Douce France… Ah bon, vraiment? A l’époque de Trénet peut-être. A en juger par les derniers hoquets de la vie culturelle hexagonale, le Sphinx autoproclamé du bon goût et de l’élégance exhalerait plutôt une haleine fétide ces temps-ci. Certes, Versailles brille toujours de mille feux, la Tour Eiffel toise toujours Paris et le monde, et les expositions consacrées aux cadors maisons de l’art (Picasso hier, Soulages aujourd’hui) drainent encore et toujours la grande foule. Quelques esprits frappeurs assurent même un semblant de lustre au rayonnement de la patrie des arts et des lettres (au hasard, Dominique A, Eric Reinhardt, Tavernier, Manu Larcenet…). Mais ce faux nez ne saurait cacher la vilaine grimace qui ravage le visage de la culture made in France. La preuve par trois affaires tirées des annales du temps présent. Le dossier NDiaye tout d’abord. Lauréate indiscutable du Goncourt, Marie NDiaye a eu droit à la douche froide après le coup de chaleur médiatique. L’estocade aux relents racistes est venue du député UMP Eric Raoult qui a réclamé des heureux élus un devoir de réserve, en référence aux propos acerbes de la romancière dans les Inrocks sur la France de Sarkozy. On croit rêver. Demander à un(e) artiste de se taire ou de garder le doigt, la plume, la langue ou le pinceau sur la couture du pantalon, c’est comme empêcher la sève de monter dans l’arbre. Tôt ou tard, il finira par mourir. Deuxième pièce à verser au dossier: Diam’s. On l’aimait bien la Boulette. C£ur d’artichaut niché sous une doudoune de plumes électriques, elle remettait les pendules du machisme à l’heure. Et puis voilà qu’elle nous lance un SOS rongé par les mites d’un conservatisme rétrograde et d’un prosélytisme rampant. La rage de vaincre à cédé la place à une haine froide, sourde, qui étrille tout sur son passage, la gloire, les mecs, les pères, même les  » filles qui jouent les cow-boys« . Tristes tropiques… Et enfin, troisième dérapage incontrôlé: Zemmour. Réac jusqu’au bout des ongles, cet agité cathodique prétend défendre les intérêts de la Culture française. Comment? En la fossilisant! Croisant le fer avec Kool Shen l’autre soir au comptoir de Ruquier, il a encore fait la démonstration de son ineptie, balançant comme à l’accoutumée ses fatwas idéologiques de Richelieu dégelé au micro-ondes: le rap? Un sous-genre d’analphabètes. L’art contemporain? De la sous-culture. Excessif bien sûr. Donc insignifiant. Mais que ce Pécuchet de salon ait droit à une tribune en dit long sur l’air du temps. Polac, Pivot, Rapp, revenez! Tous ces élements à charge mis bout à bout prouvent que quelque chose ne tourne plus rond au pays de la Sainte Trinité. L’atmosphère y devient étouffante, et la fracture culturelle abyssale. Qui sommes-nous pour nous permettre de critiquer aussi vertement nos voisins? Juste les bouffons du roi. Doublés d’admirateurs qui ont mal à leur héritage commun…

Par Laurent Raphaël

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