Un terrain de liberté

© © CHRISTOPHE BLAIN

CHRISTOPHE BLAIN RENOUE LUI AUSSI AVEC LE WESTERN ET SA FORMIDABLE SÉRIE GUS, TRIO DE COW-BOYS AUSSI SANGUINAIRES QUE SENTIMENTAUX. UN PLAISIR ET UN HOMMAGE DÉVOYÉ À UN GENRE QU’IL A TOUJOURS AIMÉ.

« Je n’y suis pas revenu. Je ne l’ai jamais lâché. » Au moins c’est clair d’entrée de jeu: même s’il s’est écoulé huit ans depuis la dernière apparition de Gus et de ses compères -on l’avait laissé le coeur brisé et le pif racrapoté à la fin de Ernest-, Christophe Blain n’a jamais délaissé Gus, qu’il avait envisagé comme une longue et imposante série dès le premier album, en 2007, quand il surprit tout le monde, lui qui pouvait tout se permettre, en se lançant dans le western, évidemment à sa sauce, après avoir longtemps donné dans les genres, avec Isaac le pirate (cinq tomes de 2001 à 2005), Donjon (quatre tomes) ou Socrate, le chien de Sfar (trois tomes). Celui qui est considéré, à l’instar des Blutch, David B., Trondheim ou Guibert, comme l’un des phares de cette « nouvelle bande dessinée française » qui règne depuis 20 ans, n’a donc jamais eu l’intention d’en finir avec le Far West, son imagerie et ses ressorts qu’il s’amuse, depuis déjà près de 300 planches (!), à tordre et à se réapproprier. « Il y a des éléments de ce Gus qui étaient déjà écrits quand je faisais le premier. Tout chez moi est d’abord écrit. Très écrit! Il y a ici des moments envisagés depuis longtemps, et la suite existe déjà. Mais il y a eu Quai d’Orsay(son récit en deux tomes dans les couloirs du ministère des affaires étrangère, énorme succès critique et public, devenu film de Tavernier, NDLR), un projet que je n’avais pas vraiment prévu et qui m’a pris trois ans. Puis il y a eu La Fille, un projet vraiment à part, très expérimental, suivi d’un spectacle qui m’a lui-même demandé beaucoup de travail. Le temps est incompressible, c’est la seule explication, même si c’est vrai que je réenclenche ici un certain processus, plus productif. » Qui le fait donc replonger dans un univers qui ne peut que lui convenir: Blain n’aime rien plus que fouiller les sentiments ordinaires de personnages plongés dans l’extraordinaire. « Or le Far West est un pur terrain de liberté, et une vraie tradition dans la BD franco-belge: les plus grands connaisseurs du genre, c’est bien nous, les Européens. »

Aventure et mythologie

Nourri de BD lorsqu’il était enfant -« Je lisais des BD avant de savoir lire, Je me souviens surtout de Tintin et de Lucky Luke, et j’y reviens toujours« -, Christophe Blain est de cette génération « auteuriste » qui aime à se replonger dans les genres et la grande aventure, à l’image de son ami, camarade d’atelier et ex-beau-frère Matthieu Bonhomme qu’il remercie dans Happy Clem, le quatrième tome de Gus.Or pour se faire, rien ne vaut le western: « Le grand spectacle, la grande aventure, en Europe, on n’a pas les moyens de les faire au cinéma, on les fait dès lors et depuis toujours en bande dessinée, contrairement aux USA où le cinéma a phagocyté le genre: dans les comics, le western est quasiment inexistant. Je crois que c’est aussi simple que ça. Et pour un dessinateur qui comme moi se définit à la base comme réaliste, le Far West véhicule des images très marquées, presque mythologiques. »

GUS (TOME 4), DE CHRISTOPHE BLAIN, ÉDITIONS DARGAUD, 104 PAGES.

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O.V.V.

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