Globalement décevante, la 65e Mostra de Venise s’est achevée dans une certaine confusion. Bilan écrit et photographique de festivités en demi-teinte.

Des artistes confirmés que l’on avait déjà connus mieux inspirés, d’autres en devenir, n’étant encore qu’au stade des promesses, à quoi l’on ajoutera une ligne de programmation pour le moins malaisée à déchiffrer: la 65e Mostra de Venise avait de très nets airs de session de transition. Le public ne s’y est pas trompé qui, sans bouder la manifestation, l’a suivie moins assidument (- 12 % de fréquenta-tion). Conséquence logique: Marco Müller, le directeur du Festival, a essuyé un feu nourri de critiques, face auquel il a fait front avec plus ou moins de bonheur. On l’imagine mal, en tout état de cause, ne pas opérer une courbe rentrante à l’horizon 2009. Même si l’on se refusera à jeter le bébé avec l’eau du bain; il y eut aussi de bonnes choses au menu de cette Mostra.

2007, cru exceptionnel

Un flash-back s’impose pour mieux comprendre le malaise ayant prévalu lors de cette édition. Voilà une dizaine d’années maintenant que Venise s’emploie, avec succès, à recouvrer son lustre d’antan. Rendez-vous du cinéma d’auteurs, la Mostra a aussi su s’attirer les bonnes grâces de grands studios, alliant, joliment plutôt, exigence artistique et assise populaire. Moins médiatisée que Cannes, certes, Venise a déjà pu rivaliser en termes de qualité. Démonstration en 2007, avec un palmarès qui alignait Lust, Caution d’Ang Lee, I’m not There de Todd Haynes , La graine et le mulet d’Abdellatif Kechiche, ou encore The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford d’Andrew Dominik, soit autant de grands films.

Or, de grands films, on n’en vit point cette année. De (très) bons, oui, comme le Lion d’Or The Wrestler de Darren Aranofsky, Birdwatchers de Marco Bechis, Rachel Getting Married de Jonathan Demme, Achilles and the Tortoise de Takeshi Kitano, Ponyo d’Hayao Miyazaki, ou encore L’autre de Pierre Trividic et Patrick Mario Bernard, pour ne s’en tenir qu’à la compétition.

Circonstance aggravante, la politique de programmation défendue par Müller est apparue pour le moins nébuleuse. Si l’on peut accepter la présence diplomatique, en compétition, de films italiens même quelconques – dommage, quand même, l’année où Cannes proposait Gomorra et Il Divo -, pas loin de la moitié des films concourant au Lion d’Or sont apparus indignes de tant d’honneur, de Jerichow à Nuit de chien en passant encore par Plastic City. Ce, alors que des films comme Stella de Sylvie Verheyde, 35 Rhums de Claire Denis, ou encore Vinyan de Fabrice Du Welz, présentés dans d’autres sections, auraient indiscutablement relevé le niveau d’une compétition qui n’en avait que trop besoin.

Autre déception, pour un public toujours friand de stars: cadre privilégié, ces dernières années, des premières internationales de films américains, Venise a dû, cette fois, s’en tenir à un menu light. La projection, en ouverture du Festival, de Burn After Reading des Coen, avec Brad Pitt et George Clooney, était certes un joli coup, bientôt suivi du fort attendu The Burning Plain de Guillermo Arriaga, défendu par Charlize Theron. Pour le reste, le calme plat, jusqu’à la toute fin du festival, avec les venues de Mickey Rourke et autre Anne Hathaway.

Concurrence effrénée

En l’occurrence, la Mostra a sans doute joué de malchance, la grève des scénaristes ayant entraîné le retard de nombreuses productions américaines. Autre explication à la pauvreté relative de cette édition, la concurrence effrénée entre festivals. Outre celle de Cannes, excellente en 2008, et qui demeure un premier choix même si pas sans danger pour des productions fragiles, Venise doit essuyer celle de Toronto et Deauville, organisées à la même époque de l’année. Voire, encore, celle, géographique et financière de Rome, qui suivra à l’automne. Autant dire que la tâche du sélectionneur n’a pas dû être aisée… La crise économique qui touche autant le secteur que les spectateurs étant venue compléter le tableau, on comprend que les alentours du Casino aient pris, certains jours, des allures de morne plaine.

L’avenir? Si Venise entend, à juste titre, demeurer un espace de découvertes, Müller a annoncé du changement. Le premier, moins anodin qu’il n’y paraît, verrait la Mostra reculer de quelques jours dans le calendrier pour se dérouler, en 2009, du 2 au 12 septembre. Voilà qui exacerbera encore la concurrence avec Toronto et Deauville. Mais qui permettra aussi de rétablir un pont aérien pour stars autrefois fructueux entre Normandie et Adriatique. Pour le reste, la parole est aux auteurs, ces auteurs dont nous vous proposons une série de portraits exprimant leur combat artistique…

Texte Jean-François Pluijgers, envoyé spécial à Venise. – Photos Stéphanie Cornfield.

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