Claude François 69: le retour du grand blond

Pascal Deweze, à l'avant-plan, et Nicolas Rombouts. © Philippe Cornet
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Le répertoire de Claude François, revitalisé en français par un formidable band anversois, enflamme le nord du pays et nos préjugés. Cette semaine, l’affaire pourrait même faire pleurer le téléphone de Deep in the Woods.

Juillet 2015. Les 2.000 spectateurs du Rivierenhof anversois comble se dandinent pendant une bonne heure lors d’Une soirée avec Claude François 69: quand le concert s’éteint sur Alexandrie Alexandra, l’électricité est dans la foule. Remerciée par un cinglant dank u wel du chanteur Pascal Deweze, rare moment de ménapien dans une soirée francophonissime. Pour les textes en tout cas puisque le band de treize personnes, Cloclo inclus, puise dans des arrangements cuivrés plus proches de Motown que de la variété sixties. Visuellement, les pattes d’eph et l’effrayant look costard satin laissent place à un deux-pièces anthracite. Une version blanchie de James Brown? Possible, même si les Clodettes anversoises ne sont que quatre et, tant pis, usent davantage de tissu que les originales. Le tout tranche nettement sur le yéyé de feu Monsieur François, né en 1939 en Égypte et électrocuté chez lui à Paris, le 11 mars 1978, dans les circonstances idiotes bien connues. Qu’est-ce qui a poussé Nicolas Rombouts, musicien-compositeur arty (chez Dez Mona entre autres) à réanimer le mort? « Un jour, au studio de Pascal Deweze, j’ai vu qu’il y avait un grand poster de Claude François et j’ai senti moins de honte à être fan de ses chansons (sourire). Il y a deux ans et demi, Pascal et moi avons brainstormé sur l’idée en se disant qu’il fallait absolument faire cela en grande formation. » De la même taille moyenne que son inspirateur, mais plus red que faux blond, Pascal précise: « La meilleure période va de 1965 à 1971, elle me bluffe par sa frénésie. Avec mon groupe Sukilove, je fais des choses sombres, et là, j’ai eu envie de faire de la musique optimiste sans être un connard sur le podium. »

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Belles belles belles

Non seulement Pascal et Nicolas se repassent les albums originaux –« Tu dois absolument écouter les live de 1964-1965 »– mais investiguent dans l’intégrale du chanteur. Biographies, archives, interviews et puis rencontres avec l’entourage, incluant l’ancien chef d’orchestre et la propre soeur du sujet. Pascal fait même le détour par le Moulin de Dannemois, autrefois petit Versailles de Monsieur Claude. Celui-ci était fils d’un diplomate français travaillant sur le canal de Suez et ne supportant nullement l’idée que le rejeton devienne musicien. D’où l’ambition démesurée de Cloclo d’appareiller gloire et puissance pour tuer, symboliquement, le refus du père. L’expérience franchit un feu rouge lorsqu’Une soirée avec Claude François 69 invite rien moins que Claude François junior à un concert à… Alsemberg. « Il est venu en voisin puisqu’il habite à Uccle, explique Pascal. C’était la première fois qu’il ne voyait ni cheveux blonds ni paillettes dans un événement inspiré de son père. Il nous a quittés en rappelant l’importance du show. » De fait, l’expérience live qui a débuté en décembre 2014 au Roma d’Anvers gagne ses galons en jouant un répertoire qui, à deux, trois exceptions près (Belles belles belles, Comme d’habitude, Alexandrie Alexandra), évite les tubes. « Oui, et on a aussi évité des horreurs comme Le Téléphone pleure, mais toujours avec une notion de défi. J’en ai un peu marre que derrière le look, on oublie qu’il s’agit aussi d’un mec qui savait écrire: pas pour rien que Presley et Sinatra ont tous deux interprété ses titres. Pour être honnête, on ne peut pas tout à fait aller à la même vitesse que lui, même notre batteur, pourtant phénoménal. Question d’entraînement? Claude François donnait 200 concerts par an. » Si Pascal et Nicolas ont vu et apprécié le film Podium, l’entreprise 69 n’a aucune velléité de cover-band ni de singerie de période passée. Bien que la trame des chansons reste fidèle aux originaux, la signature funkyrocksoul démine d’emblée toute recréation ringarde. « Il faut être théâtral sans être pathétique. Et moi qui viens plutôt de l’école de chant Beck/Pavement (sourire), j’ai dû réapprendre à utiliser ma voix, loin du chuchotement, sourit Pascal. Ce qui marche aussi, c’est la puissance des cuivres qui déchire tout. Le groupe, qui a recruté les musiciens plutôt dans les milieux « alternatifs » d’Anvers, n’a rien de nonchalant ou de clinique: le résultat est même un peu sale. » C’est surtout juteux, voire carrément jouissif, même si cette intrusion francophone fâchera la grandeur flamande selon Bart De Wever. Pas que lui d’ailleurs: « On a dû jouer une trentaine de fois en Flandre mais la France a complètement calé: les bookers de concerts ne comprennent absolument pas notre démarche. La langue française? Dans le groupe, on a tous entre 30 et 40 ans, donc il reste des souvenirs de Récré A2 (l’émission pour kids de Dorothée, NDLR), de Gainsbourg, de Depardieu, un petit peu de notre enfance. En Flandre, la culture française n’a plus du tout le même impact que celui qu’elle avait jusqu’aux années 80. On a perdu la boussole après la mort de Claude François. » Il reste trois concerts pour se faire électrocuter par l’héritage du Grand Volté, le projet s’arrêtant -en principe- fin septembre. Dommage.

EN CONCERT LE 03/09 À DEEP IN THE WOODS, LE 29/09 À RECYCLART À BRUXELLES ET LE 30/09 À HET BOS À ANVERS, WWW.FACEBOOK.COM/CLOCLOSOIXANTENEUF

Tu zingt en français?

« Je veux de l’amour », braille Raymond van het Groenewoud en 1981, flamandisant le tube de Charlebois à l’exception du titre. C’est le nord du pays en pointe d’exotisme francophile. Si l’anglais règne sur la Flandre pop, les auteurs majeurs -Gainsbourg, Ferré- inspirent un dEUS à Quatre mains intégralement french en 2012 ou un Vive la Fête aux poses linguistiques façon Karl Lagerfeld. Il y a aussi le choix du français comme véhicule sentimental et outil de carrière. Deux Ostendais immigrés à Bruxelles s’y collent: Peter Bultink avec son Orchestre du Mouvement Perpétuel et Arno, qui bien avant d’être « à la française », titrait l’un de ses disques avec Tjens Couter, Plat du jour. C’était en 1978.

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