Critique | Musique

A l’AB, un concert-hommage pour Arno : compte-rendu d’une soirée aussi poignante que festive

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© Ancienne Belgique
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Concert - Arno

Date - 17-06-2023

Salle - Ancienne Belgique

Critique - L.H.

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Samedi soir, l’Ancienne Belgique fêtait Arno, disparu il y a un an. Sur scène, Adamo, Marie-Laure Béraud, Tom Barman, etc. Un hommage émouvant, prolongé ce dimanche soir, toujours à Bruxelles, et les 21 & 22 juin à Ostende.

C’était le 23 avril 2022. Ce jour-là, Arno tirait sa révérence, emporté par le cancer. Un an plus tard, le « plus beau » a droit à un grand concert-hommage. Avant Ostende, les 21 et 22 juin (au Casino), et Paris en automne, la première des cinq soirées prévues – dont toutes les recettes seront reversées à Kom Op Tegen Kanker – avait lieu ce samedi, à Bruxelles. Où ça ? A l’Ancienne Belgique évidemment, son second salon. De nombreux proches étaient présents. A la fois dans le public (on croise Jean-Louis Hennart, le patron de l’Archiduc, le repaire préféré de l’Ostendu). Mais surtout sur scène. Forcément : c’est Arno lui-même qui, peu avant sa mort, a dressé la liste des invités. Ultime attention d’un chanteur qui a tenu à « soigner » son départ, en faux dilettante qu’il était…

Des airs de kermesse

On retrouve donc ceux qui l’ont accompagné sur ses derniers concerts : le fidèle Mirko Banovic (à la basse, faisant office de directeur musical de la soirée), Sam Gysel (batterie) et Bruno Fevery (guitare). Mais aussi les compagnons de route emblématiques comme Ad Cominotto (piano, accordéon), ou Serge Feys (claviers) et Jean-Marie Aerts (guitare), qui ont signé les plus belles heures de TC Matic. C’est d’ailleurs par un morceau du glorieux vaisseau euro-post-punk que l’hommage démarre. Premier invité à se lancer à l’eau, Pieter-Jan De Smet s’empare de Le Java. Sans le côté « vinaigré » de l’original, mais avec une voix dont le timbre rauque colle bien au morceau.

Juste avant que le rideau ne se lève, un écran géant a d’abord diffusé des photos d’Arno sur la plage d’Ostende (signées Danny Willems). Arno dans l’eau, Arno sur la plage, comme tout droit sorti d’un tableau d’Ensor, alors que la sono diffuse les gros rouleaux d’Ostend Dub. A la fin de la séquence, ce message : Vive les moules ! C’est clair, pas question ce soir d’une longue marche funèbre ou d’un tribute trop solennel. Le concert sera festif.

Quand le célèbre acteur flamand Wim Opbrouck débarque, il s’empresse même de donner des airs de grande kermesse à la soirée. Il enchaîne Je veux nager, Tango de la peau, et Vive ma liberté, accéléré et customisé façon ska frénétique. A ce moment-là, les musiciens sont aussi rejoints sur scène par le chorégraphe Wim Vandekeybus et trois autres danseuses : ils reviendront régulièrement tout au long des deux heures de concert, ponctuer les chansons de leurs mouvements saccadés.

Melanie De Biasio adore le noir

Dans une AB remplie à ras bord, Wim Opbrouck a rapidement mis le concert sur les rails. Grâce à sa gouaille ? Ou aussi parce que personne ne chante mieux les chansons en français d’Arno que les… Flamands ? On se pose la question quand Patricia Kaas, amie d’Arno et compagne de Cyril Prieur, son manager historique, reprend Dans mon lit. Avec élégance. Peut-être même un peu trop. Il faut au moins lui reconnaître ce courage : c’est à elle que revient en effet l’impossible tâche de chanter les Yeux de ma mère. Où même sa voix éraillée n’arrive pas à reproduire tout à fait la magie de l’originale…

Marie-Laure Béraud est, elle, davantage en terrain connu. La poétique Hintjens, la chanteuse maîtrise bien. L’ex-compagne d’Arno et mère de ses deux enfants, a d’ailleurs co-écrit Mourir à plusieurs, qu’elle interprète en début de concert. Elle le fait avec un mélange de malice et de pudeur, de légèreté et de classe. Elle revient plus tard, plus touchante encore, pour chanter Il est tombé du ciel. « Je suis celle qui le fait vaciller/Celle qui chancelle sur ses nuits ondulées », sourit la Française, alors que des photos d’elle défilent dans le fond de la scène.

Juste avant, Stijn Meuris a fait un sort à The Parrot Brigade et Ha Ha. TC Matic est encore fêté avec Living On My Instinct, repris par un Stef Kamil Carlens extatique, dansant comme un possédé. De son côté, Tom Barman a été repêcher Die Lie (sur l’album Future Vintage). Il en fait un morceau de… dEUS plus vrai que nature. Roland Van Campenhout est évidemment aussi de la partie. Avec la patronne BJ Scott, le camarade de Charles & Les Lulus assure la partie blues-rock du concert (de Gonna Drink Till I Sink à la reprise de La fille du père Noël).

Mais, samedi soir, celle qui s’accapare sans doute le mieux le répertoire d’Arno est Melanie De Biasio. Dans une semi-pénombre, elle s’attaque à Elle adore le noir, ralenti et étiré pour accentuer encore un peu plus sa patine nocturne un peu louche. Frissons…

En douceur, et profondeur

Malgré tous les efforts des intervenants, un concert-hommage à Arno n’est évidemment pas un concert d’Arno. Manque notamment ses interventions semi-lunaires, semi-comiques, qui, l’air de rien, ont souvent fait le sel de ses shows. Sur scène, Arno savait évidemment faire chauffer son blues côtier comme personne, donner un élan inattendu à ses chansons-bastringue d’amoureux éploré. Mais, entre les morceaux, il réussissait aussi à donner à la soirée des airs de stand-up absurde. Rien de tout ça ici. Ni même de grands discours : à l’AB, les morceaux s’enchaînent les uns aux autres, à grande vitesse.

Même quand Arno réapparaît sur l’écran géant, déplié en toute fin de concert, il reste muet. Filmé en noir et blanc, le chanteur est dans le salon de son appartement, rue Dansaert. Alors qu’il est déjà malade, il danse au ralenti sur Lonesome Gigolo, fixant la caméra, le sourire à la fois doux et bravache. Dans la salle, les gorges se serrent, les yeux se mouillent…

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Pas question pour autant de terminer sur une note larmoyante. Dans la dernière ligne droite, le rappeur Zwangere Guy déboule pour l’hymne Putain Putain, tandis que Stef Kamil Carlens reprend Oh La La La. Mais c’est encore à Salvatore Adamo de clôturer la soirée. D’abord avec Je ne veux pas être grand. Puis, forcément, avec les Filles du bord de mer. Dans les deux langues (principales) du pays, Salvatore explique que c’est grâce à Arno, et sa version kermesse du titre sorti en 1965, qu’aujourd’hui encore, des jeunes viennent le voir en concert. Et le « chanteur de charme » au vocabulaire toujours fleuri, de lancer même un inhabituel « Merci, mon pote ! ». On ne saurait mieux dire…

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