Critique | Musique

Chronique CD: Ry Cooder – Box 11 CD 1970-1987

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ROCK | Court en infos mais riche en musique, ce coffret montre comment le « primitif californien » a bâti à lui seul une vraie sono mondiale.

Chronique CD: Ry Cooder - Box 11 CD 1970-1987

Longtemps, Ry Cooder a été considéré comme « musician’s musician », saurien de studio qui éblouit par sa technique instrumentale, particulièrement à la guitare slide. Pas pour rien qu’il accomplit divers travaux, par exemple chez les Stones de 1968/1969, dont la partition au bottleneck de Sister Morphine. Ce statut semi-public perdure grosso modo jusqu’à 1985 et la BO de Paris, Texas -non incluse ici- où le musicien, borgne depuis l’âge de quatre ans mais pas sourd, égrène des lamentos de guitare épousant parfaitement le film de Wim Wenders. Premier grand éclat commercial, couronné douze ans plus tard d’un autre hit avec Wenders, lorsque la paire visite les Cubains oubliés de Buena Vista Social Club. Longtemps donc, Cooder sera une indiscrétion anglo-saxonne, révérée aux Pays-Bas et en Flandres, ignorée côté francophone. Il faut dire qu’à l’instar de Leon Redbone, Lowell George ou Taj Mahal, entrepreneurs rétros de l’americana qui ne se nomme pas encore, Cooder s’intéresse à des musiques hors-mode, négligées, méprisées voire franchement larguées.

Ce coffret en regorge: variations hawaïennes, tex-mex, mais aussi hillbilly, folk, country, funk, rhythm’n’blues, gospel. Le tout Cooderisé, c’est-à-dire passé à la juteuse moulinette indolente d’un plaisir qui n’hésite pas à interroger l’Histoire sociale et politique nord-américaine. Lorsque paraît son premier album en 1970, Cooder a 23 ans et déjà un CV consistant, y compris un passage chez le dingo Captain Beefheart. Le blues de ce premier album sera la matrice des décennies suivantes: rendant hommage aux travaux de Blind Willie Johnson ou Leadbelly, Cooder fait oeuvre de filiation aux Afro-Américains alors délaissés si ce n’est par les Anglais à la Led Zep. Si ce box de onze disques frustre par son manque d’infos et de livret, il reste passionnant par sa richesse chromatique et sa remontée du Mississippi aux volcans de Maui. Chaque album varie les styles au sein d’un même ensemble -à l’exception du Jazz de 1978- brisant la barrière factice entre musiques blanches et noires, vieilles ou futures. Parmi les moments magiques, citons le sensationnel Chicken Skin Music (1976), le live Showtime (1977), le classique Bop Till You Drop (1979) et The Slide Area (1982) où super-Cooder, entre exaltation verbale à la Zappa et reprise de Blue Suede Shoes, fait pleurer la guitare avec des chromosomes de génie.

  • Box 11 CD « Ry Cooder 1970-1987 », distribué par Warner.

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