Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Meurtre sur le dancefloor – Yeasayer reste toujours aussi foufou mais entend, avec Odd Blood, le démontrer en nous faisant danser. Pour le meilleur et pour le pire.

« Odd Blood »

Distribué par Pias.

C’était encore une de ces injustices crasses. Il y a 3 ans, le grand public était passé à coté d’ All Hour Cymbals, le premier album de Yeasayer, avant de s’emballer quelques mois plus tard pour une version plus pop et gentillette du revival pop world et couronner ses sages voisins de Vampire Weekend. La différence? Quand VW fait monter la sauce pour Contra en diffusant l’énigmatique photo surannée d’une jolie blonde (sa pochette), Yeasayer montre des « messieurs » et des « madames » tout nus qui courent au beau milieu de la nature dans le clip complètement givré de son nouveau single. Quand Ezra Koenig et ses potes bien habillés proposent une resucée bien foutue de leur première plaque, Yeasayer change de trip. Quitte à ne pas toujours nous faire avaler la pilule.  » Nous voulions à tout prix éviter de nous répéter. Emprunter de nouvelles directions, raconte le bassiste Ira Wolf Tuton, le cheveux court, la moustache rasée et la déconnade en bandoulière. Nous avons cherché à enregistrer un album plus dansant. Un album marqué par les productions dance et R’n’B du début des années 90. Nous avons aussi essayé de faire rentrer nos chansons dans un format de 3 minutes 30.  »

Ils l’avouent sans honte. Les membres de Yeasayer passent le plus clair de leur temps à écouter des pop songs et à étudier les raisons de leur immédiateté viscérale.  » Il s’agit souvent d’un beat sur lequel on ressent l’envie de danser. D’un refrain qu’on se surprend à chanter. Ou d’un sentiment qu’on veut sentir nous habiter. Mais c’est aussi et surtout une question d’interprétation. Je déteste le Dave Matthews Band. Mais j’adore la reprise qu’en a signée le prince Willie Nelson. »

Woodstock, le massacre de souris et le batteur de Peter Gabriel

Son deuxième album, Yeasayer est parti l’enregistrer à Woodstock. Ville peuplée par des sexagénaires qui s’habillent dans des robes à fleurs et se prennent pour Merlin l’enchanteur. Ce n’est pas une légende. Beaucoup de hippies sont restés vivre dans la région après le mythique festival organisé en 1969 à Bethel. Wilder, Keating et Tuton n’ont évidemment pas passé leur temps à se promener en quête des gugusses les plus farfelus des Catskills. Ils ont transformé en studio temporaire une maison qui, par le plus grand des hasards, appartenait au batteur de Peter Gabriel. Puis, s’y sont enfermés pour bosser. Quand ils ne s’adonnaient pas à la chasse aux souris – » j’en ai tué davantage qu’il y a de chansons sur l’album » (10 pour la petite histoire) -, les membres de Yeasayer s’arrachaient les cheveux pour faire avancer le schmilblick.

Moins world et tribal que son prédécesseur ethno-pop, Odd Blood c’est un peu le psychédélisme radiophonique pour dancefloor. Le trait d’union (elle ne fait pas toujours la force) entre MGMT et Animal Collective. Un disque futuriste et hédoniste en demi-teinte qui explore encore un peu l’Afrique mais semble aussi aller piocher des sonorités sur le continent asiatique. Si les morceaux ne sont pas toujours du meilleur goût, ils semblent taillés pour rafler la mise dans nos pâtures surpeuplées cet été.

Le 01/03 au Trix (Anvers).

Julien Broquet

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