Une amitié fantasmée

© Federico Fellini. Rêve du 22 janvier 1962. Le Livre de mes rêves, volume I Comune di Rimini Cineteca - Archivio Federico Fellin

À la Cinémathèque française, une exposition explore les convergences esthétiques et le « lien secret » unissant Fellini et Picasso.

Entre Fellini et Picasso, il n’y eut pas de rencontre, mais son rêve ou fantasme, au coeur de l’exposition de la Cinémathèque française qui s’emploie à explorer les convergences esthétiques entre ces deux artistes majeurs du XXe siècle, étayées par diverses pièces de choix, toiles, sculptures, photos… Vaste programme, mais fil ténu cependant d’un accrochage articulé en une poignée de stations parcourues au son évocateur de Nino Rota. À l’origine de ce dialogue imaginé par Audrey Norcia, on trouve Il Libro dei sogni, imposant volume dans lequel le réalisateur de La Dolce Vita a consigné et dessiné ses rêves 30 années durant à l’invitation de son analyste, Ernst Bernhard. Picasso y apparaît à diverses reprises, habitant les songes de Fellini dans des moments de crise intime, artistique ou personnelle, visions qui constituent autant d’encouragements à la création.

Rendez-vous manqués

Entre les deux artistes, les affinités sont manifestes en effet, la scénographie privilégiant quelques thématiques majeures: l’Antiquité, les femmes, la danse et la corrida, le cirque ou le mythe. Et de s’appuyer sur un jeu de correspondances établissant, par exemple, « la contamination du style picassien sur la vision fellinienne de l’Antiquité », toiles et extraits (du Satyricon) à l’appui. Ou faisant deviser dans le second chapitre de l’exposition, « Le continent femme », Les Femmes d’Alger et d’autres oeuvres du peintre, avec celles aux formes généreuses peuplant les Amarcord, Otto e Mezzo, La Cité des femmes… extraits, photos, affiches, dessins (Fellini avait été caricaturiste) et documents servant le propos, jusqu’à des extraits des dialogues français du Casanova travaillés par… Patrice Chéreau. Ou de s’attarder encore sur le milieu forain, faisant rimer leurs deux univers, comme du reste, danse et corrida, un montage glissant de 8 oe au Minotaure soulignant que « chez Fellini comme chez Picasso, masculin et féminin dansent, se séduisent et s’affrontent dans l’arène des pulsions sexuelles qui mettent en mouvement le plaisir primitif qu’est celui, ultime, de la création », et l’on en passe. Soit les expressions diverses d’un dialogue qui, pour être dans l’ensemble fécond, n’en laisse pas moins par endroit dubitatif -on a déjà connu sensiblement plus concluant en matière de transversalité, Les Coïncidences fatales entre Hitchcock et l’art, par exemple. Pour autant, cette association entre Fellini et Picasso n’est certes pas dénuée d’intérêt, qui illustre encore combien ces deux artistes polymorphes ont écrit eux-mêmes leur propre mythe. Pour se refermer sur des chronologies croisées, « rendez-vous » manqués (de Rome à Paris en passant par Cannes et même Pompéi, arpentées à distance) propices au dialogue imaginaire…

Quand Fellini rêvait de Picasso

Cinémathèque française, 51 rue de Bercy, Paris. Jusqu’au 28/07.

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