Arooj Aftab est la reine de la nuit dans son nouvel album: «Je raconte des histoires avec plus que des mots»
Après avoir remué la foule de sa voix délicate cet été au festival anversois Live Is Live, Arooj Aftab sera à Bozar pour y défendre son album Night Reign.
Que ceux qui ne la connaissent pas encore écoutent de toute urgence son single Raat ki rani et en regardent le clip. Ils comprendront une grande partie du charme enivrant d’Arooj Aftab qui sera en concert le 16/10 à Bozar. Avec son rythme langoureux et sa voix de velours, le morceau inspire une certaine sérénité nocturne. « Raat ki rani » désigne en ourdou le jasmin de nuit, aussi appelé reine de nuit. Night reign en anglais, comme le titre de son nouvel album. Cette plante fleurit pendant les nuits d’été les plus chaudes, et ses minuscules fleurs blanches ponctuent alors l’obscurité tandis que le parfum entêtant du jasmin imprègne l’atmosphère. Arooj Aftab chante en ourdou, la langue nationale de son pays d’origine, le Pakistan, mais elle n’hésite pas à y glisser un rythme influencé par le maracatu brésilien et à colorer sa voix d’autotune. La tradition et la modernité inextricablement mêlées.
Le clip du morceau, tout aussi doux, présentent deux mannequins qui évoluent entre la langueur distante d’une séance photo en noir et blanc et des fragments colorés d’un rêve éveillé -ou s’agit-il d’un souvenir? Raat ki rani est une chanson qui parle de « quelqu’un dont le charisme et l’aura rayonnent lors d’une merveilleuse soirée dans un jardin« , comme l’explique la chanteuse elle-même
Aujourd’hui, les morceaux d’Arooj Aftab tourne aussi bien sur les radios de musique classique que de pop. Sa musique s’inspire autant du minimalisme contemporain et du jazz que de la poésie classique ourdoue. Enfant -elle a grandi en Arabie saoudite et à Lahore (Pakistan) avant de s’installer aux États-Unis-, elle écoutait autant Billie Holliday que la chanteuse indienne Begum Akhtar. Elle imitait en air guitare Jack White et The Edge, et est devenue virale dans sa jeunesse en reprenant Hallelujah de Leonard Cohen.
Sa carrière a véritablement décollé avec son précédent album, Vulture Prince, l’un des succès surprise de l’année 2021. Avec la ballade Mohabbat, elle est devenue la première femme d’origine pakistanaise à remporter un Grammy, et a même atterri dans la playlist de Barack Obama.
Comment le succès de Vuture Prince a-t-il changé votre quotidien ?
Le plus grand changement, c’est que j’ai pu quitter mon emploi d’ingénieur du son. Ca a donné vie à mes nuits. En tant que musicien à plein temps, vous avez toujours des obligations pendant la journée, mais c’est le soir et la nuit que vous jouez et que vous vous « connectez ». Depuis Vulture Prince, j’ai donné environ 200 concerts par an (sourires). C’est dans ce nouveau rythme chaotique que j’ai trouvé l’inspiration pour Night Reign.
Vous avez récemment déclaré: “La musique du monde est considérée comme quelque chose de très ancré dans la tradition. Moins contemporaine, moins moderne, plus classique. Et ça ne me correspond pas.”
On a une responsabilité quand on est quelqu’un qui crée des changements culturels. Comme Spider-Man.
Qu’est-ce que vous voulez dire par là?
Spider-Man est quelqu’un qui incarne tout à coup quelque chose de nouveau et d’inédit. Dans mon cas, il s’agit de quelqu’un qui propose un nouveau type de musique. Les gens sentent et comprennent que c’est nouveau, mais justement parce que c’est nouveau, les mots leur manquent. Ils se tournent alors vers quelque chose de très familier, quelque chose d’habituel pour le décrire. Mon précédent album, Vulture Prince, était également en partie traditionnel –j’ai utilisé des poèmes anciens, etc. Encore une fois, c’est une musique qui devrait vraiment parler d’elle-même.
Comment décririez-vous votre nouvel album?
Night Reign est un personnage qui vit différentes expériences la nuit, la nuit elle-même étant également un personnage. Comme un chat qui se promènerait à New York, la ville où je vis depuis plus de dix ans, qui ferait la fête, qui se saoulerait, puis chercherait le chemin pour rentrer chez lui.
Vous chantez généralement dans une langue qu’une bonne partie de votre public ne comprend pas, ce qui fait que les gens se connectent à votre musique de manière purement émotionnelle. Comment ça se passe sur scène?
Je raconte des histoires avec plus que des mots. Chaque instrument contribue à cette histoire. C’est très important pour moi. Je serais très triste si les gens n’établissaient pas ce lien simplement parce qu’ils ne comprennent pas les paroles.
Votre musique s’apprécie particulièrement aux petites heures. Vous-même, qu’écoutez-vous pour vous détendre?
Dernièrement, j’ai beaucoup écouté l’album solo de Shabaka Hutchings. Meshell Ndegeocello aussi. Du moins, quand j’ai le temps d’écouter de la musique. Il y a tellement de bonnes choses qui sorte. Il y a encore beaucoup de disques que je dois écouter. Le nouveau St. Vincent, par exemple, et celui de Billie Eilish. Oui, je veux savoir ce que font mes collègues.
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