CONTEUR NÉ, RAF REYNTJENS, LE RÉALISATEUR FLAMAND DES CLIPS DE STROMAE, SIGNE UN PREMIER LONG MÉTRAGE QUI DEVRAIT PLAIRE.

« Le plus important, c’est toujours l’histoire! Que tu fasses une pub ou un clip musical, un court métrage ou un long. C’est ce que tu racontes aux gens qui les intéresse. Le reste est accessoire… » Raf Reyntjens, 40 ans, est le nouveau golden boy du cinéma flamand. Et il a de son métier une idée bien précise, qui fait siens les acquis de la grande tradition américaine du storytelling, fixés notamment par Billy Wilder dans ses confidences à Cameron Crowe (1). La narration est la clé de sa réussite assez spectaculaire dans les domaines du film publicitaire puis dans celui des vidéos musicales (pour Stromae, surtout), en passant par le court métrage avec un premier –A Message From Outer Space– suscitant un remake aux Etats-Unis, et un deuxième –Tunnelrat– programmé au MoMA de New York! Avec neuf nominations aux Ensors (les Oscars flamands), le premier long métrage de Reyntjens, Paradise Trips, semble poursuivre la success story du par ailleurs sympathique réalisateur anversois.

Père et fils

On pourra trouver un peu démagogique ce road-movie où un chauffeur de bus touristique (joué par Gene Bervoets) transporte d’Anvers à la Croatie un groupe de hippies allant participer à un festival. Calibré pour amuser tout en émouvant, le film fait se retrouver un père et son fils qui ne se parlaient plus depuis des années. Comme un écho à ce Papaoutai mis en clip pour Stromae et qui est devenu la vidéo musicale francophone la plus populaire sur le Web avec près de 280 millions de vues à l’heure où s’écrivent ces lignes… « J’étais conscient, en faisant le clip, d’une parenté de thème avec le long métrage que je rêvais de faire depuis dix ans, commente Reyntjens, ces rapports père-fils m’inspirant beaucoup, comme le fait plus largement le cadre familial. »

La sienne, de famille, a vu fiston Raf partir dès 17 ans pour entamer des études de cinéma au Rits à Bruxelles. « Mais à l’époque, j’ai surtout fait la fête!« , rit celui qui a « pris conscience, après l’école, qu’il fallait travailler pour réaliser le rêve d’être réalisateur« . De plateau en plateau, comme régisseur ou assistant, le jeune homme a bossé. Puis est venue l’idée un peu folle de faire, avec un ami, « une vingtaine de fausses pubs et cinq courts métrages en deux mois« … A Message From Outer Space se faisant remarquer, les deux complices se virent octroyer des subsides, et se mirent à réaliser des pubs. Vous connaissez déjà la suite, dont ce Paradise Trips refusé par le VAF (Vlaams Audiovisueel Fonds) pour cause de scénario pas assez convaincant. Reyntjens s’en est dès lors allé suivre une formation supplémentaire en écriture à Amsterdam, pour muscler un sens narratif dont il sentait bien qu’il serait la clé d’un futur à la mesure de ses ambitions…

Liberté contre règles

Au coeur de son premier long, le cinéaste a placé « le conflit entre la liberté et les règles, un sujet qui me concerne très directement. Quand j’étais jeune, je voulais être totalement libre, mais dans notre système il y a des règles pour tout le monde… Alors j’avais un fameux problème avec l’autorité! On en retrouve des traces dans Paradise Trips, et je crois que tout le monde pourra s’identifier à ça, car ce conflit est en chacun de nous, je pense. » L’identification étant toujours l’élément crucial, aussi pour ce Stromae avec lequel Reyntjens adora travailler. « Il ne prend pas la pose d’une star, il ne se met pas au-dessus des gens, il est proche d’eux et ils le sentent quand ils l’entendent chanter, ils ont le sentiment qu’il leur parle de quelque chose qu’ils connaissent, qu’ils vivent ou ont vu vivre dans leur environnement« , commente le réalisateur. Lequel a vécu très intensément la quasi-simultanéité du triomphe tout de même inattendu de Papaoutai (la chanson, et sa vidéo) et de l’aventure de son premier grand tournage.

Paradise Trips pourrait bien devenir le nouveau succès populaire de ce cinéma flamand qui s’est trouvé, depuis une bonne dizaine d’années, un marché autonome, réactif. « Bien sûr le contexte est aujourd’hui plus favorable aux cinéastes flamands, estime Raf, mais cela reste difficile pour les plus jeunes talents, trop nombreux pour pouvoir tous bénéficier des aides publiques en diminution, beaucoup devant encore attendre des années pour pouvoir concrétiser leur projet. Ce fut le cas aussi pour Michaël Roskam… » Et de clamer: « Il nous faudrait chaque année un Rundskop, un Broken Circle Breakdown ou un La Merditude des choses pour faire tourner la machine! Et en ce moment, ce n’est pas encore le cas… »

Sa propre « machine », Reyntjens entend la faire fonctionner grâce à « la simplicité et à des films portés par leurs personnages. Je ne veux pas faire des films artistiques, appréciés par un public étroit, ni non plus des films purement commerciaux qui vont plaire à tout le monde, conclut la nouvelle coqueluche du film « made in Flanders ». Je cherche mon chemin entre les deux, avec l’espoir de donner aux gens une expérience à partager, un spectacle mais aussi un voyage qu’ils ont l’impression d’avoir un peu vécu eux-mêmes, le temps d’un film. » Le nouveau projet de R.R. s’intitule Ponie and the Death of Zorro. Comme son nom l’indique, il s’agira d’un « western flamand, avec pour héroïne une fillette de douze ans qui est mordue par le chien des voisins« …

(1) DANS LE PASSIONNANT BOUQUIN CONVERSATIONS WITH WILDER.

PARADISE TRIPS. COMÉDIE DRAMATIQUE DE RAF REYNTJENS. AVEC GENE BERVOETS, JEROEN PERCEVAL, CÉDRIC VAN DEN ABBEELE. 1 H 30. SORTIE: 19/08.

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RENCONTRE Louis Danvers

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