L’ENFANCE DE L’ART – JULES ET JANET, PERSONNAGES FÉTICHES D’ÉMILE BRAVO, PLAIDENT LA CAUSE DE L’HUMANITÉ DANS UN ALBUM FIDÈLE AUX CANONS DE LA BD D’AVENTURES POUR ENFANTS.

D’ ÉMILE BRAVO, ÉDITIONS DARGAUD.

« Je suis venu à la BD naturellement. Je dessinais beaucoup quand j’étais gamin. On m’encourageait. Mon père s’y mettait avec moi. Mais surtout, lorsque venait l’heure de se mettre au lit, il m’inventait des histoires. J’adorais ça. Alors moi aussi j’ai voulu imaginer des histoires que je pourrais lui raconter quand il rentrerait du travail. C’est comme ça que j’ai commencé.  » On l’aura compris, chez Emile Bravo, la BD est une affaire intimement liée à l’enfance, ses albums multipliant d’ailleurs à l’envi les £illades aux aventures qui ont bercé la sienne, à commencer par celles d’un certain reporter à la houppe rebelle.

Quadra aussi humble qu’intarissable quand il s’agit de parler de son travail, le Français fait à vrai dire figure de fier et bel anachronisme dans le paysage actuel du 9e art. D’autant plus à l’Atelier Nawak (devenu l’Atelier des Vosges), où il pose ses crayons dès 1992 aux côtés de quelques-uns des plus grands tenants de ce que l’on appellera bientôt la Nouvelle bande dessinée (Sfar, Trondheim, Blain…).  » La différence fondamentale entre eux et moi, c’est que je m’adresse avant tout à des enfants. Je ne suis pas un dessinateur, je suis un conteur. Et pour être compris par le plus grand nombre, il faut être lisible. Il y a des codes qui ont été inventés à cet effet et qui sont très efficaces. C’est à ces codes classiques, hérités de la ligne claire de Hergé, que je me réfère. Chez moi, aucun trait n’est souligné, ce qui permet à tout un chacun de s’identifier. Exactement comme chez Hergé: Tintin est un personnage lisse, tout le monde peut se projeter dans ses aventures.  »

C’est pas sorcier

Dans son nouvel album, Un plan sur la comète, 6e Epatante aventure de Jules, Bravo imagine la fin prochaine du monde et pose la question: l’humanité mérite-t-elle de survivre? Il ironise:  » Avec 2012 qui arrive, j’ai bien calculé mon coup.  » Avant d’ajouter:  » Non sérieusement, ce n’est pas mon propos. Il s’agit plutôt de tirer une sonnette d’alarme quant à l’état du monde. L’humanité est partie sur de très mauvaises bases. On se sert comme des enfants gâtés: on pense que tout a été créé pour nous. C’est une erreur. Je me bats contre l’anthropocentrisme.  »

Un poil moralisateur, sans doute, l’album offre surtout le plaisir de renouer avec un univers rempli de savants fous, de voyages dans l’espace et d’inventions loufoques. Un peu comme si Tintin rencontrait Jamy, le binoclard je-sais-tout de l’émission C’est pas sorcier…  » Quand j’avais 10 ans, mon grand frère m’a parlé de la relativité: ça a été un choc. Notamment parce que ça répondait à des questions existentielles que je me posais déjà. Le Père Noël, les dragons, les princesses…, toutes ces conneries qu’on nous raconte quand on est gosses n’existent pas. Mais la relativité, c’était vrai. Et c’était carrément dingue comme histoire. D’où ma question: pourquoi on ne leur raconte pas ça, aux gamins? C’est ce que je fais aujourd’hui. Je leur parle du clonage, de la relativité du temps, de la question de Dieu, de la mort. Des choses essentielles qui « écrasent » leur ego et qui permettent de mettre les choses à plat. Dans cette optique de leur inculquer, avec humour et imagination, quelques notions de base pour aborder la vie.  »

A découvrir absolument, de 7 à 77 ans.l

NICOLAS CLÉMENT

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