Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

CE 14E SOLO BOUCLÉ AVEC NILE RODGERS ET JOHNNY MARR TUTOIE LA MÉLASSE FUNKY-LOUNGE. MAIS ON FINIT PAR DIGÉRER LES GRIGRIS CROONÉS DU QUASI-SEPTUAGÉNAIRE.

Bryan Ferry

« Avonmore »

DISTRIBUÉ PAR PIAS.

6

Début novembre, le NME nous apprend que Roxy Music « est séparé depuis trois ans« .Pas que le groupe monté par Ferry en 1971 ait repris du service: sa dernière tournée remonte à 2011 et l’ultime disque studio, Avalon, à 1982. Ce titre mimétique de l’actuel n’est pas la dernière des réminiscences de Ferry. Ainsi, son portrait de couverture date de toute évidence des seventies, sa décennie magique. Là où il expérimente in vitro les fameux « sept ans de grâce » voulant que, des Stones à Bowie, les artistes majeurs ne retrouvent jamais complètement leur jus initial, ni celui de la première maturité cinglante. C’est tout aussi cruel pour Bryan: entre 1972 et 1979, le chanteur élégant enregistre six albums avec Roxy Music et cinq solos, soit un 33 Tours tous les sept mois et demi. Résultat: un costard starisé pour l’éternité.

Désinfection intégrale

Avonmore donne l’impression d’être la suite rassurante de ce que Ferry accomplit en solo depuis des lustres: sans le charme désuet du précédent, l’instrumental The Jazz Age de 2012,ou la pulpe vintage de ses disques de reprises majeures, These Foolish Things (octobre 1973) et Another Time, Another Place (juillet 1974). Ici, Ferry chevauche une shampouineuse vorace, attirant le disque dans un brushing de guitares, rythmiques, claviers, choeurs et tempo à la Slave To Love, volontiers poussé jusqu’à l’auto-parodie clinique (Lost).Option désinfection intégrale, rien ne dépasse. La voix toujours précieuse du maître, survolant la plèbe instrumentale, emprunte des tonalités suaves d’hôtesse aéroportée. Cette non-soul où l’on identifie le tchik-a-boum caractéristique de Nile Rodgers (davantage que celui de Marr) demande bien trois écoutes et autant de décantations optimistes avant de pouvoir noter des chansons signifiantes. Pas forcément le bon terme puisque le vernis de Ferry, ses glissandos et préciosités n’ont d’autre ambition que le plaisir. Mélopées de Viagra sentimental au mieux lorsque le morceau ralentit et se détache du cocon lounge pour honorables membres de la Nomenklatura. C’est le cas de Soldier of Fortune, certes gluant, mais dont le slow tempo se rapproche agréablement du blues: accrocheur, tout comme la reprise d’un sublime titre de Stephen Sondheim (Send In The Clowns).Le meilleur moment de ce curieux disque bancal qu’on a du mal à détester est la version -lente elle aussi- du Johnny and Mary de Robert Palmer, longtemps considéré comme un Ferry de série B. C’est tout dire de l’inspiration actuelle de Bryan, qui consiste à revisiter le répertoire de ses anciens sous-fifres.

LES PROCHAINS CONCERTS DE FERRY AU CIRQUE ROYAL ET À L’ANCIENNE BELGIQUE SONT COMPLETS.

PHILIPPE CORNET

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