Critique | Musique

Betty Wright and the Roots – Betty Wright: The Movie

SOUL | Ayant commis un 1er album à l’âge de 14 ans, Betty Wright concocte aujourd’hui un délice old-soul parfumé avec la complicité des Roots et quelques baveurs hip hop.

Betty Wright and the Roots, Betty Wright: The Movie, distribué par Bertus. ****
Écouter l’album sur Spotify.

Dans son édition du 20 janvier, Focus analysait le Passé recomposé de la culture rock -tous styles confondus- tendant à la rétromanie galopante, peinant à dépasser le recyclage des glorieuses 50’s-70’s. Une autre hypothèse, effleurée dans le papier de L. Hoebrechts, pourrait être celle-ci: si on ne fait que réingurgiter l’antan rock, soul, rap ou électronique, ne serait-ce pas simplement parce qu’il est qualitativement meilleur? Si la notion de musiques « supérieures » à d’autres est un concept intellectuellement douteux, intervient pourtant la justesse d’un propos et son rôle dans l’époque qui la propage. Ou pas. Ce (long) préambule vise le 1er album de la chanteuse Betty Wright en 10 ans. Entretemps, en 2005, le fils de 21 ans de cette vocaliste exceptionnelle s’est fait dessouder à Opa-locka pas loin de Miami, l’endroit au plus haut taux de crimes des Etats-Unis (…): c’est sans doute le plus notable fait gangsta de la carrière de la Floridienne, née en 1953. Même si sur ce disque, elle invite Snoop Dogg et Lil Wayne. Contrairement à la majorité des albums afro-américains en rotation, Betty ne se laisse pas vampiriser par les duos pollueurs -Joss Stone passe aussi par là-, simplement parce qu’elle les éponge par sa voix, sa classe, la continuité organique de sa présence (Grapes On A Vine). Betty n’est jamais esclave de ses invités, ce qui est salvateur dans une époque masquant ses indigences via la boulimie.

Chakra black

Voilà le principal argument de ce disque: il s’écoute de bout en bout, avec gourmandise mais sans la grimace qui ponctue la découverte de 90% de la production actuelle, où beaucoup suent même à constituer un 35 minutes sans remplissage. Là, Betty et ses amis font bouillir le chrono: 14 chansons et 77 minutes 46 secondes de bonne musique, âpre, rauque et terrienne. Gluante comme du riz laotien et éclairée à la Manhattan vu de Brooklyn. Bonne au sens où elle peut être de n’importe quel moment -même si on pense forcément aux seventies- et qu’elle fait juter des mélodies ouvertement sensuelles. Il y a donc du chakra black dans cette aventure, du point de croix broutant le karma, bref, un ingrédient flambant la simple recette oecuménique, genre la « quinqua chaude » rencontrant les hipsters de Philadelphie. Alors, on aurait voulu être en studio et voir Betty et les Roots -co-auteurs de l’album- pour comprendre cette chimie qui fait du bien. Sorti à l’automne en Amérique, le disque n’a pas vraiment été un carton, mais a néanmoins caramélisé quelques listes des disques remarquables de 2011. Alors oui, on se demande parfois si cette sonorité délicieuse, à la fois passée et indémodable, n’est pas le propre de la femme noire qui, peut-être l’a-t-on déjà dit, semble bien être l’avenir de l’homme…

Philippe Cornet

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