De Bruce Wagner, éditions Sonatine, 502 pages.

Dans Toujours L.A. , Bruce Wagner évolue en terrain connu. Scénariste, réalisateur et producteur (il a notamment collaboré à l’une des suites des Griffes de la nuit de Wes Craven), il est à tue et à dia avec le microcosme hollywoodien. Ses proches s’appellent David Cronenberg, Rebecca de Mornay (qu’il a épousée) ou Oliver Stone (producteur de la série Wild Palms dont Wagner fut le brillant scénariste)… Il jouit donc d’une vue imprenable sur l’envers du décor de la Mecque du cinéma et connait par c£ur les petites manies des stars, leurs névroses, leurs rites, leurs obsessions en tous genres. Un étalage de vanités qu’il décortique brillamment dans un premier roman trash et déjanté lorgnant autant du côté de Bret Easton Ellis (pour la manie à truffer le récit de détails tout aussi agaçants que suffocants) que de Jay McInerney (pour l’étude de m£urs cinglante d’une communauté au bord de la crise de nerf). Ce n’est dès lors pas un hasard si ces chroniques hollywoodiennes ont reçu l’approbation de l’intelligentsia américaine. Sa majesté James Ellroy en personne confesse d’ailleurs tout le bien qu’il pense de cette satire dans sa préface. Satire où s’entremêlent les fils de trois destins. Celui de Becca Mondrain, midinette qui fait office de doublure à Drew Barrymore en attendant le grand soir. Celui de Lisanne McCadden, secrétaire névrosée qui va arriver trop tard au chevet de son père moribond à cause d’une trouille bleue de l’avion. Et enfin celui de Kit Lightfoot, acteur renommé en délicatesse avec son amour propre qui cherche un peu de réconfort dans le bouddhisme, la méditation, la cocaïne et les bras de jeunes prostituées. Un casting gratiné pour une farce enlevée… À Hollywood plus qu’ailleurs, le monde se divise en deux catégories: ceux qui ont gravi les échelons de la célébrité et redoutent de dégringoler de leur piédestal, et ceux qui gambergent au pied de l’échelle et craignent de ne jamais pouvoir l’escalader. Bruce Wagner n’épargne ni les uns ni les autres. Sur fond de galas de charité et de sentiments frelatés, il prend un malin plaisir à éventer les cauchemars climatisés de l’usine à rêves en tirant le tapis sous les pieds de ses protagonistes. Touffu, survitaminé, le roman n’évite pas ici et là les effets de manche. Mais évite la démonstration assommante et gratuite grâce à un humour mordant et une peinture désopilante de cette ville où le désespoir, le vide, l’ennui et la solitude ne sont jamais loin des piscines.

L.R.

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