FILS SPIRITUEL DE BERT JANSCH ET DE TIM BUCKLEY, RYLEY WALKER SIGNE AVEC PRIMROSE GREEN UN ALBUM FOLK MERVEILLEUX ET OBSÉDANT AUX EFFLUVES DE WHISKY FRELATÉ SOUS PSYCHOTROPES.

Dans les remerciements de son album, côtoyant les Amen Dunes, Jessica Pratt et autre Kevin Morby avec lesquels il a couru les routes et partagé ses tournées, Ryley Walker rend grâce à tous ceux qui l’ont laissé s’écrouler sur leur canapé et boire leur dernière bière. De quoi renforcer cette image de troubadour moderne qui colle au visuel de Primrose Green, disque de folk aux relents british que ce jeune homme de 25 ans a enregistré avec une bande de jazzmen de Chicago… « Primrose Green n’est ni le nom d’un parc ni celui d’un quartier, sourit le charmant garçon de l’Illinois, assis au bord de la piscine du Radisson, loin du tumulte et du brouhaha ambiant de South By Southwest dont il est l’une des révélations. C’est un cocktail. Deux doses d’un whisky bon marché, le Old Grandad, cinq dollars le litre, dégueulasse. Et une d’eau distillée avec des graines de Morning Glory, une fleur qui te fait triper comme le LSD. Cette mixture te saoule et te retourne la tête en même temps. Mes amis et moi l’avons inventée quand on avait 17 ans. Je n’en bois plus aujourd’hui mais ça évoque une époque de ma vie…  »

Ryley est originaire de Rockford, la deuxième ville de l’Illinois après Chicago. Une métropole de 150 000 habitants où l’ennui et la morosité sont les meilleurs amis du quotidien. « Rockford est un trou à rats. Le résultat de ce qu’on appelle les Reaganomics. Ces conneries des années 80 qui ont mené à la fermeture d’un tas de boîtes. C’est la capitale mondiale de la vis et du boulon. Très Midwest. De son allure à l’accent des gens qui y habitent. Mon père bossait dans une usine. Ma mère dans un magasin d’alimentation. Tout ce qu’il y a de plus middle class. »

Lui, de son propre aveu, s’il n’avait pas eu la musique, il serait sans doute tombé dans la criminalité aujourd’hui. « Je magouillerais avec des cartes de crédit ou que sais-je encore. J’étais un mauvais garçon. En tout cas je n’en étais pas un bon. Je n’ai jamais été méchant. Pas plus que je n’ai blessé qui que ce soit. Disons que j’ai baigné dans le genre d’enroules habituelles quand tu grandis au milieu de la pauvreté et de drôles de fréquentations. La musique et la guitare m’ont occupé. Elles me rendaient heureux.  »

Ryley, qui a reçu sa première gratte à douze ans d’un ami de la famille, est comme Obélix tombé dedans quand il était petit. « Mes parents aiment la musique mais ils n’avaient rien à voir du tout avec son monde. J’ai donc d’abord grandi avec les disques à papa. Les Eagles, Pete Seeger, Jackson Browne. Les merdes typiquement FM de la radio américaine. » Il s’est ensuite intéressé à Led Zep. « Oui, je sais. Le gros cliché des mecs qui s’astiquent le manche. Le stéréotype anglais du guitariste macho. Mais bon, Jimmy Page. » Puis au folk anglais, à Roy Harper, Nick Drake…

Fan de Bert Jansch qui a pour lui changé les règles du jeu, de Tim Hardin dont l’honnêteté lui brise le coeur et du père Buckley, Walker a eu ses périodes Greenwich Village et Laurel Canyon. Il y est même parti en pèlerinage sur les traces des parrains Bob Dylan, Karen Dalton, David Crosby, Joni Mitchell… Il est cependant moins un obsédé de la douceur acoustique qu’un passionné de musique à la curiosité aiguisée… Son éducation, il se l’est d’ailleurs faite sur sa planche à roulettes. « Les premiers mecs que j’ai rencontrés et qui aimaient le même genre de trucs que moi, que ces artistes rendaient dingues aussi d’ailleurs, c’était des skateurs. Mes parents écoutaient les Eagles. Mes nouveaux potes me recommandaient Black Flag. Le skate est important parce qu’il incarne une rupture avec le monde parental. Il a ce côté anti-establishment. Prise de distance avec l’univers de papa et maman. Il a, c’est vrai, une tradition punk mais tu peux, je pense, le lier à toutes les musiques. Tu mets tes écouteurs sur les oreilles et tu t’évades. »

Même s’il est de la génération Internet -« ça aide« -, Ryley a aussi beaucoup arpenté les magasins de disques locaux. « Notamment le Musical Memories qui devait être ouvert environ deux heures un samedi par mois. Il y a toujours un vendeur dans ces endroits qui te prend sous son aile et qui te dit: « Putain mec, tu dois écouter les Small Faces. Quoi tu ne connais pas les Pretty Things? Tu as déjà entendu le premier Pink Floyd au moins? » Tout le monde a besoin de ce genre de guide, je pense. Un type avec lequel tu n’as a priori aucun lien mais qui devient ton mentor.  »

Après avoir écrit une chiée de chansons punk merdiques, joué dans un tas de groupes, pâles copies des Buzzcocks, de Sonic Youth et de Dinosaur Jr, de son propre aveu « tous plus horribles les uns que les autres« , Ryley fait aujourd’hui du folk avec des jazzmen. Terreau de ce splendide Primrose Green construit au rythme de jams et d’improvisations… « Nous vivons une grand époque pour la musique à guitares. Je ne vais pas dire que c’était mauvais ces dix ou douze dernières années mais c’était des trucs de hippie des bois. Wouwou, je suis un freak. C’était de la bonne musique. Je n’ai rien à dire contre Devendra Banhart et tous ces gens. Mais bon, c’était un peu trop « je suis un monstre des forêts. Regarde ma barbe… » Ces musiciens portaient des masques, incarnaient des personnages. On en revient à plus d’honnêteté aujourd’hui. A la primauté des chansons. Fini les merdes de dimanches assoupis. C’est de la boogie ass music du samedi soir… Steve Gunn est brillant. En Belgique, vous avez Ignatz. Il y a tellement de bons guitaristes et songwriters pour l’instant. Que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis d’ailleurs. Je suis heureux de pouvoir vivre tout ça et d’appartenir à cette nouvelle génération. »

PRIMROSE GREEN, DISTRIBUÉ PAR DEADOCEANS/KONKURRENT.

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