Critique | Musique

Can – The Lost Tapes

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

KRAUTROCK | Démantelé avant de déménager dans un musée, l’Inner Space Studio recelait un trésor: 50 heures de bandes inédites enregistrées par Can entre 68 et 77. Florilège.

CAN, THE LOST TAPES, DISTRIBUÉ PAR MUTE. ****

C’est une sortie improbable. Une histoire un peu folle. Celle d’une musique qui dormait depuis plus de 35 ans et prenait la poussière dans les armoires de l’Inner Space (le premier nom de Can) Studio à Weilerswist, près de Cologne. Tout le monde le sait: on retrouve toujours plein de trucs dans les déménagements… Lorsque les bâtiments furent démantelés pour entrer au Rock’n’pop Museum de Gronau, ressuscitèrent ainsi 50 heures de bandes inédites enregistrées par les Allemands de Can entre 1968 et 1977.

La plupart de ces prétendus trésors exhumés vendus dans des beaux paquets ne sont que des démos pourries et des jams indigestes. Il en va tout autrement avec ces hallucinantes et hallucinées Lost Tapes. Vendu à prix très démocratique (29 euros et il y a un beau livret qui va avec), le coffret renferme trois disques, trente morceaux qui soulignent toute l’influence et l’importance de ce groupe allemand pionnier du krautrock. Car sans Can, l’histoire de la musique, qu’elle soit rock, pop, post punk ou électronique (même Kanye West l’a samplé), aurait un autre visage.

Can jouait beaucoup et Can enregistrait tout. Il construisait d’ailleurs ses chansons sur base d’improvisations très libres retravaillées ensuite en studio… Très peu de choses ont survécu. A cause du prix des bandes certes. Mais aussi de cette volonté irrépressible d’aller de l’avant qui l’habitait.

Les Lost Tapes donc, ce sont en gros un best of d’inédits. La crème de la crème de ce qui n’était jamais sorti. Et ce qu’il y a de plus dingue avec ces enregistrements, c’est qu’ils ont 40 berges et qu’ils semblent venus du futur. Modernes. Audacieux. Ces chipotages expérimentaux, longs trips psychédéliques, à la fois planants et tendus, apaisants et nerveux, font office d’efficace hypnose sonore. Par où attaquer l’£uvre déterrée d’Holger Czukay, Irmin Schmidt, Jaki Liebezeit et Michael Karoli? Par le début. Les 10 minutes de Waiting for the Streetcar feront l’affaire. Elles sont une parfaite introduction à cette musique répétitive, obsédante et droguée associant des éléments du jazz et de la musique contemporaine au psychédélisme d’un Velvet. Yes, you Can.

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