son disque dur. Ce n’est pas son meilleur, ce n’est pas son plus fou mais c’est quoi qu’il en soit un très bon disque d’été, qu’il est donc assez imbécile de sortir à six jours de l’automne. Et puis tant qu’à faire, vu son titre en forme d’hommage à Bobby Jameson, on peut aussi prendre le temps de redécouvrir ce chanteur californien des sixties d’autant plus méconnu qu’il a sorti son disque le plus notoire, si on peut appeler ça notoire (Songs of Protest & Anti-Protest, 1965), sous le pseudonyme de Chris Lucey. Un album lui aussi plutôt recommandable, dans la veine du Love d’Arthur Lee, autrement dit une sorte de sunshine pop californienne avec beaucoup de nuages devant le soleil. Très Pale Fountains aussi, à vrai dire, ce groupe britannique des années 80 qui faisait lui aussi déjà beaucoup dans le revivalisme.

It’s the bomb, the bomb, the bomb, that will bring us together

Miracle Mile est un film américain des années 80 quasi inconnu, gros échec à sa sortie, devenu au fil des ans assez culte, et que les Français viennent de redécouvrir. Il n’est pas vraiment bon mais vaut néanmoins le coup d’oeil, ne fut-ce que pour sa complète bizarrerie, quelque part entre la comédie romantique branchée à la After Hours de Scorsese et un épisode très paranoïaque et désespéré de The Twilight Zone. Quand il était encore chroniqueur pour la presse anglaise, Charlie Brooker, le showrunner de Black Mirror, en avait d’ailleurs lui aussi vanté les mérites, ce qui n’est, avec le recul, guère très étonnant: Miracle Mile est tout à fait son genre, il aurait même pu l’écrire lui-même. Je n’ai pour ma part pas vraiment aimé ce film mais une semaine plus tard, j’avais quoi qu’il en soit en y pensant (car j’y pensais encore) toujours un sale goût de goudron dans la bouche et dans la tête, des images de parano, de trouille, de violence et de policiers qui brûlent. Bref, le genre de film qui n’a l’air de rien mais où il se passe quelque chose, qui vous emmène là où vous n’auriez jamais pensé aller. Ce qui n’arrive quand même pas tous les jours par les temps qui courent.

Nos amis les flics

Cela fait maintenant un certain nombre d’années que le film de flics tient, comme dirait un ancien Premier flic de France, de la « pantalonnade » (avé l’acceng). Trop de singeries à la Mel Gibson/Danny Glover, trop de bromance à la Ryan Gosling/Russell Crowe. Durant les années 60-70, en revanche, ça ronflait drôlement moins dans le pop-corn. Bullit, French Connection, le premier Dirty Harry, Serpico… Voilà des films qui savaient mélanger les codes du polar classique à de gros côtés pop et divertissants, le tout saupoudré de pas mal de crasse humaine et emballé dans un certain néo-réalisme quasi documentaire. Voilà aussi des films où l’abus policier était admis, voire carrément recommandé et admiré. Bref, ces classiques du genre et de l’époque sont ce qu’ils sont: des pièces de musée, de la pop culture de droite.

Ce qu’on oublie un peu trop, à moins d’avoir jadis été programmateur sur AB3, c’est que derrière ces classiques, il y a toute une collection de séries B elles aussi drôlement burnées qui prennent la poussière et s’oublient de façon pas trop justifiée. Des films qui essayèrent certes de surfer sur les succès de leurs modèles mais pouvaient aussi se permettre, vu leur classification, d’y aller encore plus à fond dans le scénario moralement dégueulasse et la noirceur, notamment via le racisme des protagonistes. Ces films « coups de bottins », la Cinémathèque de Paris les a justement cet été ressortis, le temps d’un cycle « Good Cop/Bad Cop » à la programmation absolument affolante, dont on peut par ailleurs se servir comme d’une liste de courses. Je suis loin d’en avoir fait le tour mais j’en ai déjà retiré quelques pépites. The Seven-Ups, par exemple, une sorte de suite non officielle mais plus logique à French Connection que French Connection 2; avec quasi les mêmes acteurs et carrément les mêmes cascadeurs. Ou Les Anges Gardiens, avec James Caan et Alan Arkin, pré-Arme Fatale mais alors beaucoup plus tarantinesque que melgibsonienne. Et je ne vous cause même pas des Robert Aldrich, tous franchement méchants… Bref, arrêtez de mater en boucle les vidéos du commissaire Vandersmissen sur YouTube. Il existe drôlement mieux dans le genre.

Chez les Yéyés en Nouvelle-Zélande

TV Disko, c’est mon émission préférée de webradio du moment. Ça nous vient de Nouvelle-Zélande et c’est un curieux mélange de yéyé français, de new-wave, de reprises bizarres et de vieux disques pour enfants qui racontent des films célèbres, comme La Planète des Singes ou Tron. Le tout uniquement en vinyle, griffes comprises. Bref, ça vous change vraiment très très fort de Pure et Classic 21.

Laureline & Valérian forever

J’ai un cousin qui connaît Luc Besson et il paraît que c’est un type assez sympa. Ce qui me fait dire qu’il devrait arrêter le cinéma et se lancer dans la raclette. Luc Besson est en effet sans doute drôlement plus rigolo à table qu’au moment de lâcher des blagounettes dans ses films. Humour beauf, humour sexiste, humour balourd… C’est d’autant plus choquant ce coup-ci que son Valérian & Laureline est censé rendre hommage à une bédé qui, bien au contraire, a toujours été plutôt finaude non seulement dans ses thèmes mais aussi dans les rapports entre ses deux principaux personnages. Or, sur Twitter, Myriam Leroy a relevé pas mal de points scabreux dans le film, qu’elle accuse, probablement à raison, de dégouliner de sexisme. Je n’irai pas vérifier. Je refuse de me foutre cette daube dans le cerveau. Mais pour la pierrade, c’est quand tu veux, Luc.

C’est que Valérian & Laureline est l’une de mes bédés préférées, si pas ma bédé préférée. Cela fait 40 ans que je la lis et je l’aimais autant à 8 ans, alors que je kiffais juste les créatures du cosmos, qu’a quasi-50, à chaque relecture toujours très surpris que ce cela ne soit jamais con et surtout toujours beaucoup moins con que ce à quoi on est désormais habitués dans le genre. C’est que Valérian & Laureline, c’est plus les Frères Bogdanov au meilleur de leurs formes que Jean-Pierre Marielle et Miou-Miou à poil dans l’espace. C’est ultra-seventies mais ça n’a jamais été grivois, paternaliste, beauf. Bien au contraire, c’est probablement l’une des oeuvres les plus progressistes, baba cool, « I’m free to do what I want », « en route vers la conscience cosmique » que je connaisse; par ailleurs aussi souvent drôlement plus profonde que toutes les idioties régressives à la Star Wars/Guardians of the Galaxy qui s’en inspirèrent pourtant à la louche. Je ne suis donc pas loin d’estimer complètement scandaleux que Luc Besson vienne y plaquer son révisionnisme masturbateur et ses vannes bas-de-plafond de nature à faire fuir tous les nouveaux lecteurs et nouvelles lectrices potentiels d’une série de bouquins vraiment fantastiques. Un Valérian & Laureline sexiste? Et pourquoi pas un Dirty Harry défenseur des droits de l’homme, tant qu’on y est? Voilà, c’était mon dernier coup de gueule avant la fermeture estivale. Bien le bonsoir. Ou adieu, sait-on jamais.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content