La mémoire à vif – Saisissant documentaire d’animation, Waltz with Bashir combine voyage introspectif et dénonciation de l’absurdité de toute guerre.

D’ Ari Folman. Directeur de l’animation: Yoni Goodman. 1 h 26. Twin Pics.Un ami lui ayant fait part de son cauchemar récurrent – chaque nuit, il rêve être traqué par une meute de 26 molosses enragés, soit le nombre exact de chiens qu’il eut à tuer en mission au Liban, quelque 25 ans plus tôt -, un réalisateur israélien se remémore, pour la première fois, un souvenir de cette période de sa vie. Une image fugace, où, jeune militaire, il se baigne avec deux compagnons d’armes dans les eaux de Beyrouth.

Ebranlé, Ari se lance à la recherche de ceux qui furent ses camarades lors de la première guerre du Liban, au début des années 80. Un voyage introspectif à la recherche du fil de son histoire. Et le film d’événements dramatiques, qui menèrent au massacre des camps palestiniens de Sabra et Chatila, perpétré par les Phalangistes sous les yeux de soldats israéliens .

Une forme inédite

Sensation du dernier Festival de Cannes – où il fut toutefois oublié du palmarès, au même titre que l’exceptionnel 24 City, de Jia ZhangKe -, Waltz with Bashir est un film étonnant à plus d’un titre. Par le regard qu’il porte sur la guerre, d’abord, envisagée de l’intérieur et à la première personne. Une perspective débouchant toutefois sur une autre, plus vaste, ouvertement et globalement dénonciatrice: c’est aussi l’absurdité et l’inanité de toute guerre, avec ses innombrables ravages, que cible ici l’auteur.

Par sa forme, ensuite, Folman ayant opté pour celle, inédite, du documentaire d’animation. Un temps déroutant, ce choix apparaît bientôt justifié, permettant au film d’échapper à un canevas trop figé, tout en amplifiant la dimension irréelle de la guerre. Le réalisateur se permet ici moult audaces – graphiques ou musicales -, ellipses et ruptures, sans pour autant que son propos soit jamais détourné de l’essentiel: ce cauchemar est bel et bien inscrit dans l’Histoire, des images d’archives ponctuant un affolant crescendo et venant prévenir, si besoin en était, tout éventuel malentendu.

Dans son contexte

Une remarquable édition DVD offre de nombreux prolongements (parmi lesquels les reproductions des premières planches de la BD qu’il a inspirée) à ce film saisissant et bouleversant. De Cannes à l’avant-première israélienne de Sderot, on retrouve Ari Folman commentant son film et les circonstances. Avant, dans un court mais passionnant document sur L’histoire d’un film, de cadrer le propos de Waltz with Bashir, en même temps qu’il en approfondit l’analyse, du choix de l’animation aux différents styles visuels adoptés, jusqu’au surgissement des images d’archives. « Ces 55 secondes replacent le film dans son contexte », observe-t-il; un contexte que viennent encore éclairer une insoutenable séquence du JT d’Antenne 2 au lendemain des massacres de Sabra et Chatila, mais aussi un entretien avec Joseph Bahout, spécialiste de la tragédie libanaise. Un must. l

Jean-François Pluijgers

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