Tombeau d’Olivier

L’oeuvre philosophique de Pour beaucoup, le nom d’Alain Badiou n’évoque guère qu’une caricature, qu’elle soit celle du grand philosophe, traduit, discuté, commenté dans le monde entier, ou celui du militant politique puisant dans l’idée du communisme un levier pour penser les manières de sortir des impasses du contemporain. Mais Badiou est aussi, d’abord, un être humain -et les engagements qui furent et sont toujours les siens, des engagements vitaux, physiques, sensibles. Lorsqu’avec sa compagne de l’époque, Cécile Winter, il adopte un jeune garçon d’origine congolaise, c’est avec le même dévouement et le même tact que celui qu’il met à élaborer un théorème, à penser un événement, à se positionner dans un monde voué à l’horreur capitaliste. Et lorsque le garçon meurt, à 30 ans, dans un accident de montagne aux circonstances obscures, c’est toujours le même engagement qui le pousse à lui rendre un hommage écrit. En quelques pages, ornées de photographies de famille, traversées des mots de son fils perdu, Badiou décrit un couple, une famille, une époque -et la vie d’un jeune homme de couleur en proie à la violence d’une République qui ne veut de lui que du bout des lèvres. Il s’agit d’une description à la sobriété poignante, éloignée de tout pathos, de tout violon. Un tombeau doit être tenu pour pouvoir se hausser à la hauteur impossible du souvenir qu’il incarne. De cette tenue, Badiou est un maître.

D’Alain Badiou, éditions Fayard, 120 pages.

7

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content