Au Grand Journal parisien de Canal +, U2 crée l’événement. Quinze minutes – et même un peu plus – de gloire télévisuelle où Bono, forcément, monte sur les tables…

« U ne première historique à la télévision française. Le Grand Journal reçoit U2 et François Hollande (…) », déclare la speakerine de Canal, toute chose sur le coup de dix-neuf heures ce lundi, dix minutes avant le début des festivités. Signe de l’importance de l’événement, le sigle des (multiples) inserts de pub se métamorphose en celui de U2…

Au fond, à quoi ressemble un groupe qui a vendu 140 millions d’albums et décroché 22 Grammy Awards? A quatre types protégés comme l’Union de Banques Suisses, la sécurité faisant flamber le commerce des petites oreillettes dans le paquebot Canal du bord de Seine. C’est peu dire que ce cinémascope de la promo entre en collision avec le programme tiers-mondiste de Bono et toute l’armada démocratique dont s’habille U2.

Mais cela doit faire partie de la contradiction chère aux Irlandais. Quatre ans après la sortie en novembre 2004 de How To Dismantle An Atomic Bomb, il s’agit de montrer que le groupe et le nouveau No Line On The Horizon sont toujours saignants . D’un point de vue musical, c’est sans doute vrai. Malgré un faux départ dans les studios avec Rick Rubin en 2006, U2 a embobiné un bel album en compagnie des vieux companeros, Steve Lillywhite, Brian Eno et Daniel Lanois. Les deux derniers, cocrédités auteurs-compositeurs de six des onze titres de No Line On The Horizon, ont fait faire un nombre étourdissant de tours de pistes aux boys, poussant Bono & C° hors de leurs tranchées présumées. On n’est pas obligé de croire le buzz sur les  » 50 ou 60 morceaux travaillés  » mais le voyage musical résonne, au final, fructueux. Le processus studio repris avec Eno/Lanois dans un riad de Fez à l’été 2007 est laborieusement passé par Londres, Dublin, la France, Hanovre et New York. Et au bout du compte, la Bande à Bono semble prête à refaire un hold-up scénique monumental. Facteur essentiel qui nourrit le groupe et sa légende omnivore.

Ah oui, et l’émission Canal alors?

Devant le building-paquebot de Canal, une famille de « bouchers belges », soit quatre Ardennais partis à dix heures du village local en espérant voir un bout de Bono. Pour l’instant, sans invitations, la charcuterie sudiste reste à quai. Il y a aussi Cali venu  » en tant que fan » qui  » n’a rien entendu et achète l’album au premier jour, légalement, en magasin ». Il y enfin les poussières d’un certain Tout-Paris, au premier rang desquels Jérôme Clément, PDG d’ARTE, assurément grand fan de rock’n’roll. Quatre-vingt petites places en studio, vingt-six pour le (vrai) public: les sites de fans clubs U2 ont vu rouge.

Backstage, l’inévitable Monsieur Champagne côtoie quelques silhouettes graciles haut perchées. La routine. Mais le  » moment exceptionnel », c’est bien la bande des quatre qui déboule avec son single Get On Your Boots: en live, cela passe comme un stormtrooper sous amphétamines. « I don’t wanna talk about wars between the nations », hurle Bono en décoloration rouquine.

Ecran pub. Puis le même Bono explique pourquoi ils réussissent depuis si longtemps,  » Faut avoir de bonnes chaussures (sous-entendu: être bien dans ses pompes, ndlr) (rires). On ne sait pas véritablement ce que l’on fait, faut pas mal de chaos pour être créatif. Se rendre sur un lien physique (sic) aide à trouve une sorte de singularité: Fez… On est allé à leur festival de musique religieuse, on s’est plongé dans cette musique, c’était vraiment particulier ». The Edge ajoute quelque chose d’idiotement vrai:  » On est un vrai groupe (…) , c’est comme cela qu’on fonctionne le mieux ». Bono:  » Face au public (hurlant, ndlr) , il y a quelque chose qui se passe. Même pour les gens qui ne sont pas des fans de U2, quelque chose d’électrique apparaît sur scène, des cheveux se dressent sur la tête… ». Sur l’état du monde, chaotique, le chanteur philosophe passe en registre majeur:  » Parfois, il faut traverser des crises profondes pour réinventer notre monde (…), il faut que l’on refonde nos sociétés avec la mondialisation (…) c’est une véritable gageure (…), la musique c’est quelque chose de sacré(il le répète deux fois) , cela nous donne l’impression que nous pouvons avoir un impact sur le monde ». Et sur la foi d’un (excellent) deuxième titre, Breathe, voilà tout le monde repu. Le Champagne refait un tour et U2 est toujours le meilleur-groupe-causeur-du-monde. Confirmation express en ce lundi 23 février à Paris, sur Canal +, le lendemain sur BeTV.

Texte Philippe Cornet, à Paris

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