Crever l’écran animé – Traquant ses souvenirs enfouis du Liban, Ari Folman signe un documentaire d’animation traduisant l’absurdité de toute guerre.

Documentaire d’animation d’ Ari Folman. Directeur de l’animation: Yoni Goodman. 1 h 30. Sortie: 10/09.Un ami lui ayant fait part de son cauchemar récurrent – chaque nuit, il rêve être poursuivi par une meute de 26 chiens enragés; soit exactement le nombre de chiens qu’il eut à abattre en mission au Liban -, Ari, un metteur en scène israélien, retrouve bientôt, pour la première fois, un souvenir de cette période de sa vie. Une image fugace plutôt, où, jeune militaire, il se baigne avec deux de ses compagnons d’armes dans les eaux de Beyrouth.

Ebranlé, le voilà qui entreprend de remonter le temps pour donner sens à cette image. Et se met à parcourir le monde pour retrouver ses anciens camarades, ces jeunes gens qui, comme lui, étaient engagés vingt-cinq ans plus tôt, au début des années 80, au sein de l’armée israélienne, dans la guerre du Liban. Accumulant les rencontres et les témoignages, il retrace bientôt le fil de son histoire, ravivant, au gré de sa quête introspective, des souvenirs toujours plus précis. Ce faisant, il s’attèle aussi au film d’événements dramatiques – le massacre des camps palestiniens de Sabra et Chatila, perpétré par les Phalangistes, sous les yeux de soldats israéliens rendus aveugles à la tragédie.

De ce cheminement et de la première guerre du Liban, Waltz with Bashir (1) propose donc une vision de l’intérieur, récit à la première personne embrassant toutefois une perspective plus large. Refusant un quelconque glamour pour s’arrêter au quotidien, le film s’érige bientôt en dénonciation éloquente de l’absurdité et l’inutilité de la guerre, de l’inanité de l’action entreprise à ses ravages directs mais encore aux traumatismes qu’elle induit. Nul vainqueur, en effet, sur ce terrain…

Outre son écriture à la première personne et, partant, le regard singulier qu’il porte sur les faits, le film trouve naturellement son originalité dans sa forme, celle – inédite – d’un documentaire d’animation. Etonnant de prime abord, ce choix apparaît à l’autopsie tout à fait judicieux. Confronté à une impossibilité matérielle, Folman se réapproprie en effet habilement le langage du documentaire, s’autorisant diverses audaces aux effets incontestablement libérateurs. Ainsi, son traitement animé rend-il assurément le propos plus accessible, sans qu’il en soit pour autant en rien édulcoré. Tout au plus si la dimension irréelle de la guerre s’en trouve quelque peu soulignée; encore que, suivant un affolant crescendo, le film se fasse toujours plus réaliste, jusqu’à finalement laisser des images d’archives crever l’écran animé.

Terrible conclusion s’attachant, si besoin en était, à prévenir tout éventuel malentendu – ce cauchemar est bel et bien inscrit dans l’Histoire. Personnel, le travail de mémoire effectué par Ari Folman a, dès lors, valeur universelle. Bouleversant film que celui-ci, venu par ailleurs attester, après le formidable Persepolis, de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, qu’il n’est plus guère de champ ne pouvant être exploré par l’animation.

(1) Du nom du président libanais Bashir Gemayel, dirigeant des Forces libanaises, dont les partisans commirent les massacres, en représailles à son assassinat, le 14 septembre 1982.

On lira également une interview d’Ari Folman en pages 14 et 15.

www.valseavecbachir-lefilm.com

Jean-François Pluijgers

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