4 albums à écouter d’urgence: Mathieu Boogaerts, Mac Miller, Renato Baccarat & Songhoy Blues

Mathieu Boogaerts, chanteur funambule.
Laurent Hoebrechts Journaliste musique
Julien Broquet Journaliste musique et télé

De la chansons française aussi légère que fragile avec Mathieu Boogaerts, le rap posthume de Mac Miller, la pop brésilienne du Bruxellois d’adoption Renato Baccarat et le blues du désert de Songhoy Blues: voici notre sélection musique de la semaine.

Mathieu Boogaerts: Grand piano

Distribué par Pias.

4/5

P…, 30 ans! Trente ans qu’est sorti Ondulé, le tout premier ovni de Mathieu Boogaerts. C’est en effet en 1995 que le chanteur funambule faisait une petite coupe de printemps à la chanson française. Mélodie en équilibre, refrain dilettante et rythmique chewing-gum: Mathieu Boogaerts se présentait comme le croisement fantasmé entre Alain Souchon et Francis Bebey, Pierre Vassiliu et Paul McCartney. Entre-temps, le bonhomme a tracé sa route dans son coin. Sans connaître le succès retentissant qui lui aurait permis par exemple de remplir des Zénith. Mais avec une constance qui lui a amené une fan base solide, ainsi qu’une reconnaissance du métier –il n’a notamment filé des morceaux à Vanessa Paradis, Camelia Jordana et Zaz.  

Ces derniers temps, Mathieu Boogaerts s’était toutefois fait assez discret. Depuis 2021, et son album (En anglais), son premier dans la langue de Shakespeare, il n’avait plus rien sorti. Pour celui qui expliquait dans ces mêmes pages ne pas aimer «l’idée de déranger», ce n’était pas tout à fait anormal. Mais tout de même, de la discrétion à l’effacement, il n’y a parfois qu’un pas…

Heureusement, voici que déboule Grand piano, neuvième album au titre en partie trompeur. Le désormais quinqua annonce lui-même un disque «épais, puissant, plus de matière, de volume que ses prédécesseurs…» A rebours du minimalisme habituel, la fiche technique annonce ainsi batterie, basses, guitare électrique, piano, synthé, saxophone, flûte, accordéon, chœurs, percussions, etc. Pour autant, on est encore loin du «mur du son». Ou alors, si paroi il y a, elle est en papier translucide, façon shōji japonais.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Remède

Mathieu Boogaerts a beau en effet s’entourer, ses chansons donnent toujours l’impression de tenir à trois fois rien. C’est bien là le tour de magie: réussir à accrocher l’oreille avec des mélodies toujours aussi légères et fragiles, cultivant leur (fausse) naïveté. Des petites miniatures qui, sous leur sourire, ont du mal à planquer leur mélancolie –l’impossibilité de communiquer (le reggae de Pas te dire), les insomnies qui minent le sommeil  («Dormir sur mon chagrin/L’écraser enfin/J’essaie, j’essaie», sur Dormir), les relations qui vacillent (Bancal) ou encore le temps qui passe («Aujourd’hui ça me stresse/car oui, c’est presque fini», sur Ma jeunesse).  Sans pour autant se morfondre ­–«Je me dis quand même que c’est bien l’existence/Même si je sais pas le sens», sur C’est beau la vie.

Mathieu Boogaerts renouvelle ainsi le charme d’une entreprise à nulle autre pareille, à défaut de la réinventer. Pour quoi faire d’ailleurs? La poésie équilibriste des chansons de Mathieu Boogaerts n’a peut-être jamais semblé aussi indispensable, à la fois remède et acte de sédition contre la frénésie de l’époque…

Laurent Hoebrechts

Mac Miller: Balloonerism

Distribué par Warner.

4,5/5

© ANP / ANP Kippa

En 2018, Malcolm James McCormick, alias Mac Miller, décédait d’une overdose accidentelle, après avoir absorbé un cocktail d’alcool, de cocaïne et de fentanyl. Le rappeur était âgé d’à peine 26 ans. Et semblait alors avoir encore une carrière entière à faire atterrir, déjà riche de cinq albums enchaînés entre 2011 et 2018, sans compter les mixtapes et autres projets parallèles ­–dont certains jamais sortis. En 2020, Circles constituait ainsi un premier album posthume. Cinq ans plus tard, sa famille a annoncé l’arrivée d’un deuxième projet, Balloonerism. L’ensemble des morceaux a été produit sur une période de deux ans, entre 2013 et 2015. Une période particulièrement fertile, durant laquelle Mac Miller a enchaîné deux albums (Watching Movies with the Sound Off et GO:OD AM) et pas moins de cinq mixtapes!

Si Mac Miller n’a pas eu l’occasion d’y glisser Balloonerism, le projet était cependant ficelé, et une pochette avait même été imaginée. Pas question donc ici de fond de tiroir, mais bien la preuve que Mac Miller n’avait pas fini d’explorer et d’expérimenter. Entre bravade hip-hop et malaise existentiel –«Am I OK? Fuck no!» sur Do You Have a Destination?-, Mac Miller y agrandit toujours plus son aire de jeu, des coulées d’orgues sur DJ’s Chord Organ (avec SZA) au funk spacy de Friendly Hallucinations, en passant par l’inquiétant Transformations (avec son alter ego Delusional Thomas) ou la longue rêverie finale de Tomorrow Will Never Know.  

La plupart des discographies posthumes servent souvent de simples appendices ou d’épilogues qui n’apportent que rarement une dimension supplémentaire à l’œuvre principale. Dans le cas de Mac Miller, elle vient au contraire remplir les trous d’une trajectoire dont on ne peut que se lamenter qu’elle ait été aussi brève.

Renato Baccarat: Cave

Distribué par Musique Bleu dans Vert.

3/5

Né au Brésil, à São Paulo, Renato Baccarat vit depuis une dizaine d’années à Bruxelles. Il y combine une carrière de musicien et d’illustrateur. Cinq ans après Deselegância Discreta, son nouvel album est d’ailleurs en partie inspiré par la BD Entre chien et loup qu’il a publiée en 2021. Un titre qui convient plutôt bien à la musique de Renato Baccarat.

Biberonnée à la MPB (Música popular brasileira) de Caetano Veloso et Chico Buarque et à l’indie rock anglo-saxon, sa musique est guidée par des mélodies filandreuses. A l’image d’un titre comme Aconchegados et son violoncelle ombrageux, ou Olhos Vermelhos, combinant électricité et flûte guillerette. Cerise sur le gâteau: invité à produire le disque de son compatriote, Lucas Santtana –connu pour ses travaux sur le label No Format!– vient rajouter sa patte, tout en distance poétique.

Songhoy Blues: Héritage

Distribué par Transgressive/Pias.

3,5/5

Originaire de Tombouctou mais formé à Bamako où le chanteur et guitariste Garba Touré s’est exilé il y a une bonne dizaine d’années quand un groupe djihadiste a interdit la cigarette, l’alcool et surtout la musique dans le nord du Mali, Songhoy Blues a tapé dans l’oreille de Damon Albarn et embarqué à bord de la caravane Africa Express. Le groupe a collaboré avec Nick Zinner des Yeah Yeah Yeahs et même signé (ça vaut ce que ça vaut) sur le label du chanteur des Strokes Julian Casablancas.

Après la Résistance et l’Optimisme, il est aujourd’hui question d’Héritage, de nourrir son blues du désert en abreuvant les racines profondes de la musique malienne. Kora, flûte, sokou, calebasse… Le groupe de tous les combats délaisse le rock et les sons lourds de son dernier album en date pour se diriger vers des ambiances plus acoustiques, plus épurées, plus intimes, qui se rapprochent davantage de la musique ethnique que du pogo. Un peu de douceur et de bienveillance malienne dans ce monde de brutes.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content