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Emmanuel Carrère a suivi pendant neuf mois le procès des attentats du 13 novembre, le chroniquant pour différents journaux (textes retravaillés et augmentés pour le livre). Sa subjectivité fait œuvre, et transcende le récit des minutes du procès, ouvrant un dialogue entre les différents témoignages, se permettant aussi de commenter le travail de la justice. Face à l’insondable noirceur, Carrère évoque Dostoïevski, tout en faisant régulièrement un pas de côté et s’autorisant un peu d’humour pour se protéger. Si souvent c’est la figure de l’assassin qui fascine, ici ce sont les victimes qui enflamment les passions. “On parle trop, et trop complaisamment, du mystère du mal. Être prêt à mourir pour tuer, être prêt à mourir pour sauver: quel est le plus grand mystère?” Ces victimes qui furent héroïques, mais aussi celles qui ont “poussé, écrasé, piétiné” pour se sauver, submergées aujourd’hui par la honte. L’antagoniste principal, c’est Salah Abdeslam, celui qui n’a pas explosé. Carrère s’interroge sur cet accusé “tête-à-claques”, qui peut-être malgré lui pose l’un des enjeux cruciaux: “Tout ce que vous dites sur nous, les djihadistes, c’est comme si vous lisiez la dernière page d’un livre. Ce qu’il faudrait, c’est lire le livre depuis le début.” L’autre parole phare est celle d’un survivant: “J’attends que ce qui nous est arrivé devienne un récit collectif”. Et de s’interroger sur le verdict, cette perpétuité qui le laisse perplexe, tant “la justice ne peut pas être préventive, on juge quelqu’un sur ce qu’il a fait, pas sur ce qu’il aurait pu ou dû ou failli faire.

D’Emmanuel Carrère, éditions P.O.L, 368 pages.

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