C’était en février 1997. En prélude à la ressortie du film en salles, Vertigo était présenté à la Berlinale dans une version restaurée qui lui restituait sa splendeur d’origine. L’occasion, pour Kim Novak, étincelante dans le double rôle de Madeleine Ester et Judy Barton (une interprétation dont François Truffaut devait écrire « Rarement a-t-on vu actrice plus charnelle à l’écran »), de revenir sur l’une des grandes aventures de sa vie, d’une voix légèrement voilée par l’émotion. « J’ai adoré le scénario de Vertigo dès que je l’ai lu. J’ai pris un grand plaisir à m’immerger dans les différents niveaux que recelait le film. Il était d’une telle profondeur, surtout si l’on se réfère à l’époque, où la plupart des scripts étaient assez superficiels. Ce fut une expérience riche en défis. Je dois beaucoup àVertigo, et c’est certainement celui de mes films dont je suis la plus fière. « 

Un pas vers le passé

Si Hitchcock ne fut pas toujours amène envers une comédienne qui ne constituait pas son premier choix il est vrai, Kim Novak ne manquait pas de vanter le génie du réalisateur. « Au début, j’étais mal à l’aise, et je n’arrêtais pas de me rendre dans son bureau pour discuter du personnage. A quoi il me répondait invariablement: « My Dear, je t’ai engagée pour jouer le rôle, à toi de t’en soucier.  » Dans un premier temps, cela m’a déstabilisée, mais j’ai bientôt compris que j’avais là une opportunité de justifier ce qu’il attendait de moi, et de m’appuyer sur ma propre expérience de la vie. Jouer le rôle de Madeleine et de Judy avait un lien évident avec ma vie d’actrice sous contrat avec un studio. J’ai trouvé remarquable la façon dont Hitchcock m’a permis de me servir de cela: il savait comment tirer le meilleur parti des difficultés et des insécurités des gens.  » Un constat étayé par un exemple concret: « Je ne voulais pas porter les chaussures noires prévues, et l’habilleuse m’a suggéré d’en parler avec Monsieur Hitchcock. Je suis donc allée le trouver, et il m’a laissé parler, parler, parler, pour me dire à la fin, avec un sourire: « Tu vas porter ces chaussures noires. » J’ai pris cela pour un défi, mais j’ai aussi réalisé qu’il m’avait écoutée attentivement. Mes doléances correspondaient précisément à ce qu’il souhaitait pour le personnage de Madeleine. Ces chaussures représentaient en quelque sorte Carlotta: à chaque pas, Madeleine était happée dans le passé. La sagacité dont il savait faire preuve, c’était formidable.  »

S’agissant de Hitchcock, Kim Novak ajoutera encore avoir toujours vu en lui un mystère: « J’ai entendu tellement d’histoires à son sujet qu’il fallait qu’il soit quelqu’un d’exceptionnel. Je n’ai jamais eu le sentiment que je saurais un jour qui il était vraiment. Et cela me convenait, parce que je ne pense pas qu’il ait été en mesure lui non plus de déterminer qui j’étais vraiment moi-même.  » L’histoire de Vertigo, avec ses déclinaisons de Madeleine en Judy, n’est peut-être finalement rien d’autre…

J.F. PL.

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