En matière de titres de romans (mais on pourrait faire à peu près le même topo pour les films et les noms de groupe), c’est un peu comme les zizis de Pierre Perret, il y en a de toutes les sortes: des vrais, des faux, des laids, des beaux, des durs, des mous… et surtout des longs ces temps-ci.

Exemples piqués à l’argus des dernières semaines: La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la Tour Eiffel de Romain Puértolas (un multirécidiviste puisqu’il a percé le blindage de l’anonymat en 2013 avec la mèche d’un autre titre à percussion, L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea). Ou encore Comment le chat de mon ex est devenu mon ex-chat d’Edgar Kosma (Onlit éditions). Mais aussi celui-ci, une perle dans le genre absurde: Du danger de perdre patience en faisant son plein d’essence de Pascal Martin (Robert Laffont).

Pas de quoi inquiéter pour autant les titres au souffle court, voire très court, qui continuent à proliférer simultanément. Bravo, le nouveau Régis Jauffret (lire page 12), Vous de Bernard Pingaud (Seuil), La Fille d’Eric Marty (Seuil) ou le désormais classique Le Royaume d’Emmanuel Carrère ne s’embarrassent pas de fioritures lexicales. Un mot ou deux, pas plus. Assez pour harponner la curiosité du lecteur et fouetter son imagination. Concis ne veut d’ailleurs pas toujours dire simpliste. Laurent Binet se faisait ainsi remarquer en 2010 avec l’énigmatique HHhH (Grasset), qui n’est rien d’autre que l’acronyme du surnom donné au SS Reinhard Heydrich. Mais la palme de la brièveté revient à égalité à Jean Echenoz avec 14 (Minuit) et à Philippe Djian avec « Oh… » (Gallimard), tous deux sortis en 2012.

A croire qu’il y a des modes dans les titres. Celle des appellations élastiques loufoques remonterait à Katherine Pancol, l’énorme succès en 2010 de ses Ecureuils de Central Park sont tristes le lundi aurait donné des idées à ses confrères et/ou à leurs éditeurs. De quoi gonfler les rangs du club des auteurs qui ont la devanture bavarde, lequel a été créé il y a au moins un siècle et compte quelques membres prestigieux, de Proust (A la Recherche du Temps perdu) à Dany Laferrière (Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer) en passant par l’incontournable Woody Allen (Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander… ).

C’est qu’un titre n’a pas qu’une fonction décorative. Il sert d’appât. Il faut donc qu’il sorte du lot sans trahir le sujet. Rien de pire qu’un spécimen qui aboie au fronton d’un texte qui incite à la sieste. Il doit tenir la promesse affichée. Et même s’il n’existe pas de recette ouvrant la voie du succès, on n’attire pas les mouches avec du vinaigre. Puértolas a marqué les esprits avec ses expressions fantasques qui installent tout de suite une ambiance. Même si on aura vite fait de les oublier au-delà de leur empreinte comique. Petit test à ce propos: qui peut citer sans se tromper un de ses deux romans mentionnés plus haut (on ne regarde pas!)? Tout comme Sonatine a su attirer l’attention en publiant un polar signé Anonyme et intitulé Le Livre sans Nom. Le suspense commence dès le seuil de l’ouvrage. Quitte à trouver le procédé un peu trop bien huilé pour être honnête.

Au final, c’est la mémoire qui tranchera de toute façon. Pas sur le titre du livre, mais sur le brasier qu’il renferme ou non. Peu importe l’étiquette sur le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse!

PAR Laurent Raphaël

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