Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

DOUZE ALBUMS DÉTAILLENT LA CARRIÈRE « PROGRESSISTE » DU GROUPE ANGLAIS: EMPHATIQUE, TARABISCOTÉ, PLANANT, PARFOIS RIDICULE, MAIS QUAND MÊME RECOMMANDÉ.

Yes

Box « The Studio Albums 1969-1987 »

DISTRIBUÉ PAR WARNER.

7

Hormis Emerson, Lake & Palmer, on ne voit pas très bien qui s’est ramassé autant de gamelles et d’insultes que Yes, particulièrement en période punk-new wave où son charabia heroic fantasy de mélomanes péteux semble aussi décalé que Le Seigneur des anneaux en pleine disco extatique. Pourtant, on le confesse d’autant mieux qu’il y a prescription légale, on a aimé certaines bribes de ce prog rock protéiné au chant d’eunuque assouvi de Jon Anderson, les claviers bling bling rejoignant les guitares fascinées par leurs propres arpèges crollés. Lorsque paraît le premier album éponyme de Yes fin juillet 1969, la voie est claire: rompre avec le blues qui baby-sitte alors les 3/4 du rock anglo-saxon et proposer une exhibition qui doit autant à Bach qu’à la virtuosité autoproclamée du jazz. Davantage connu pour ses fantasmes Velvet/Stooges, Lester Bangs écrit alors dans Rolling Stone: « Voilà le genre d’album qui s’insinue parfois dans votre routine avec une poussée totalement inattendue de pouvoir musical. » Autrement dit: cela sonne original -cf. la reprise déviante des Beatles- et toutes ces harmonies vocales comme instrumentales semblent chauffées par des kilomètres de glu cosmique, montant droit à la tête, même sans drogue. Le véritable succès commercial ne vient qu’à la parution du troisième disque –The Yes Album- en février 1971: numéro 4 en Grande-Bretagne, 40 en Amérique où il finit par se vendre à un million d’exemplaires.

Avatar

Bien que soumis à d’incessants changements de musiciens, Yes vit son âge d’or en trois sorties consécutives, de novembre 1971 à décembre 1973: Fragile, Close To The Edge, Tales From Topographic Oceans. Il n’y a pas que les suites trippantes, le mix d’acoustique virginale et de synthés wagnériens ou les concerts dantesques: les pochettes oniriques de Roger Dean signent un visuel fantasmagorique inspirant, bien plus tard, des projets à la Avatar. Si l’underground et la critique internationale raillent à fond le style de Yes, celui-ci n’est jamais aussi populaire qu’à la fin des années 70. Histoire de répéter un vieux scénario connu: le succès opère au pinacle alors que la créativité du sujet s’épuise, entre autres, sous le fric et l’ego. Une seconde carrière, plus pop, surgit pour la bande dans les années 80 -notamment via l’énorme tube Owner of a Lonely Heart- mais sans dissiper l’impression que le « meilleur » est définitivement passé. Ecouter ce box, c’est aussi digérer une classique saga rock, de plaisir des premiers moments et de toutes les boursoufflures ultérieures, suicidant les promesses initiales.

PHILIPPE CORNET

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