Bottle it In, un Kurt Vile grand cru

"The Violators assist this Pretty Pimpin in his foul work." Un musicien devenu une question du jeu télé américain Jeopardy! a forcément réussi sa vie... © JO MCCAUGHEY
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Fleuron encore trentenaire d’une scène qui aime Dylan, la country et la poussière, Kurt Vile met avec Bottle It In l’Amérique en bouteille. Rencontre.

« Oui« , « non » et réponses convenues marmonnées du bout des lèvres. Le tout affalé sur une banquette d’hôtel. La dernière fois qu’on avait tapé la causette, Kurt Vile avait l’air lassé, blasé, crevé. Au bout du rouleau. Au bord du burn out. Dans les bureaux parisiens de son label, le grand chevelu en est presque gêné et a retrouvé sa coolitude légendaire. Une coolitude de slacker qu’il n’est pas vraiment. « Il y a une partie de moi qui est très peinarde. Mais je peux aussi être vraiment stressé. Peu de gens le voient. Sans doute seulement ma femme et mes enfants. Je reviens de deux semaines de vacances. J’en avais vraiment besoin. Regarder le calendrier me rend déjà nerveux. Tu vois tout ton agenda qui se remplit avant même que le disque soit sorti. » Tandis qu’on lui amène de l’eau, le guitar hero ouvre une mallette remplie de petites fioles. « Tu connais l’ayurveda (une forme de médecine traditionnelle originaire d’Inde, NDLR)? Ce sont des plantes naturelles. Ça me calme quand je dois prendre l’avion… Je suis un peu anxieux dans les airs. Ce qui me fait généralement picoler. Mais là, je n’ai plus bu d’alcool depuis deux semaines. Ce qui est relativement beaucoup pour moi. Je sentais que je devais me calmer. Parce que quand je commence, je descends une bière en cinq secondes. Là, j’ai quelques Valium. Avec la musique dans le casque, ce devrait être relax. »

Celui qu’on prenait pour le roi de la décontraction se sent mal à l’aise en avion… D’autant plus cocasse que l’ami Kurt Vile est un globe-trotter et a enregistré son album Bottle It In aux quatre coins des États-Unis. « Je ne suis pas entré en studio en me coupant de tout pour faire un disque. Je l’ai fabriqué tout en vivant ma vie. » Pour certaines sessions, le bourlingueur a même embarqué sa famille. « Elle m’a par exemple retrouvé à la fin d’un enregistrement dans le désert californien. On a roulé jusque l’Arizona, le Nouveau-Mexique et le Texas. Et ça s’est terminé dans le ranch de Willie Nelson où j’ai donné un concert. Je le respecte beaucoup même si je n’aime pas toute sa discographie. Ça m’a vraiment inspiré. Puis je suis directement parti en studio dans le Connecticut. Une autre fois, ma femme et mes enfants m’ont rejoint à La Nouvelle-Orléans où je terminais une tournée. De là, on est partis dans le Mississippi et à Memphis, Tennessee. On a été chez Sun Records. Et ensuite, on est partis sur Nashville où j’ai un peu enregistré. »

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Sweet country…

Les voyages forment la jeunesse, dit-on. Mais Vile s’est avant tout laissé guider par les gens avec qui il tenait à travailler. Rob Schnapf et Shawn Everett à Los Angeles, Peter Katis à Bridgeport… « C’est moins lié à la géographie ou aux studios qu’à l’humain. Ce n’était pas tant être quelque part qu’être avec quelqu’un. En termes de logistique, c’était assez pratique. »

Avec Kevin Morby, Kurt Vile incarne depuis quelques années la dernière génération dorée du singing/songwriting au pays de l’oncle Sam. Le son, les chansons… Tout y est. « Je ne me sens pas fortement américain. Mais j’en suis un. Je suis même un homme blanc américain. C’est sans doute la pire chose dans le monde à l’heure actuelle puisqu’on vit sur la pathétique planète de Donald Trump. Et en même temps, c’est ce que je suis. » Vile a ainsi été profondément marqué par la musique états-unienne. « Et la plupart de mes héros sont des Blancs… Bien sûr, j’aime Coltrane. Sur mes derniers disques, j’étais inspiré par pas mal de musiciens de jazz afro-américains. Il y a aussi eu les Charley Patton, Mississippi John Hurt. Des femmes comme Joni Mitchell et Stevie Nicks… Mais ces temps-ci, ma plus grosse influence, ce sont des musiciens blancs de country. En espérant qu’ils ne soient pas trop racistes. Parce que tu ne sais jamais… »

Bottle it In, un Kurt Vile grand cru

Vile a grandi avec le bluegrass, la vieille musique américaine et la country basique à la Hank Williams. Mais pour l’instant ses héros s’appellent Waylon Jennings, Billy Joe Shaver. « Ça a commencé avec George Jones, Jimmie Rodgers, Townes Van Zandt… J’aime aussi beaucoup John Prine. « Hey man, there’s a hole in daddy’s arm where all the money goes » sur la chanson Cot Shoot Cop de Spiritualized par exemple, c’est un emprunt à John Prine… »

Vile partage son amour pour Badlands et Apocalypse Now, son obsession pour Danny McBride (Vice Principals) et son goût pour l’humour américain de fumeur de pétard (Pinneaple Express). Pour l’instant, le mec de Philadelphie regarde Glow. Il apprécie la drôlerie de Marc Maron et encense Kevin Gorrigan qui joue dans le clip de son single Loading Zones (avec le leader de Pissed Jeans Matt Korvette)… « Ça parle d’une méthode que j’avais pour me garer gratuitement en ville. Bougeant d’un emplacement à l’autre. T’es comme un serpent qui se faufile dans les rues avec sa bagnole… Philadelphie se gentrifie. D’ailleurs, on a déménagé dans une maison un peu à l’écart du centre urbain, près des bois. J’ai écrit cette chanson quand il était encore possible de se parquer. Mais aujourd’hui… »

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Vile a passé plus de deux ans sur son nouveau disque. « Ça n’a pas pris particulièrement beaucoup de temps. Mais entre les concerts, le projet avec Courtney Barnett, un autre avec des musiciens et des producteurs de Nashville qui devrait déboucher sur quelque chose (j’espère), j’ai finalement eu le luxe de le terminer calmement. »

Sur l’immédiat et remarquable Bottle It In qui le voit s’essayer à de drôles de claviers et synthés (« j’utilise toujours les choses de manière peu orthodoxe; c’est de la faute de mes doigts; ils sont un peu bizarres »), Kurt a embauché ses Violators, Cass McCombs, les filles de Lucius (choristes de Roger Waters), Joe Kennedy ou encore Kim Gordon… « Joe joue du clavier avec Ariel Pink. Ça a l’air d’être le plus normal du groupe. C’est un super musicien. Quant à Kim, je l’ai croisée à Los Angeles lors d’un concert de Steve Gunn et elle m’a dit: fais-moi signe si tu as besoin. » Il rêvait aussi du saxophone de PJ Harvey. « L’ancien Bad Seeds Mick Harvey m’a dit qu’elle était fan de mes deux derniers disques. Qui sait? Peut-être la prochaine fois… »

Kurt Vile, Bottle It In, distribué par Matador. ****

Le 30/10 à l’Ancienne Belgique.

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