TROUBLE 8, SIGNÉ PAR LE PRO DE LA SCÈNE UNDERGROUND ANTOINE PICKELS, ARTISTE PAR AILLEURS, DÉGAINE SES ACTES ARTISTIQUES MULTIPLES, AVEC LAURIE ANDERSON EN « GUEST STAR ».

Tradition artistique hors-genre, la performance va et vient selon les époques. Sortie des avant-gardes, elle s’éclate dans les années 60-70, tient le coup dans les années 80, et contre-attaque dans les années 2000. Chez nous, c’est Antoine Pickels qui, en 2005, la réintroduit dans le circuit, en créant le festival Trouble aux Halles de Schaerbeek. « Il y avait un revival un peu partout en Europe, une série de créateurs et donc quelque chose à montrer, explique Pickels. C’est dû au renouveau des médias et à notre rapport au monde virtuel, ce retour au concret, à l’immédiat, au corps, à sentir le vivant. » La 8e édition entrecroise des performeurs de Serbie, de Pologne ou d’Egypte, en passant par les USA et la bonne scène belge, mais aussi des vieux routards approchant les 70 piges!  » C’est un « contrat des générations »: ces vieux ont un talent merveilleux et créent un lien historique avec la discipline. Dans Chinese Lesson, Akademia Ruchu, un collectif polonais, présente de courtes performances issues de leurs 30 ans d’expériences! » Avec 35 performances en 5 jours, peu de violence ou de provoc, et quelques rencontres philosophiques, Trouble#8 « interroge la collectivité, avec des propositions assez positives », souligne Antoine Pickels qui planche déjà sur sa prochaine édition, liée à la crise, directement plus politique. En attendant, on vous embarque dans les codes de la performance avec Pickels himself…

CECI N’EST PAS UN SPECTACLE

« Trouble n’est pas un festival de spectacles mais d’expériences. L’artiste passe par des actions plutôt que par des £uvres. Le public n’est pas en situation de spectateur mais de témoin. » Ainsi le duo italien Ricci&Forte pose une série de trois performances inspirées du tragédien Marlowe (XVIe siècle) mais à la sauce « soap ». Dans Wunderkammer soap, on assiste à des scènes catastrophiques assez « trash » avec Faust dans une cuisine ou Héro/Léandre dans une chambre d’hôtel!  » Il y a un côté critique des médias chez ces performeurs. C’est Marlowe et Facebook. » Ailleurs, les Belges Dialogist-Kantor, duo Dada, nous entraînent dans Work in progress is piece of shit, alors que le Polonais Wojtek Ziemilski, dans Prolog, fait de nous les « protagonistes » d’une chorégraphie sociale…

L’ART QUI TOMBE À PIC

La performance doit tomber à pic, trouver son espace/temps. Grand écart à Trouble. Mise en Lumière de Mélanie Peduzzi explore l’exhibitionnisme/voyeurisme, dans une cave: trois minutes par visiteur, à qui elle demande de choisir et de photographier une partie de son corps. Un acte juste, comme la performance sur la contemplation: The Great Gallery of living sculpture où, dans la grande Halle, huit artistes vont, chacun, sculpter leurs performances. Consignes de création: 3 h, en lumière naturelle, sans possibilité d’amplifier la voix…

LE DEUXIÈME SEXE

Les femmes sont à la performance ce que les mecs sont au foot: en terrain acquis. Comme Laurie Anderson, musicienne qui ouvre le festival avec Dirtday! (l’Amérique d’après le 11 septembre). Ou une spéciale Lady Zone de performeuses numériques comme Valérie Cordy en Performance astéroïde, Lucille Calmel en Dark Matters sur le corps. Transgenre, Ivo Dimchev crée… The Pussy Catalog.  » Comment chacun imaginerait -et construirait- sa chatte de femme? Une vraie interrogation sur le genre. » A ne pas rater, la performeuse britannique Julia Bardsley dont le freudien Meta-Family interroge la famille dans un intrigant « laboratoire génétique ».  » Dans la performance, beaucoup d’artistes viennent d’une position minoritaire, les femmes, les homos, etc. Les arts plastiques et les théâtres restent une affaire d’hommes, avec leurs enjeux de pouvoir qu’on ne trouve pas dans la performance: il n’y a ni argent, ni position dominante. »

POP

Plus underground que le théâtre contemporain, Trouble a l’esprit pop.  » La performance possède une culture populaire, des boîtes de nuit, des lieux alternatifs, etc. Lucille Calmel a une vraie culture de nuit, Ricci/Forte puise dans le reality show. C’est important de montrer que la performance n’est pas que liée aux arts plastiques ou au théâtre. » A ne pas rater, l’Egyptien Hassan Khan qui prend les platines en sons et en mots pour parler d’humiliation dans A short story based on a distant memory with a long musical interlude. Performeuses slovènes, Wanda & Nova Deviator présentent Frozen Images: un concert multimédia sur la « pornification de notre environnement », inspiré de la société de consommation.

L’AMOUR DU RISQUE

La performance vit dans le risque. « Son public attend d’être sorti de ses habitudes. Dans Trouble, la fin de certaines performances dépend des réactions du public et/ou du risque pris par l’artiste, de son implication profonde ou émotionnelle. » Dans Framing Art – Spacing Reality, le danseur David Zagari réunit un groupe d’inconnus recrutés par petites annonces pour une « chorégraphie » de trois heures… la vessie pleine comme un moteur! Allez savoir si on se pissera dessus, en tout cas, dans la logique des scènes expérimentales, Trouble#8 n’a pas froid aux yeux…

DU 29/05 AU 2/06. WWW.HALLES.BE

TEXTE NURTEN AKA

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