À 32 ANS À PEINE, LE NEW-YORKAIS JOSH MOND ASSÈNE UN PREMIER LONG MÉTRAGE UPPERCUT SUR LE PASSAGE À L’ÂGE ADULTE. INÉDIT EN SALLE, UN ÉNORME COUP DE CoeUR!

« Ma mère est morte d’un cancer il y a cinq ans. J’étais moi-même un gosse très perturbé quand il s’est agi d’affronter sa maladie, puis sa disparition. Il est plus facile d’enrager que de s’autoriser à ressentir la tristesse au plus profond. Ce film vient d’un endroit à l’intérieur de moi qui a besoin de comprendre et d’accepter cette épreuve que j’ai traversée. Le cinéma a ce pouvoir quasi alchimique de transformer un sentiment négatif en quelque chose de positif. »

Quand on le retrouve à Deauville en septembre dernier, Josh Mond, casquette solidement vissée sur la tête, a le regard franc et pénétrant du type qui n’est pas là pour vendre sa soupe façon produit interchangeable au rayon promo du supermarché du 7e art. Complètement raccord, donc, avec un premier long métrage viscéral qui exsude la sincérité par tous les pores.

Guerrière, la caméra y est rivée aux basques et au visage de James White (formidable et méconnaissable Christopher Abbott, le Charlie de la série Girls), jeune New-Yorkais en colère ne trouvant pas sa place dans le monde frénétique qui l’entoure. Peut-être parce qu’il ne la cherche tout simplement pas, préférant laisser parler la violence et le mal-être qui l’habitent comme des démons gloutons. La perte de son père, d’abord, puis la maladie de sa mère vont pourtant l’obliger peu à peu à assumer davantage ses responsabilités, et surtout à faire le difficile apprentissage de la solitude, soit l’alpha et l’oméga de tout être… « Tous les choix de mise scène que j’ai posés sont censés refléter ce constat, qui est aussi l’état d’esprit de mon personnage: quoi que l’on fasse dans la vie, on est toujours seul avec soi-même. C’est pour ça que la caméra ne lâche jamais le visage de Christopher. Une manière aussi de traduire formellement la frénésie de Big Apple, où l’action semble toujours prendre le pas sur la réflexion. J’aime l’idée de parachuter le spectateur au coeur d’une histoire qui ne l’a pas attendu pour commencer. »

Réalisme décapant

Dès le mitan des années 2000, Mond fonde avec Antonio Campos et Sean Durkin, deux camarades de son école d’art à New York, la société de production Borderline Films. Le principe? Faire des films où les trois compères s’échangeraient tour à tour les casquettes de scénariste, réalisateur et producteur en se serrant les coudes au maximum durant le processus de création. Campos ouvre le bal en 2008 avec le glaçant Afterschool, qui révèle le futur ado malsain de We Need to Talk about Kevin, Ezra Miller, et où Durkin et Mond officient en tant que producteurs. Puis Durkin se fend d’un mémorable Martha Marcy May Marlene trois ans plus tard tandis que, là encore, les deux autres se chargent de produire. La même formule gagnante s’applique aujourd’hui au James White de Mond qui, pour avoir été le dernier à passer derrière la caméra, est sans doute aussi celui qui frappe le plus fort.

Farouche indépendance, réalisme décapant, amour criant de ses acteurs: d’aucuns, en effet, voient déjà en lui l’héritier spirituel d’un John Cassavetes. Portrait sous speed d’un homme-enfant à la vie dissolue violemment confronté à sa tristesse et à ses peurs, son James White est en tout cas de la trempe, peu commune, de ces tsunamis filmiques à même de tout renverser sur leur passage. D’inspiration largement autobiographique, ce récit sans concession d’une ultramoderne hébétude distribue les mandales émotionnelles avec une classe insolente, Mond signant là un film générationnel au flow ravageur. Et qui a le bon goût de ne jamais chercher à être aimable, tendu tout entier vers une justesse et une authenticité affolantes.

Frères de blues

Archiprésente, la musique semble vouloir y couvrir le même spectre prodigue que les émotions brassées par le récit, courant de Billie Holiday ou Ray Charles au groupe James en passant par ASAP Rocky ou Kid Cudi, qui compose spécialement et joue également dans le film… « La musique m’accompagne en permanence, elle est capable d’influer sur mon humeur, de me motiver au quotidien… Quand j’écrivais le scénario du film, je ne pouvais pas m’empêcher d’écouter les disques de Kid Cudi, encore et encore. Tout simplement pour l’énergie qui s’en dégageait. Et puis j’ai commencé à prêter attention aux paroles. Et je me suis rendu compte que ce type parlait de lui d’une manière si honnête… Ça m’a encouragé à continuer à écrire jusqu’au bout. J’entretiens le même genre de rapport avec le jazz et le blues. Ce sont des musiques qui ont le don de commuer la douleur en carburant bénéfique. »

Avec James White, Mond illustre quant à lui avec un talent rare la possibilité de tirer d’une histoire tragiquement personnelle la sève d’une fiction à la portée hyperuniverselle. « J’ai fait ce film pour comprendre certaines choses, mais aussi pour m’ouvrir et rencontrer d’autres personnes. Quand nous l’avons présenté au public à Sundance (James White y a remporté le Prix Révélation en 2015, tout comme à Deauville d’ailleurs, NDLR),la connexion a été tellement forte que, sur le coup, je me suis senti à la fois incroyablement chanceux et terriblement mal à l’aise (sourire). Aujourd’hui, je suis enfin serein avec ce genre de retours. Et j’en profite pleinement. »

JAMES WHITE. DE JOSH MOND. AVEC CHRISTOPHER ABBOTT, CYNTHIA NIXON, KID CUDI. 1 H 28. DIST: SEPTEMBER FILM. DISPONIBLE EN DVD ET VOD.

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RENCONTRE Nicolas Clément, À Deauville

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