
Beirut, Jeanne Cherhal, Esinam, The Feather, MIEN: on écoute quoi, cette semaine?
A côté de Beirut en mode circassien, des escapades psyché de MIEN ou de la chanson supérieure de Jeanne Cherhal, on a aussi tendu une oreille au nouvel album de la Bruxelloise Esinam, en duo avec le Sud-Africain Sibusile Xaba , et à celui du Liégeois The Feather
1. Beirut – A Study of Losses
En octobre 2023, à la sortie de Hadsel, le sixième album studio de Beirut, conçu sur une île norvégienne du même nom, Zach Condon, au bout du rouleau, annonçait arrêter les concerts, en finir avec les tournées. Il s’épanchait même sur ses éternels problèmes de santé difficilement compatibles avec la vie sur la route. Un an et demi plus tard à peine, l’Américain s’apprête à enchaîner deux prestations au Cirque royal et vient déjà de sortir son nouveau disque. Le plus long, le plus imposant. Dix-huit titres, onze chansons et sept morceaux instrumentaux, pour plus de 57 minutes de musique.
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A Study of Losses a au départ été composé pour un cirque contemporain suédois (Kompani Giraff) et est adapté d’Inventaire des choses perdues, un roman allemand signé Judith Schalansky, qui évoque la disparition de réalités aussi diverses qu’une île engloutie dans un séisme ou un film de Murnau. Le bouquin et sa déclinaison circassienne parlent de la perte, du deuil et de l’impermanence de tout ce que nous connaissons. «Des espèces animales éteintes aux trésors architecturaux et littéraires perdus, en passant par des concepts plus abstraits de perte due au processus de vieillissement.» Ils réfléchissent aussi sur ce qu’il reste de ces choses disparues: leurs traces, leurs échos et le vide qu’elles laissent derrière elles.
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L’écrin sonore créé par Condon pour des acrobates est à la fois inattendu et familier. Tantôt intimiste, tantôt plein de souffle. Parfois virevoltant, toujours aérien. A Study of Losses renvoie à Gulag Orkestar, trippe dans la nature et s’aventure comme jamais avec Guericke’s Unicorn du côté du tube synth pop des années 1980. Il n’en sonne pas moins comme un véritable album que Condon compare dans sa diversité au 69 Love Songs des Magnetic Fields. Un nouveau souffle? ● J.B.
Distribué par Pompeii Recordings/City Slang/Konkurrent. Les 5 et 6 mai au Cirque Royal, à Bruxelles.
La cote de Focus : 3,5/5
2. Esinam & Sibusile Xaba – Healing Voices
Longtemps, Esinam a bougé en solo –pour tout bagage, sa flûte traversière, un clavier, des loops. Pas besoin forcément de plus pour embarquer dans son trip afro-jazz-tronica. Au fil du temps, la Bruxelloise, métisse belgo-ghanéenne, a appris à s’entourer. Sur son premier album, Shapes in Twilights of Infinity, sorti en 2021, elle collaborait notamment avec Martin Méreau (batteur au sein de Echt!) ou le guitariste Pablo Casella. En toute fin de disque, sur le titre Flowing River, la multi-instrumentiste officiait également en duo avec le chanteur/guitariste sud-Africain Sibusile Xaba. Ce qui ne devait être qu’un one-shot à distance s’est transformé entre-temps en un véritable échange.
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Après s’être rejoints à la première édition sud-africaine du festival Womad –encore et toujours La Mecque de ce qu’on a pu appeler les «musiques du monde»–, ils ont commencé à enregistrer ensemble, entre une tournée commune ou une résidence au Mozambique. Le résultat s’intitule Healing Voices. Pour illustrer la positivité revendiquée du titre, le binôme a imaginé un disque foisonnant aux couleurs africaines plus appuyées, entre highlife (Ready To Love), congotronica (Yema) et idiomes zulu (les influences du maskandi, forme folk chère à Sibusile Xaba). Une vraie réussite. ● L.H.
Distribué par W.E.R.F. Le 24 mai aux Nuits Bota, à Bruxelles, le 25 mai au Musik Marathon, à Eupen, le 9 juin au Jazz Middelheim, à Anvers.
La cote de Focus : 4/5
3. Jeanne Cherhal – Jeanne
OK, ce n’est pas encore avec ce septième album que Jeanne Cherhal s’éloignera d’un paysage chanson seventies qui lui colle décidément au piano. Mais pourquoi changer de voie, quand celle qu’elle a tracée patiemment depuis plus de 20 ans reste assez unique dans le paysage hexagonal ? Personne ne chante en effet la condition féminine comme Jeanne Cherhal. Désormais sans label, mais épaulée par Benjamin Biolay à la production, l’autrice-compositrice évoque ainsi pêle-mêle les tempêtes amoureuses (Foutue), les plaisirs solitaires (Hitachi Magic Wand), la fin de la tyrannie des règles (et le début de la ménopause sur La marée), les antidépresseurs (La vie est trop courte) ou les violences sexistes et sexuelles (Le cri des loups, se terminant par une citation de Macron sur Gérard Depardieu). Avec toujours une pertinence mélodique et une justesse du propos qui font immanquablement mouche. ● L.H.
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Distribution Décibels
La cote de Focus : 3,5/5
4. The Feather – BB
Thomas Médard n’arrête décidément jamais. Membre fondateur de Dan San, il a enchaîné avec son groupe les albums Grand Salon (2023) et Suite (2024), avant de collaborer avec l’Orchestre philharmonique royal de Liège pour le projet Falaise (qui fera l’objet d’un live). On l’a vu également se joindre au casting d’Oootoko, groupe XXL de 19 musiciens monté par son camarade Damien Chierici. Et publier un premier livre jeunesse – L’étrange collection de Mamita, illustré par Lisbeth Renardy. Il relance aujourd’hui The Feather, son projet solo démarré dès 2013, avec l’album Invisible, et poursuivi avec Room en 2020.
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L’été dernier déjà, le Liégeois se remettait en selle avec une reprise du Missing d’Everything But The Girl, fameux tube nineties dont le remix poussera ses auteurs à davantage explorer les sonorités dance électronique. Avec son nouveau BB, The Feather n’en est pas encore là. S’il ne déroule aucun beat house, l’album développe cependant une certaine idée du groove domestique. Synthés FM scintillants à la Tame Impala (See You Again), mélodies pastel à la Erlend Oye (OMG), The Feather cultive un certain charme cocooning. Le morceau BB évoque ainsi les joies et épreuves du couple au quotidien (avec Thomas Hedlund à la batterie, vu chez Phoenix), tandis que You And I creuse la romance sur une basse élastique. De son côté, Always You évoque l’amour d’un père pour sa fille, plus très loin d’une comptine blue-eyed soul, piquée d’un solo de guitare frémissant. Très réussi, le titre est en outre le premier que le Liégeois a envoyé à l’Américain Chris Taylor, membre éminent de Grizzly Bear, qui a pris en main la production de BB. Un disque qui, sans jamais se monter du col, sait comment s’y prendre pour trousser des chansons indie pop graciles et élégantes. ● L.H.
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Distribution Polymoon. En concert le 22/5 au Reflektor (Liège)
La cote de Focus : 3,5/5
5. MIEN – MIEEN
Au printemps 2018 apparaissait MIEN. Un supergroupe psychédélique au casting relativement ronflant puisqu’il réunissait Alex Maas, le leader de Black Angels, Rishi Dhir d’Elephant Stone, John-Mark Lapham de The Earlies et last but not least Tom Furse Cowan, le claviériste de The Horrors. Sept ans et une pandémie plus tard, le projet transfrontalier semblait mort et enterré. Un MIEN vaut mieux que deux tu l’auras… Et pourtant. Le voilà aujourd’hui de retour avec un line-up aménagé (Furs s’est fait remplacer par Rob Kidd du Golden Dawn Arkestra) et un deuxième album assez irrésistible qui s’amuse pendant trois quarts d’heure avec le psychédélisme. Un petit côté Osees/Black Angels/kraut par-ci (Evil People), le Velvet qui rencontrerait Orchestral Manoeuvres in the Dark et évoquerait le dernier Suuns par-là (Mirror). Alors que les supergroupes sonnent souvent comme de petites récréations et se limitent régulièrement à des boeufs insignifiant entre potes, le deuxième MIEN séduira ceux qui lui prêteront attention. ● J.B.
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Distribué par Fuzz Club.
La cote de Focus : 4/5
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