Claire Laffut, irrésistiblement pop: « J’ai cru qu’on allait me proposer un poste de miss météo »
Illustratrice, modèle, Claire Laffut est désormais aussi chanteuse. La jeune Belge sort un premier EP, irrésistiblement pop, quelque part entre Lorde et Lio. Girls just want to have fun…
Dos au mur, regard dans le vide, la jeune femme se présente. « Bonjour… Je m’appelle Claire Laffut. J’ai 23 ans. J’habite à Paris, mais je suis belge… Qu’est-ce que je dois faire? » La voix est lasse, hésitante. Inquiète surtout. Mais à quel propos? Sur la pose à adopter devant la caméra? À moins que la question ne cache des interrogations plus existentielles?… C’est bien là toute l’ambiguïté du clip. Sortie en mars dernier, la Vérité de Claire Laffut est au moins aussi troublante que trouble. Vague même, dans le sens le plus « warholien » du terme. Et donc à peu près irrésistible, l’un des tubes les plus évidents de ces derniers mois.
Il était écrit qu’en 2018, la pop à large spectre serait jeune et féminine. Claire Laffut en est un nouvel exemple. Née en 1994, elle a l’audace des gens de sa génération. Dessinatrice, peintre, apprentie comédienne, elle bosse aussi comme modèle (elle est l’un des visages de la dernière campagne Dior). Elle appuie aujourd’hui sur la touche « musique », avec un premier EP quatre titres, distribué par la toute-puissante Universal. Forcément moderne, Mojo -c’est son titre- dégage un petit parfum eighties, presque malgré lui. Moins dans la forme cependant, que dans l’esprit. Par exemple dans cette manière de tanguer entre tubes instantanés et twists un peu tordus. Ou de flouter délibérément la ligne entre accès de sincérité et artifices un peu poseurs (les références arty à Bunuel ou Lynch dans Vérité, par exemple). D’où, déjà, certains malentendus?
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Faussement ingénue, la jeune femme que l’on rencontre ce jour-là n’a pourtant pas l’air de calculer. Elle apparaît même encore un peu sauvage, bien plus farouche et spontanée qu’opportuniste. Dans une récente séquence Web pour Jack, « le média musique de Canal +« , le portrait est toutefois plus embarrassant. Claire Laffut passe pour une parodie de lolita branchouille, produit marketé pour bobos parisiens. Une chanteuse « blanche hétéro cis », un poil godiche (ce plan gênant où elle caresse langoureusement une bouteille de ketchup, « ma sauce préférée au monde »), un poil bourgeoise. Pas besoin de plus pour que les « haters » hate. Sur son Instagram, elle fait mine de se marrer: « Me traiter de bourgeoise alors que je viens de Moustier-sur-Sambre, mdr »…
Épaule tatoo
De fait, peut-on se la « péter » quand on vient de ce petit « bled » de l’entité de Jemeppes-sur-Sambre, même pas 3000 habitants entre Namur et Charleroi? C’est bien là qu’a grandi Claire Laffut. Une mère coiffeuse, un père mécano – « il a eu un garage à Liège, spécialisé dans le tuning »-, reconverti dans la transformation d’anciens bâtiments industriels en lofts.
On devine que ce dernier, collectionneur de vinyles, a pu transmettre le goût pour la musique -« il a installé une sorte de bar au milieu du salon, où il a posé ses platines, sur lesquelles il passe aussi bien du Fela que de la techno berlinoise ou un remix de douze minutes de Frankie Goes To Hollywood. » Entre les lignes, on comprend que la première, plus effacée, a poussé sa fille à prendre les libertés qu’elle s’est elle-même toujours refusées. « J’ai toujours voulu faire plein de choses, et aller de l’avant », résume Claire Laffut, pour expliquer sa prise d’indépendance précoce.
Dès 15 ans, par exemple, elle sort déjà pas mal en club (quitte à mentir sur son âge pour bosser, par exemple, derrière le bar). À 16, elle s’installe à Bruxelles pour rejoindre son amoureux. À 18, elle lance son projet de « bijoux de peau » -en fait des tatouages éphémères, façon décalco Malabar. « C’est parti de mon père qui hésitait à se faire tatouer. Du coup, je lui ai dessiné plusieurs modèles qu’il pouvait effacer si cela ne lui convenait pas. Comme il m’en restait plein, j’en prenais en soirée, que je distribuais. Les gens se montraient intrigués. Je me suis dit que je pourrais peut-être commencer à en vendre. »
À l’époque, rupture amoureuse oblige, Claire Laffut a déjà « fui » à Paris. Elle a atterri chez sa copine photographe Charlotte Abramow, qui a réalisé ses premiers portraits. Aujourd’hui, la Bruxelloise travaille surtout avec Angèle, autre ticket pop belge féminin du moment. En l’occurrence, la photographe/clippeuse n’est pas le seul lien entre les deux chanteuses. Non seulement Claire Laffut et Angèle, un an d’écart à peine, ont partagé plusieurs scènes, mais elles ont aussi collaboré avec le même producteur Tristan Salvati… Malgré cela, les trajectoires restent fort différentes. Parti de Bruxelles, le parcours d’Angèle s’est construit notamment grâce à Instagram. Celui de Claire Laffut a adopté un profil plus « classique », presque à l’ancienne. « J’avais commencé des cours de théâtre. C’est là qu’une repéreuse de talents de Vivendi (la multinationale dans le giron de laquelle se trouvent Universal ou encore Canal +, NDLR) m’a approchée, en me disant qu’elle était intéressée par mon profil. » Claire Laffut ne sait pas trop à quoi s’attendre. « Je me disais qu’elle allait me proposer un poste de miss météo ou un truc du genre. » Mais lors de l’entretien, la « chasseuse de tête » demande à la jeune femme si elle fait encore d’autres choses sur le côté. « Je venais justement d’enregistrer quelques premières démos. »
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Au départ, la musique n’était pas forcément au programme. Mais l’amour, à nouveau, a fait son office. Limpide, la jeune femme raconte: « Arrivée à Paris, je rencontre un garçon. Il est batteur, me fait découvrir un peu les coulisses du métier, le travail en studio, etc. En même temps que je tombe amoureuse de lui, je tombe amoureuse de la composition, de l’écriture de chansons. Je n’avais jamais fait ça avant. Mais j’y prends goût hyper rapidement. Je suis prise. » Au final, c’est sans doute cette spontanéité qui contribue le plus au charme de son premier EP. Quatre titres, ce n’est pas grand-chose. Mais, entre le mélo amoureux de Vérité, le coup de chauffe disco-tropical de Mojo, l’accent kinky jamaïcain de La Fessée, ou encore la ballade plus sombre de Gare du Nord, la bulle Claire Laffut flotte, tournoie, mais n’explose pas. Légère, mutine, mais jamais futile pour autant.
Claire Laffut, Mojo, distr. Universal. ***(*)
En concert le 15/11 au Botanique, Bruxelles.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici