ascendant vierge : « Bizarre, nous ? On n’est pas bizarre. On est contemporain »

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Un an à peine après son premier album, ascendant vierge, le duo composé par Mathilde Fernandez et Paul Seul présente Le plus grand spectacle de la Terre. Une revue électro-gothique à haut BPM, remplie de cascades vocales ébouriffantes.

ascendant vierge, le duo composé par Mathilde Fernandez et Paul Seul, fait-il une musique de niche ? En tout cas, elle ne fait rien pour ressembler un tant soit peu à ce qui fonctionne aujourd’hui dans les classements de vente. Et pourtant, elle réussit à toucher de plus en plus de monde. Après leur tube underground Influenceur – sorti en 2020, en plein covid -, puis leur premier album Une nouvelle chance, publié l’an dernier, le binôme a lâché Le plus grand spectacle de la Terre. Avec en ligne de mire, un premier Zenith parisien complet, ce 30 novembre.

Pour l’occasion, ascendant vierge a donné une dimension encore plus théâtrale à sa musique. Tout en préservant la sauvagerie d’une musique mutante au BPM tournant fou. Techno tapageuse, pop extrême, montée trance, chevauchée opératique : ascendant vierge est intense. Explications avec les intéressés.   

La pochette de Le grand spectacle de la Terre est une photo en noir et blanc. L’album est aussi accompagné de toute une série de visuels qui rappellent l’univers cinématographique de Méliès ou Fritz Lang. Très loin en tout cas d’une certaine image « futuriste » que l’on peut avoir de vous et votre musique

Paul Seul : C’était l’idée. On a réalisé le shooting photo très en amont, et cela a un peu donné le ton pour tout le reste. Avec en effet, l’envie de rompre franchement avec l’esthétique post-Internet, cyberpunk, etc., qui est devenue très à la mode. Après 6 ans d’activité, on voulait un peu s’en distancier.  

Mathilde Fernandez :  Et puis, des shootings à deux, on en a beaucoup fait. C’est bien d’essayer des choses différentes à chaque fois. Ici, on est par exemple connectés par le… menton, ce qui est assez curieux pour être relevé (sourire). J’avais également des références comme les films de Guy Maddin, que j’ai découvert il n’y a pas si longtemps. C’est un réalisateur canadien proche de la vidéo expérimentale, de l’art contemporain. Il tourne uniquement avec des systèmes très anciens, en reprenant des techniques d’époque.

J’ai vu par exemple The Saddest Music In The World, qui est en noir et blanc, avec une esthétique très expressionniste, pour lequel il a utilisé des procédés chimiques des années 30, etc. Sans vouloir faire de copier-coller, cela nous a pas mal influencés. Cela, et tout le mouvement Bauhaus, etc. Mais en essayant à chaque fois de trouver malgré tout de la contemporanéité dans ce qu’on proposait.

P.S. : C’est aussi très agréable de travailler sur trois niveaux différents. La musique, l’image, et puis le spectacle qui y est lié, avec la date au Zenith, à Paris…

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Donc on parle bien de « spectacle », et pas de concert. Cela change quoi ?

M.F. : On a toujours présenté nos concerts comme cela. Cela tient au fait notamment que je viens de la mise en scène. On ne peut pas se passer de cette dimension-là.  

P.S. : Avec ce titre d’album, et en prévoyant une date au Zenith, c’était aussi un peu une manière de « s’obliger ». Faut y aller, quoi. C’est un challenge qu’on se met. Surtout pour moi qui viens d’un univers où je me suis longtemps retrouvé à mixer en club dans le noir (sourire). L’envie ici, c’est vraiment de monter d’un cran, d’arriver avec un vrai show. En terme de scéno, on utilise toute une série d’outils qui se rapportent presque plus à l’opéra qu’au concert.

M.F. : Le fait d’intituler notre album Le plus grand spectacle de la terre est à la fois très mégalo et en même temps un peu « artisanal ». Il y a un côté enfantin. Quelque part, on se voit un peu comme deux enfants qui filent dans leur chambre pour préparer toute une pièce avec leurs meilleurs jouets avant de la présenter aux adultes (sourire). C’est un peu comme ça que l’on conçoit le concept du show.

Est-ce que cette scénographie plus poussée change également quelque chose dans le rapport au public ? Vous avez la réputation de donner des concerts très « physiques »…

M.F. : Cela tient au fait qu’en live, le côté musique de club ressort encore un peu plus. Or, par essence, c’est une musique qui va être vécue de manière très « physique ». Elle est là pour faire bouger les corps, elle a un côté très désinhibant. Et en même temps, dans notre musique, il y a aussi la facette plus « chanson française », avec une structure relativement classique couplet-refrain. Ce qui donne un côté chorale, presque karaoke quand on reprend tous les paroles ensemble. C’est un vrai moment de symbiose. Donc les gens qui viennent nous voir, dansent et chantent en même temps. Et quand ils ressortent de là, ils sont vidés. Et heureux. Rien ne peut nous faire plus plaisir.

Le plus grand spectacle de la Terre arrive à peine un an après Une nouvelle chance. C’est rapide.

P.S. : C’est surtout qu’ Une nouvelle chance avait pris beaucoup de temps, notamment à cause du covid. Cela a pu être douloureux à certains moments. Ici on a voulu aller plus rapidement, le faire exister plus vite. D’autant plus qu’on avait déjà écrit une partie de la matière. Et puis, des morceaux, j’en envoie tout le temps à Mathilde…

M.F. : Raconte l’anecdote sur Lotus Noir, par exemple

P.S. : C’était à l’époque de la sortie d’Une nouvelle chance. C’était assez dense. Il y avait eu une première date de concert à Reims, avant d’enchaîner avec pas mal de promo, puis deux jours plus tard les concerts au Trianon pour la release. Entre les deux, j’avais calé encore un DJ set en solo, en Suisse. Sauf qu’en revenant, je me suis rendu compte que je n’avais pas mes clés. J’avais juste celle du studio. Du coup, en attendant de pouvoir rentrer chez moi, j’ai été au studio bosser sur des nouveaux morceaux. C’est comme ça qu’est né Lotus Noir

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Précisément, que raconte ce morceau ? Le titre fait bien référence à la carte la plus emblématique du jeu Magic ?  

M.F. : Oui, c’est ça. J’ai beaucoup d’amis qui sont là-dedans, dans les jeux de rôles, etc. Personnellement, je ne joue pas du tout, je n’ai pas la patience. Mais j’adore cet univers, et en général tout ce qui se rapporte à l’heroic fantasy, les univers médiévaux – j’ai été une grande gothique durant mon adolescence (sourire).

En l’occurrence, ce morceau parle d’un personnage traqué, qui réussit à s’échapper en partant dans un délire un peu mégalo. Ce qu’on appelle le main character syndrome : l’impression que tout tourne autour de soi, ce qui peut vite amener à développer des pensées complotistes, etc. J’aime bien aussi le présenter comme l’effet captagon, qui est la drogue que prennent les kamikazes… Donc c’est un personnage qui a ses propres codes. Il a une vision du réel altérée par les jeux vidéos, des jeux de cartes, etc. Et en même temps, c’est ce qui lui permet d’échapper à la traque…  

ascendant vierge fait une musique qui peut être très « sauvage » avec des textes en même temps fort « écrits ». Comment amener l’un sans compromettre l’autre ?

P.S. : Ce sont des vraies questions, qu’on se pose tout le temps. Il faut réussir à se faire de la place, et ne pas essayer de tout dire en même temps. Cela passe par la mise en son notamment, pour faire en sorte qu’au niveau des fréquences, la voix de Mathilde passe, tout en faisant en sorte que les kicks percutent comme dans un club. Mais c’est ce qui rend la tâche passionnante. C’est un vrai travail de dentelle. C’est pour cela qu’on travaille aussi avec quelqu’un comme Geoff Swann pour le mix, qui a bossé sur des disques de Charli XCX, Caroline Polachek, etc.   

Aujourd’hui, vous remplissez des Zenith. C’est quoi, votre rapport au mainstream ? Est-ce que c’est un « endroit » qui vous tente ?

P.S. : On a toujours souhaité intégrer le grand public. En tout cas, quand tu fais de la musique, je trouve que c’est de la fausse modestie que de dire que tu veux rester à jouer dans ta cave. Après, le mainstream, il faudrait déjà pouvoir le définir… Je constate juste qu’on tourne à l’international, qu’on remplit des grosses salles, etc. Mais que, malgré cela, il y a encore pas mal de médias qui considèrent que l’on fait une musique de niche ou bizarre.  

Et en même temps, vous êtes bizarre ?

P.S. : Mais c’est une bizarrerie dans le mainstream.

M.F. : Je ne crois pas qu’on soit vraiment bizarre. Où trouves-tu qu’on est bizarre ? On est contemporain.

Mais pour un tas de gens, ascendant vierge est quand même un projet complètement alien

M.F. : Oui, OK, je vois ce que tu veux dire. Mais il y a toujours eu des groupes un peu à part dans l’histoire de la musique française. Je ne sais pas comment ils étaient accueillis à l’époque. Mais j’ai l’impression qu’ils avaient quand même plus facilement accès à la télé, à la radio, etc. Prends les Rita Mitsouko par exemple. A certains égards, leur musique était très bizarre. Ou une artiste comme Leila K. C’est vraiment quelqu’un dont j’étais hyper fan. Aujourd’hui, elle a un peu quitté les radars. Mais à l’époque, dans les années 90, elle cartonnait avec une musique et des clips très personnels. Aujourd’hui, on a parfois l’impression que le public a moins d’imagination, et que la norme est celle d’un artiste hyper banal qui apparaît sur les réseaux pour dire « hey salut, allez écouter ma nouvelle chanson ! »…

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