Couleur Café J3: Rap attacks!

Roméo Elvis sera en bonne compagnie au Dour Festival © Philippe Cornet
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Fin de week-end, mais pas du suspense pour Couleur Café, qui, entre anciens (Kassav) et nouveau (Niveau 4), est toujours à la recherche de la formule magique.

Alors, ça vous a quoi, comme gueule, Couleur Café, au bout d’un week-end agité? Ça tient bon, mon capitaine, ça tient bon. Certes, le site, comme le public, a tendance à rétrécir. Mais le classique bruxellois continue vaille que vaille de s’accrocher à l’été. Même le soleil, cette denrée devenue aussi capricieuse et indécise qu’un quart de finale Allemagne-Italie, a décidé de se pointer et de prendre ses aises. Et puisque sur la scène principale, c’est reggae time, tout va bien dans le meilleur des mondes. Remplaçant au pied levé l’ancêtre Bunny Wailer (tournée estivale annulée), Meta et ses Cornerstones assurent leur prise. Surmonté d’une bonbonnière vert-jaune-rouge, le rasta sénégalais n’a certes pas inventé le papier à rouler le spliff. Mais avec sa voix à la Ziggy, et son groove qui coule tranquillou, le bonhomme tient le bon bout, ponctuant ici et là ses morceaux d’une échappée solo à la guitare, histoire de garder les troupes affûtées.

Ça c’était pour le Couleur Café canal historique. Mais ce qui questionne aujourd’hui, c’est l’autre Coul’ Caf’, la version 2.0 qui a parfois peiné ces dernières années à trouver le mix idéal. Exemple: les rockeurs de Black Box Revelation étaient vendredi sur la plaine de Werchter, dimanche sur la scène Titan de Tour&Taxis : what’s the point? À l’inverse, avec sa formule rap-chanson-variété ultrafestive, Féfé semble pile poil au bon endroit, emballant son monde après deux morceaux à peine. Parfois critiquée, l’ouverture aux musiques « urbaines » apparaît en général plus cohérente avec l’ADN du festival bruxellois. Dimanche, étaient présents aussi bien le consensuel Soprano que le coup de vent afrotrap de MHD: bien vu, surtout pour continuer à attirer un public plus « djeune ». Il était là, notamment, aux premiers rangs du chapiteau Univers, pour assister à Niveau 4. Un projet complètement inédit qui réunissait sur le même plateau quelques-uns des cadors de la scène hip hop belge, aussi bien francophone que néerlandophone. Honneur aux dames, c’est l’Anversoise Coely qui démarre ainsi le bal, entonnant notamment son tube My Tomorrow – un « lendemain » assurément bien embouché pour la demoiselle qui vient d’annoncer la signature d’un contrat avec la major Universal… Plus sombre et grésillant, les Bruxellois de Stikstof poursuivent en flamand dans le texte. Au générique, et par ordre d’apparition, se succèdent encore les sémillants JeanJass & Caballero, Woodie Smalls, Roméo Elvis, Dvtch Norris, et Senamo & Seyté, échappés de la Smala. Après un premier tour de table (deux, trois morceaux chacun), le constat s’impose : comme le remarque Seyté, « tous les styles, toutes les langues », y compris l’anglais, sont dans la nature. Mais est-ce que cela tient forcément ensemble? Oui, peut-être un poil bancal, mais assurément festif. Bien sûr, chacun a pu/dû forcer un peu sa nature. Mais c’est quand Niveau 4 cesse de devenir une simple compilation, et qu’il essaie vraiment de combiner que cela devient le plus intéressant. À une dizaine sur scène, le pétard s’allume enfin. Par exemple quand Stikstof reprend son Dobberman avec le poteau Roméo. Ou que le binôme JeanJass/Caballero décolle avec Oh merde, transformé, oecuménisme linguistique oblige, en Oh Shit.

Le hip hop est-il l’avenir de Couleur Café? Pas uniquement, se dit-on en se baladant sur un site où se croisent plus que jamais ados en goguette et familles à poussettes. D’ailleurs, en début de soirée, les « vétérans » de Kassav prouvent qu’ils ont toujours leurs fans. Faut dire que la machine à zouker tient toujours solidement la route, boostée aux cuivres pétaradants. Trente ans après des tubes comme Syé Bwa, le sourire de Jocelyne Béroard et la barbe blanche de Jacob Desvarieux n’ont quasi pas bougé. C’est complètement réjouissant. Et à vrai dire, assez rassurant. Après tout, si leur cocktail fait toujours mouche, il n’y a pas de raison que celui de Couleur Café ne fonctionne plus non plus.

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