Métaphore du monde et de la société du spectacle, le football a imposé son univers de références aux grands courants artistiques.

Parmi les premiers rapprochements notables entre art et football, la fameuse affiche de Joan Miró créée à l’occasion de la Coupe du Monde espagnole de 1982 est restée dans les esprits. La composition -laissant entrevoir les mouvements d’un étrange ballon rouge, de joueurs tentant de l’accaparer et d’un spectateur- a pris sa place au sein de l’imaginaire collectif. Loin d’être une première dans l’£uvre du peintre et sculpteur catalan, ce travail s’inscrit dans une lignée d’£uvres ayant le sport en ligne de mire. On l’ignore souvent, mais sa première affiche du genre date de 1974, à l’occasion du 75ième anniversaire du club de foot de Barcelone. Il s’agissait d’un collage dans lequel était intégré l’écusson brodé du Barça. Cela pourrait sembler étonnant -sauf si l’on considère le Barça comme l’emblème footballistique des grondements anti-franquistes en Espagne- mais pour celui qui fut l’un des chantres du surréalisme -et de la subversion généralisée-, il n’y avait chez lui aucune intention de s’en prendre au football. Il est intéressant de noter que dans les années 70, en Espagne et en Italie -cf. Pier Paolo Pasolini- artistes et intellectuels n’envisageaient pas ce sport populaire sous l’angle du mépris au contraire de ce qui se passait en France et dans les pays de culture francophone. Où le football était tenu en piètre estime, ce qui explique que durant cette période peu d’£uvres se sont alimentées à cette source.

Panem et Circenses

Par la suite, une nouvelle génération d’artistes active dans les années 90 a grandi avec le football comme référence en raison d’une culture médiatique -télévisuelle- au sein de laquelle ce sport faisait office de référence incontournable. Au moment de passer à la création, le football et son univers se sont imposés. Il en est ainsi de Wim Delvoye, dont le discours n’est pas moins critique vis-à-vis des dérives idolâtriques du football. On se souvient des £uvres Panem et Circenses, St Stephanus ou Penalty (visibles en ce moment à l’expo One Shot!, voir encadré) qui représentaient des buts dont les filets étaient remplacés par des vitraux figurant des icones religieuses ou des scènes de la vie quotidienne médiévale. Cette critique visant à mettre à jour les contours crypto-religieux du football est également présente chez Orlan qui a signé deux installations sur le sujet. La première donne à voir un ballon de football recouvert de textes bibliques et placé sous cloche de verre. La seconde montre une croix faite d’écrans diffusant des matches en boucle et des ballons disposés au sol, tels des orants. Le tout pour une dénonciation transparente. Le street art n’a pas non plus fait l’économie du foot comme lorsque Banksy recontextualise le fameux Nighthawks de Hopper. Derrière le personnage perdu dans ses rêveries, un hooligan en caleçon Union Jack se charge de faire exploser la vitrine. Un détournement au message clair qui ne laisse planer aucun doute quant au caractère iconoclaste de la ferveur engendrée par le football. D’autres artistes sortent du jugement pour s’intéresser au football en tant que geste en l’emmenant du côté d’un art qui examine impact sensoriel et efficacité phénoménale. C’est le cas d’Olaf Nicolai qui s’est fait connaître par une série d’images de Ballack, le joueur allemand, et dont le musée Boijmans Van Beuningen vient d’acquérir Apollo, une installation surnommée football cage dans laquelle les mouvements d’un footballeur sont décomposés à la façon d’un stroboscope grâce à un dispositif de colonnes en métal. l

Texte michel verlinden

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content