Un automne de Flaubert

 » Décidément Concarneau n’est pas l’Égypte, se dit Flaubert en entendant la pluie fouetter les vitres de sa chambre. » Nous sommes en 1875 et, à 53 ans, une autre vie doit commencer, ou plutôt une survie -en attendant la fin qui ne saurait tarder. C’est qu’autour de l’écrivain tout meurt: son ami Bouilhet, sa pauvre mère, tous ces lettrés dont la fréquentation rendait la vie moins ennuyeuse tombent comme des mouches. Avant sa retraite, Flaubert croisait encore de manière fugace George Sand distillant quelques conseils, Hugo, le vieux crocodile, se chamaillait sur l’importance de Goethe, mais ici, à Concarneau, la saison des sardines bat son plein. Alors Monsieur Gustave s’empiffre sans joie, rôde dans les cimetières, se livre à la douleur de tout son poids. Chaque vie a une manière bien à elle de s’effondrer. La mer, toute proche, vient mourir sur les plus belles pages du pointilliste Alexandre Postel ( Un homme effacé, L’Ascendant). Dans le récit de cette infortune, on goûte l’élégance et la droiture, la mélancolie aussi. L’athlète du style a perdu toute estime de lui-même. Le mal est dans son coeur. « Voltaire avait raison: la vie est une froide plaisanterie. Être un latin, c’est penser que la vie nécessite de grands allègements. C’est connaître la valeur de l’inutile. » Ponctuant son hébétude, ses errances, la coupe des phrases donne une allure folle au gros monsieur exagérément rouge qui chaque matin se rend à l’Aquarium, où il assiste aux dissections comme d’autres vont à la messe. Ici règne la cérémonie du style.

D’Alexandre Postel, éditions Gallimard, 144 pages.

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